Des visions territoriales à concrétiser !

© photo : Julien Mpia Massa

Parmi les nombreux sujets qui devraient idéalement alimenter les débats dans cette période électorale figure la nécessité de redéfinir en profondeur les stratégies de développement spatial du pays et de sa région proche. Pendant cette mandature, IDEA a activement participé à faire émerger ou à consolider des concepts et idées nouvelles dans le domaine de l’aménagement du territoire (« Métropole transfrontalière du Luxembourg », « codéveloppement », « Vision territoriale », « coopétition », « scénario fil de l’eau » …), dont on peut raisonnablement penser qu’il s’agira d’un champ politique toujours plus crucial pour assurer un avenir durable au pays. A(ux) côté(s) d’autres initiatives prospectives (Luxembourg in Transition, Vision Eco2050) et démarches de planification (PDAT, PNEC, SDTGR), un laboratoire d’idées a priori très polarisé sur les questions économiques a donc jugé utile d’investir du temps pour intégrer dans ses réflexions une dimension pluridisciplinaire (géographique) et transfrontalière. Cet investissement est fondé sur la conviction que les politiques d’aménagement du territoire et de coopération transfrontalière sont au Luxembourg des politiques économiques « comme les autres ».

Dans la « Vision territoriale pour le Luxembourg à long terme », des réflexions ont été développées pour rendre possible la poursuite du développement économique et démographique soutenu tout en évitant le « black-out » territorial : changement de ligue des trois principales agglomérations du pays, ralentissement du développement démographique des espaces ruraux, renforcement de la mixité fonctionnelle sur l’ensemble du territoire, déploiement de nouvelles infrastructures de mobilité, mise en œuvre d’un projet de territoire commun avec les régions limitrophes… Pour concrétiser ces concepts, il pourrait être nécessaire dans la prochaine mandature de mener des réformes courageuses, faute de quoi cette vision et les stratégies nationales d’aménagement du territoire (par ailleurs bien pensées depuis longtemps), finiront par s’empiler sans se réaliser… Que le scénario du million d’habitants soit désiré ou non, de nombreux arguments plaident pour s’y préparer sérieusement.

Un important avis du CES, adopté à l’unanimité en 2022 et auquel IDEA a activement participé, formulait également 23 recommandations concrètes pour rendre plus cohérent le développement de la métropole transfrontalière du Luxembourg et appelait à faire de cet objectif le nouveau leitmotiv des politiques de coopération transfrontalières du Grand-Duché. Cette autre vision, sans doute encore moins porteuse électoralement que le « scénario du million », sera pourtant elle aussi une clé pour ne pas démultiplier les effets négatifs de la croissance économique et démographique perçus par les habitants du pays. Gageons que le prochain gouvernement y pêchera quelques idées !

Retour sur la table ronde d’IDEA consacrée à la Vision territoriale à long terme

Compte-rendu de Ioana Pop, Economiste IDEA

© photo : Julien Mpia Massa

Comment l’aménagement du territoire du pays doit-il évoluer pour accueillir plus d’un million d’habitants dans moins de 30 ans ?

Mercredi 3 mai a eu lieu le premier volet des tables-rondes organisées par IDEA, consacrées aux Grands Défis dans le cadre des élections législatives de 2023. La thématique de la soirée avait pour objectif d’entretenir la réflexion sur un thème essentiel pour le Luxembourg : l’aménagement de son territoire pour répondre aux défis d’une économie en pleine croissance avec un fort développement démographique. Romain Diederich, géographe, Vincent Hein, senior economist, et Muriel Bouchet, Directeur d’IDEA, ont travaillé pendant deux ans sur une étude intitulée Une vision territoriale pour le Luxembourg, qui doit être vue comme un outil pour l’élaboration des stratégies de développement économique du pays à l’horizon 2050.

En guise d’introduction à la table-ronde, Vincent Hein a présenté l’étude et notamment, l’hypothèse « au fil de l’eau », selon laquelle dans moins de 30 ans, la population luxembourgeoise atteindra 1,1 million d’habitants, avec 955.000 emplois (dont plus de 500.000 frontaliers), un scénario qui pose naturellement de nombreuses questions. L’objectif de cette première table-ronde consistait à trouver des réponses à la question : le pays sera-t-il capable, dans cette optique, d’accueillir cette importante augmentation de population et d’activité économique ?

