Pour (r)ouvrir le débat

© photo : Julien Mpia Massa

A la question « Quel est selon vous le nombre maximal de logements pouvant être construits par an au Luxembourg ? » :

Max Leners (pour le LSAP) a répondu « Aux alentours de 3.500 » ;

Marc Lies (pour le CSV) a répondu « On a la possibilité de construire 5.000 logements » ;

Semiray Ahmedova (pour déi Gréng) a répondu « Nous avons une capacité maximale qui est probablement atteinte mais qui peut, peut-être, être encore améliorée un tout petit peu » ;

Lou Linster (pour le DP) a répondu « Il faudrait arriver à moyen terme à 5 voire 6.000 ».

Il ressort de ces différentes réponses émanant de spécialistes logement des principaux partis représentés à la Chambre des Députés qu’il est considéré que, dans le meilleur des cas, jusqu’à 5.000 logements/an pourraient être achevés au Luxembourg. Or, les principales projections démographiques indiquent que la population devrait (continuer à) croître de l’ordre de 7.000 ménages/an dans un horizon prévisible.

La politique du logement ne devant pas être guidée par les cycles du marché immobilier mais par les défis qui se poseront à moyen terme, que (faudra-t-il) faire pour – significativement – augmenter la capacité maximale de production de logements ou réduire les perspectives d’immigration dans le pays s’avère par conséquent être une question qui devra(it) être tranchée dans le programme de coalition ; car à l’exception notable de ceux qui parviennent à demeurer indifférents face à d’évidents problèmes de dissonance cognitive, nul ne peut considérer comme non-problématique un écart persistant entre le nombre de logements (pouvant être) construits et le nombre de ménages (devant être) logés.

La démocratie de propriétaires est en grand danger

© photo : Julien Mpia Massa

Le Grand-Duché de Luxembourg est ce qu’il convient d’appeler une « démocratie de propriétaires ». Faire l’acquisition de sa résidence principale y est devenu un marqueur social déterminant du sentiment de pleine et entière appartenance à la « classe moyenne ». Dès lors, tout résident du pays qui estime faire partie de la classe moyenne a une pierre dans le ventre et s’il n’est pas encore propriétaire aspire – tout rationnellement – à le devenir au même titre que ses parents, ses amis, ses collègues de bureau, etc.

Mais alors que près de 70% des ménages sont propriétaires (47% des familles monoparentales, 56% des ménages unipersonnels, 80% des Luxembourgeois, 50% des résidents étrangers), la proportion parmi les nouveaux ménages de la classe moyenne (immigrés, expatriés, jeunes désireux de quitter le domicile familial, Luxembourgeois retournant dans leur pays après avoir fait des études à l’étranger, divorcés) en capacité de rejoindre les rangs de la démocratie de propriétaires s’avère relativement restreinte dans les conditions (prix immobiliers, taux d’intérêt, revenus des ménages, aides fiscales) actuelles.

Ainsi, un couple avec le projet de fonder une famille avec enfant souhaitant faire l’acquisition d’un logement disposant de deux chambres devra(it) débourser en moyenne 700.000 euros. Avec 10% d’apport, un crédit contracté sur 25 ans à 5% et en fixant le taux d’effort du couple à 40%, il lui faudra disposer d’au moins 110.000 euros de revenus nets par an ; or moins de 25% des ménages imposés collectivement sont dans cette situation.

Contraint de devenir un territoire sensiblement plus locatif que par le passé récent -alors que le logement demeure l’investissement rêvé de la classe moyenne et que la démocratisation du propriétariat va de pair avec certains avantages socio-économiques non-négligeables-, le Grand-Duché, où il est projeté une croissance démographique soutenue, risque de devoir affronter de nombreux nouveaux défis liés à l’offre de logements en direction de sa classe moyenne ; puisqu’à chaque locataire devra correspondre un bailleur, disposer d’investisseurs locatifs en nombre suffisant sera(it) l’un d’entre eux. Trois éléments ont de quoi inquiéter à cet égard :

1. Le rendement locatif apparent (loyers demandés / prix immobiliers affichés) ne s’élevait qu’à 3,5% au 2ème trimestre 2023 ;

2. Au premier semestre 2023, les ventes en état futur d’achèvement à des investisseurs locatifs ont reculé de 70% par rapport au 1er semestre 2022 ;

3. D’après un relevé de l’Observatoire de l’habitat, le nombre de logements existants proposés à la location s’inscrit en retrait et était 30% inférieur au deuxième trimestre 2023 par rapport à son niveau du premier trimestre 2021.

Bref, en plus de parvenir à donner un nouvel élan à l’activité de construction résidentielle, les Ministres (des finances, de l’intérieur, du logement, de l’attractivité) qui façonnent la politique du logement auront la lourde tâche de préserver la démocratie de propriétaires ou d’acter sa fin ! Bonne volonté, bon courage et bonne chance à eux car assurément il leur en faudra – beaucoup – des trois.

Les grands défis du prochain gouvernement

© photo : Julien Mpia Massa

Pendant la dernière mandature législative, marquée par les incertitudes radicales et qui a vu émerger le terme de « polycrises », la situation économique et sociale du pays a relativement bien résisté. Mais le Luxembourg fait face à de grands défis pour lesquels il serait bienvenu que le nouveau gouvernement aborde, dans son programme de travail, au moins cinq chantiers majeurs afin de sauvegarder la prospérité du pays : la préservation du tissu productif, l’aménagement du territoire, une redéfinition des politiques de coopération transfrontalière, la préparation au vieillissement de la population et le maintien de finances publiques saines.

Attractivité, productivité, compétitivité : préserver le tissu productif

Malgré le Brexit, la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, l’économie luxembourgeoise continue de bénéficier d’une prospérité remarquable et affiche de hauts niveaux d’attractivité, de compétitivité et de productivité. Pourtant, ces performances pourraient être remises en cause par de nombreux paramètres défavorables (règlementation et concurrence affectant la place financière, faible diversification économique, externalités négatives de la croissance, inflation normative, difficulté d’accès au logement, faibles gains de productivité, etc.) qui appellent à une certaine vigilance.

Au chapitre de l’attractivité du Luxembourg, il sera tout d’abord nécessaire de garantir de meilleures capacités à se loger. Pour cela, une redéfinition des priorités de la politique du logement devrait davantage mettre en avant le double impératif d’augmenter fortement le stock de logements et de compléter la stratégie nationale du logement abordable, quitte à « rétrograder » l’objectif historique de favoriser la propriété occupante. Face aux nombreuses réformes internationales la préservation de l’attrait fiscal gagnerait également être mieux « pensée », que ce soit à travers un renforcement de l’expertise sur les enjeux économiques portés par ces évolutions ou une adaptation de la taxation des entreprises. Enfin, en matière d’attractivité, la question de l’accueil de la main-d’œuvre qualifiée étrangère devrait faire l’objet d’une stratégie nationale d’attraction et de rétention.

La stagnation de la productivité apparente du travail est un sujet de préoccupation pour la prospérité du pays à long terme. Différents leviers pourraient être actionnés pour contribuer à son redressement comme la création de conditions propices au développement des activités de R&D, le soutien aux entreprises de croissance ainsi que des mesures garantissant la préservation du secteur financier luxembourgeois.

La compétitivité, enfin, est une condition-clé du maintien de la prospérité d’une petite économie ouverte à la concurrence internationale. Son amélioration pourrait passer par une modernisation du secteur public (efficacité des dépenses publiques, évaluation, ouverture des emplois publics, digitalisation…), une amélioration des performances du système éducatif dans un contexte sociolinguistique complexe (ainsi que du système de formation continue face aux mutations du monde du travail) et, enfin, par une modernisation du régime de modération salariale en temps de crise visant à préserver à la fois la compétitivité-coût, le pouvoir d’achat et les finances publiques.