Les cinq spécialistes invités, dont Vincent Hein, Romain Diederich, Marie-Josée Vidal, coordinatrice générale du Département de l’Aménagement du Territoire, au ministère de l’Énergie et de l’Aménagement du Territoire, Michelle Friederici, architecte et présidente de l’Ordre des Architectes et Ingénieurs-conseils, et Gérard Koob, secrétaire du Syndicat des Villes et Communes Luxembourgeoises, ont tous tout d’abord souligné l’importance d’une bonne communication et de relations suffisamment étroites entre le monde économique et celui du développement territorial. Pour citer Romain Diederich « le développement démographique du Luxembourg a découlé à 80% du développement économique. Ce sont les faits. »

Les spécialistes ont ensuite répondu à trois questions centrales :

 La première question portait sur les espaces à développer et les espaces à préserver :

Parler de l’aménagement du territoire luxembourgeois sans parler du Projet de Programme directeur d’aménagement du territoire (PDAT) n’est pas concevable. Marie-Josée Vidal tient à préciser que ce projet, dont le contenu est assez proche de la Vision territoriale d’IDEA, est en effet la stratégie portée par l’ensemble du gouvernement et qu’il se base sur 4 objectifs politiques :

1. La concentration du développement territorial
2. La nécessité de la réduction de l’artificialisation des sols
3. La coopération transfrontalière
4. La gouvernance

Sur le dernier point, elle explique la nécessité de mieux coopérer avec les communes, les politiques sectorielles, le monde économique, mais aussi les citoyens ; point sur lequel Gérard Koob a également insisté, notamment sur le fait d’associer davantage les communes dans les travaux d’aménagement du territoire.

A côté de ces 4 objectifs, le PDAT définit également des stratégies territoriales pour les zones à développer et pour les zones à préserver. La nouveauté par rapport au PDAT de 2003 consiste en la proposition de différents instruments, qui pourraient permettre de mettre en œuvre ces objectifs et stratégies territoriales. De plus, le nouveau programme directeur 2023 doit mieux prendre en compte le réchauffement climatique. Les projections et statistiques utilisées sont celles du STATEC, qui diffèrent parfois (en ce qui concerne la productivité, en particulier) des projections d’IDEA plus récentes.

Michelle Friederici, en tant qu’architecte, évoque le fait que la surcharge des normes entrave le bon développement des constructions et leur simplification pourrait être un atout dans l’aménagement du territoire.

 Le cadre de vie de demain

Dans ses chapitres, l’étude sur la vision territoriale d’IDEA souhaite aussi sensibiliser à la future qualité de vie des habitants du Grand-Duché. À plus d’un million d’habitants, le cadre de vie changerait à coup sûr. En effet, l’étude dit que ce scénario « au fil de l’eau » ne signifie pas à politique inchangée. À ce propos, les 5 invités spécialistes sont tous tombés d’accord ; Romain Diederich ajoute que la qualité de vie dépend de l’attractivité. Avec un flux de population important, il va falloir réussir à développer de nouveaux quartiers avec de nouvelles infrastructures pour avoir la qualité de vie requise ; il ne faut pas croire que nous pourrons accueillir plus d’un million d’habitants sans penser à la qualité de vie.

 Quelles seraient les réformes nécessaires pour accueillir 1,1 million d’habitants ?

Pour cette dernière question, une complémentarité est ressortie parmi les 5 spécialistes. Pour Marie-Josée Vidal, il est primordial d’avoir une gouvernance bien définie et qui inclut une participation citoyenne. De plus, elle insiste sur le fait qu’il va falloir commencer à expérimenter, à mener des projets pilotes pour tester les nouvelles formes d’urbanisme, comme le font d’autres pays européens, par exemple l’Allemagne. À cette idée de réforme s’ajoute celle de Gérard Koob, lequel exprime à son tour l’importance de mettre l’accent sur le financement des communes, qui doit être sécurisé.

Michelle Friederici revient quant à elle sur la question des normes liées à la qualité de vie. Elle indique qu’une grande partie du temps de travail des architectes est consacré aux normes et qu’une simplification de ces dernières serait bienvenue.

Pour Vincent Hein, la planification territoriale doit dépasser les frontières. L’aspect transfrontalier a été moins évoqué lors de cette table-ronde, alors qu’il fait aussi partie des évolutions des outils politiques, administratifs et de la culture de développement qui devront évoluer considérablement pour réaliser ces scénarios. Pour le citer « il doit y avoir un projet de territoire qui doit être contractualisé avec les régions, les collectivités voisines pour déterminer les objectifs de développement et les moyens ; c’est quelque chose de nécessaire et il faut le faire concrètement. »

A son tour, Romain Diederich prend de la hauteur par rapport aux réformes proposées et son message porte surtout sur l’accélération des réalisations ; mais accélérer signifie entre autres que l’Etat doit aussi pouvoir se donner les moyens, non seulement légaux, mais aussi humains, pour bien mettre en œuvre tous les changements préconisés. Dans ce cadre, il faudra donner plus de poids à la mise en œuvre du plan de l’aménagement du territoire et même aller jusqu’à réhabiliter certains projets. Il ajoute en disant que « la discipline de l’aménagement du territoire est frustrante car les résultats viennent plus tard. »

 Pour télécharger la présentation  :

Retour sur la table-ronde d’IDEA consacrée à la Vision territoriale à long terme.