Améliorer l’aménagement du territoire

Le développement éco-démographique ininterrompu de ces dernières décennies a mis en lumière des goulets d’étranglements (problèmes de disponibilité foncière, saturation des infrastructures, difficultés de recrutement…) mais aussi des externalités (artificialisation, pollution, modifications du cadre de vie, ségrégation socio-spatiale…) qui pourraient mettre à mal la capacité du pays à poursuivre une telle trajectoire sans de profonds changements en matière d’aménagement du territoire. Selon un scénario de développement économique et démographique « au fil de l’eau » le Luxembourg pourrait accueillir en 2050 une population de l’ordre de 1,1 million d’habitants et compter quelque 950.000 emplois (dont plus de 500.000 frontaliers).

Une telle dynamique ne pourra pas se réaliser sans la mise en œuvre de certains principes de l’aménagement du territoire comme la densification des trois principales agglomérations du pays (Luxembourg, Sud et Nord) et de certaines communes prioritaires, le développement de nouvelles centralités urbaines dans ces espaces, le ralentissement du développement démographique des espaces ruraux, le renforcement de la mixité fonctionnelle sur l’ensemble du territoire et le déploiement de nouvelles infrastructures de mobilité. Mais pour concrétiser ces concepts d’aménagement, il sera indispensable de penser des outils au service d’une politique d’aménagement du territoire plus efficace. Il faudra ainsi mener des réformes pour mieux aligner les pratiques communales et les stratégies nationales en matière d’aménagement du territoire, renforcer la capacité des pouvoirs publics à débloquer le potentiel foncier constructible, encourager la mixité urbaine et inciter à la mobilité durable.

Consolider la métropole transfrontalière

Avec la croissance très soutenue de l’emploi, le Luxembourg est progressivement devenu dépendant d’un territoire qui dépasse ses frontières. Le développement d’une métropole transfrontalière a créé des dépendances réciproques, et amène avec lui des aubaines et des risques qui évoluent au fil des années et que la politique de coopération transfrontalière peine à suivre, conduisant à une situation où il n’existe pas de véritable projet ni de gouvernance propre pour cette métropole.

La coopération transfrontalière pourrait prendre une importance toujours plus stratégique pour la prospérité du Grand-Duché et son approche pourrait être amenée à évoluer dans plusieurs domaines et à dépasser la « traditionnelle » problématique de la mobilité des frontaliers. Le pays devra s’appuyer à l’avenir sur de nouvelles formes de coopération pour accompagner les nouvelles contraintes que pose sa croissance en matière d’aménagement du territoire (création d’un projet de territoire partagé), de développement économique, d’attractivité, de formation, et pourrait être amené à mettre en œuvre de nouveaux outils de gouvernance et de financement pour rendre le modèle de développement transfrontalier, vital pour la prospérité à long terme du Luxembourg, plus soutenable.

Se préparer au vieillissement de la population

Selon des simulations démographiques « au fil de l’eau », le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus passerait de 98 000 en 2023 à 222 000 en 2050. La population des plus de 80 ans serait quant à elle pratiquement multipliée par 3. Les incidences du vieillissement sur la sécurité sociale pourraient être significatives, en particulier sur les dépenses de pensions, de santé et de dépendance. Des contraintes nouvelles devraient également se poser en matière de structures d’accueil, de besoin en personnel aidant et soignant (dans un contexte où le Luxembourg ne sera pas le seul concerné), de déploiement des nouvelles technologies, de cohésion sociale, de formation professionnelle, de logement…

Si les systèmes de pension se caractérisent actuellement par d’importants surplus, les prestations pourraient commencer à excéder les cotisations avant 2030, impliquant un « fonte » progressive des actuelles réserves et appelant à une réforme conciliant rigueur et équité. Bien anticiper le vieillissement nécessiterait également de renforcer les études de médecine dans le pays et d’une manière générale, d’élaborer un plan intégré « vieillissement » transversal et proactif, qui permettrait au Luxembourg de gérer dans les meilleures conditions, sur le plan économique mais également (et surtout) du point de vue social, ce défi majeur qui constitue un véritable « impératif catégorique » à l’égard de nos aînés.

Maintenir des finances publiques saines

En dépit d’une situation actuelle a priori enviable par les autres pays de la zone euro, les finances publiques luxembourgeoises font face à des éléments défavorables comme le fort besoin en croissance (non garantie et volatile), le vieillissement, la fragilité de diverses recettes (le « tanktourismus » par exemple), les besoins en investissements en faveur des transitions écologique, énergétique et numérique, une progression de la dette suite aux crises récentes, qui appellent à une certaine vigilance en la matière.

Il serait ainsi opportun d’instaurer au Luxembourg une « règle des 30% d’endettement » revisitée dans l’esprit du projet de révision du cadre européen de surveillance multilatérale et dont l’application serait évaluée par le Conseil national des finances publiques (CNFP). Il pourrait également être envisagé de gérer de manière plus dynamique et intégrée les actifs financiers de l’Etat, d’instituer une Commission nationale des infrastructures identifiant les besoins en investissements publics sur une vingtaine d’années, de mettre en place un taux de déduction « social » des avantages fiscaux et de prendre le temps de bien évaluer l’opportunité d’adapter (ou non) les barèmes fiscaux à l’inflation.

Recueil d’IDEA : Face aux Grands Défis

Pour Commander un exemplaire imprimé du recueil :

 

© photo : Julien Mpia Massa

Ce recueil fait écho à la publication « Grand Défis » de la Fondation IDEA asbl, qui formule une cinquantaine de recommandations en vue des élections législatives d’octobre 2023 .

Dans cet ouvrage, 22 auteurs aux profils très divers ont été invités à répondre à des questions majeures qui devraient – idéalement – alimenter le débat dans la perspective des élections législatives du 8 octobre 2023 et, au-delà, nous éclairer sur les grands défis du pays.

Dr Serge Allegrezza, Sahar Azari, Aurélien Biscaut, Flora Castellani, Christel Chatelain, Norry Dondelinger, Christian Ensch, Caroline Faber, Robert Goebbels, Jean Hamilius, Georges Heinrich, Sylvain Hoffmann, Pierre Hurt, Jean-Marc Lambotte, Stephanie Law, Frédéric Meys, Jean-Jacques Rommes, Julien Schmitz, Christophe Serredszum, Robert Urbé, Michaël Vollot et Michel Wurth.

Le lecteur y trouvera des réflexions sur le maintien du tissu productif du pays, avec une attention particulière portée sur la capacité à répondre aux défis du logement et de la crise immobilière, sur le besoin de repenser la manière d’aménager le territoire, y compris dans une perspective qui dépasse les frontières nationales ainsi que sur le système de pensions, le vieillissement démographique, la gestion des finances publiques ou encore le coût de la transition bas carbone.

Édition

Muriel Bouchet ¦ Vincent Hein ¦ Michel-Edouard Ruben

Consulter en ligne le recueil

Pour télécharger le recueil :

Cover Face aux Grands Défis - IDEA - Credit: Julien Mpia Massa

Retour sur la table ronde d’IDEA « Pensions au Luxembourg : que faire ? »

Compte-rendu de Muriel Bouchet, Directeur IDEA

© photo : Julien Mpia Massa

Table Ronde « Pensions au Luxembourg : que faire ? »

Une table ronde sur les régimes de pension au Luxembourg, troisième et dernière étape du cycle IDEA de conférences liées aux Grand Défis (en vue des élections législatives du 8 octobre 2023), a eu lieu ce mardi 13 juin. L’événement a débuté par un mot de bienvenue de Jean-Jacques Rommes (Président du Conseil Scientifique d’IDEA) et une présentation de Muriel Bouchet (Directeur d’IDEA) qui ont tous deux mis en relief le défi des retraites au Luxembourg, Muriel Bouchet avançant par ailleurs quelques propositions de réforme concrètes en la matière – notamment une modération graduelle des pensions les plus élevées afin de ralentir la progression des dépenses et un ciblage social renforcé de ces dernières.