 

Étude IDEA : Une vision territoriale pour le Luxembourg à long terme – Fir eng kohärent Entwécklung vum Land

Une vision territoriale pour le Luxembourg à long terme

Fir eng kohärent Entwécklung vum Land

Cette étude est le fruit d’un travail multidisciplinaire d’envergure mené par la Fondation IDEA asbl, avec pour objectif de proposer une vision territoriale à long terme pour le Luxembourg.

Les développements démographiques et économiques des dernières décennies, bien qu’ils aient eu d’incontestables retombées positives, ont en effet été systématiquement sous-estimés par les différentes vagues de projections et ont modifié de nombreuses caractéristiques territoriales du pays. Dans les prochaines décennies, les stratégies d’aménagement du territoire (au sens large) et leurs concrétisations joueront un rôle toujours plus crucial pour rendre possible et soutenable le développement socio-économique du Luxembourg.

La présente étude propose ainsi de répondre à certaines questions comme : combien d’habitants, d’emplois et de frontaliers le Luxembourg pourrait-il compter en 2050 dans un scénario de développement « au fil de l’eau » ? Cette croissance est-elle compatible avec les caractéristiques territoriales du pays ? Sous quelles conditions ? Quels seront les changements à opérer en matière d’aménagement du territoire, d’urbanisme, de mobilité, de coopération transfrontalière et quelles réformes seront nécessaires pour y parvenir ?

Consulter en ligne : 

la Synthèse

Partie 1/4 : Etat des lieux : les évolutions territoriales du Luxembourg

Partie 2/4 : Scénario de développement économique et démographique à l’horizon 2050

Partie 3/4 : Scenario de développement territorial dans une perspective de croissance « au fil de l’eau »

Partie 4/4 : Une nécessaire évolution des outils au service de la politique d’aménagement du territoire

 

Auteurs :

Muriel Bouchet, Romain Diederich, Vincent Hein.

Steering Committee :

Nicolas Buck, Michèle Finck, Georges Heinrich, Erna Hennicot-Schoepges, Isabelle Lentz, Rolf Tarrach, Michel Wurth.

Illustration de couverture :

Julien Mpia Massa

Pour télécharger la Synthèse :

Document de travail N°21 : Quelques réflexions sur le projet de Programme directeur d’aménagement du territoire (PDAT) 2023

© photo : Julien Mpia Massa

Les réflexions sur le développement socio-économique du Luxembourg à moyen et long terme ne peuvent pas, compte tenu de certaines caractéristiques géographiques et économiques du pays , faire l’impasse sur les questions liées au développement spatial et à l’aménagement du territoire. Si les précédents exercices de programmation spatiale (en particulier le PDAT 2003 et l’IVL de 2004 ) avaient bien identifié la nécessité de mieux « organiser » la croissance économique et démographique sur le territoire, les concepts qu’ils ont appelés de leurs vœux, au premier rang desquels la « déconcentration concentrée », peinent toujours à se concrétiser dans les faits. La difficulté à mettre en œuvre les stratégies d’aménagement, couplée à une sous-estimation chronique de la croissance, ont contribué à renforcer ses effets indésirables : étalement urbain, prix du foncier, rareté du logement, saturation des infrastructures de mobilité, pollution, qualité de vie, attractivité, déséquilibres transfrontaliers… Les goulots d’étranglement se manifestent peu à peu et pourraient représenter, en l’absence de changements significatifs dans l’organisation territoriale, une menace pour la prospérité économique, sociale et écologique du pays.

Le projet de Programme directeur d’aménagement du territoire 2023 (PDAT), publié en septembre 2022, constitue dans ce contexte une mise à jour bienvenue des précédents documents de planification. Le présent Document de Travail vise à nourrir les débats autour de la consultation sur le projet de PDAT 2023 en s’appuyant sur quelques constats majeurs issus de l’étude « Une vision territoriale pour le Luxembourg à long terme – Fir eng kohärent Entwécklung vum Land » publiée par la Fondation IDEA asbl en février 2023.

Il est l’occasion d’aborder les projections économiques et démographiques nécessaires à l’élaboration d’une vision territoriale de long terme, les implications d’une ambition pour une nouvelle armature urbaine visant à stopper l’étalement urbain et le morcellement territorial, la nécessité de penser le développement spatial dans un contexte transfrontalier, les grands défis pour la mobilité à l’horizon 2050, les transformations à penser en matière d’urbanisation ainsi que plusieurs pistes permettant de rendre plus opérationnelle la politique d’aménagement du territoire au sens large.

Consulter en ligne le Document de travail

Pour télécharger le Document de travail :

Quelques réflexions sur le projet de Programme directeur d’aménagement du territoire (PDAT) 2023