Il s’est ensuivi un débat, auquel ont pris part Christel Chatelain, Director Economic Affairs de la Chambre de Commerce, Thomas Dominique, Directeur de l’Inspection Générale de la Sécurité Sociale, Sylvain Hoffmann, Directeur de la Chambre des Salariés Luxembourg et Muriel Bouchet. L’événement était animé par Thierry Nelissen.

La table ronde ainsi que la séance de questions et réponses avec le public ont mis en évidence les multiples facettes du sujet traité, à savoir la problématique de l’âge effectif de la retraite et le lien entre le niveau des pensions et l’espérance de vie, l’éventuel recours accru à des régimes de capitalisation, la position particulière du Luxembourg (avec des prestations généreuses en comparaison internationale et une importante main-d’œuvre frontalière, notamment), les pensions d’invalidité et leur réforme ces dernières années, les difficultés inhérentes à toute réforme des pensions, l’encadrement financier basé sur des périodes de couverture, la réforme de décembre 2012, le financement alternatif des retraites ou encore la pertinence d’une hausse des cotisations et de leur éventuel déplafonnement.
Il est également apparu que la problématique des pensions doit être abordée de manière large, le financement des prestations dépendant intimement de la croissance future de l’emploi, donc de la capacité du Luxembourg à maintenir une croissance économique durable en évitant tout « goulet d’étranglement » dans les domaines du logement, de la mobilité, de la disponibilité de main-d’œuvre ou encore de l’environnement. Le tout avec des outils adaptés : si les projections à long terme sont utiles, elles doivent être élaborées de manière rigoureuse et accompagnées de méthodes complémentaires car elles sont par nature incertaines.

 Pour télécharger la présentation  :

Retour sur la table-ronde d’IDEA consacrée aux Pensions au Luxembourg .

 

Retour sur la table ronde d’IDEA consacrée à la crise du logement

Compte-rendu de Ioana Pop, Economiste IDEA

© photo : Julien Mpia Massa

Logement, construction, immobilier, c’est la crise : que faire ?

Mardi 23 mai a eu lieu le deuxième volet des tables-rondes organisées par IDEA, consacrées aux Grands Défis dans le cadre des élections législatives de 2023. La soirée visait à entretenir la réflexion sur les crises du logement et de la construction qui touchent le Luxembourg.

En guise de présentation introductive, l’économiste de la Fondation IDEA, Michel-Edouard Ruben, a exposé la réalité immobilière du pays (démocraties de propriétaires, prix élevés, besoins en logements important, activité de construction en berne) et avancé qu’une bonne réponse à la question « c’est la crise : que faire ? » était potentiellement « ça dépend » tant les alternatives étaient nombreuses et les coûts d’opportunité de chaque décision potentiellement significatifs.

Durant la table-ronde qui a suivi, les différents intervenants ont précisé leur point de vue sur les difficultés et contraintes en présence, sur l’importance du logement pour l’attractivité du territoire et la poursuite d’une vie décente, sur les mesures qui pourraient/devraient être mises en place afin d’augmenter l’offre de logements et ont notamment insisté sur le fait qu’il était primordial que tous les acteurs (État, promoteurs privés et publics, communes, banques, etc.) dont les actions ont un impact sur la politique du logement travaillent ensemble pour atteindre l’objectif partagé qui est de rendre le logement accessible.

Retour sur la table ronde d’IDEA consacrée à la Vision territoriale à long terme

Compte-rendu de Ioana Pop, Economiste IDEA

© photo : Julien Mpia Massa

Comment l’aménagement du territoire du pays doit-il évoluer pour accueillir plus d’un million d’habitants dans moins de 30 ans ?

Mercredi 3 mai a eu lieu le premier volet des tables-rondes organisées par IDEA, consacrées aux Grands Défis dans le cadre des élections législatives de 2023. La thématique de la soirée avait pour objectif d’entretenir la réflexion sur un thème essentiel pour le Luxembourg : l’aménagement de son territoire pour répondre aux défis d’une économie en pleine croissance avec un fort développement démographique. Romain Diederich, géographe, Vincent Hein, senior economist, et Muriel Bouchet, Directeur d’IDEA, ont travaillé pendant deux ans sur une étude intitulée Une vision territoriale pour le Luxembourg, qui doit être vue comme un outil pour l’élaboration des stratégies de développement économique du pays à l’horizon 2050.

En guise d’introduction à la table-ronde, Vincent Hein a présenté l’étude et notamment, l’hypothèse « au fil de l’eau », selon laquelle dans moins de 30 ans, la population luxembourgeoise atteindra 1,1 million d’habitants, avec 955.000 emplois (dont plus de 500.000 frontaliers), un scénario qui pose naturellement de nombreuses questions. L’objectif de cette première table-ronde consistait à trouver des réponses à la question : le pays sera-t-il capable, dans cette optique, d’accueillir cette importante augmentation de population et d’activité économique ?

Les cinq spécialistes invités, dont Vincent Hein, Romain Diederich, Marie-Josée Vidal, coordinatrice générale du Département de l’Aménagement du Territoire, au ministère de l’Énergie et de l’Aménagement du Territoire, Michelle Friederici, architecte et présidente de l’Ordre des Architectes et Ingénieurs-conseils, et Gérard Koob, secrétaire du Syndicat des Villes et Communes Luxembourgeoises, ont tous tout d’abord souligné l’importance d’une bonne communication et de relations suffisamment étroites entre le monde économique et celui du développement territorial. Pour citer Romain Diederich « le développement démographique du Luxembourg a découlé à 80% du développement économique. Ce sont les faits. »

Les spécialistes ont ensuite répondu à trois questions centrales :

 La première question portait sur les espaces à développer et les espaces à préserver :

Parler de l’aménagement du territoire luxembourgeois sans parler du Projet de Programme directeur d’aménagement du territoire (PDAT) n’est pas concevable. Marie-Josée Vidal tient à préciser que ce projet, dont le contenu est assez proche de la Vision territoriale d’IDEA, est en effet la stratégie portée par l’ensemble du gouvernement et qu’il se base sur 4 objectifs politiques :

1. La concentration du développement territorial
2. La nécessité de la réduction de l’artificialisation des sols
3. La coopération transfrontalière
4. La gouvernance

Sur le dernier point, elle explique la nécessité de mieux coopérer avec les communes, les politiques sectorielles, le monde économique, mais aussi les citoyens ; point sur lequel Gérard Koob a également insisté, notamment sur le fait d’associer davantage les communes dans les travaux d’aménagement du territoire.

A côté de ces 4 objectifs, le PDAT définit également des stratégies territoriales pour les zones à développer et pour les zones à préserver. La nouveauté par rapport au PDAT de 2003 consiste en la proposition de différents instruments, qui pourraient permettre de mettre en œuvre ces objectifs et stratégies territoriales. De plus, le nouveau programme directeur 2023 doit mieux prendre en compte le réchauffement climatique. Les projections et statistiques utilisées sont celles du STATEC, qui diffèrent parfois (en ce qui concerne la productivité, en particulier) des projections d’IDEA plus récentes.

Michelle Friederici, en tant qu’architecte, évoque le fait que la surcharge des normes entrave le bon développement des constructions et leur simplification pourrait être un atout dans l’aménagement du territoire.

 Le cadre de vie de demain

Dans ses chapitres, l’étude sur la vision territoriale d’IDEA souhaite aussi sensibiliser à la future qualité de vie des habitants du Grand-Duché. À plus d’un million d’habitants, le cadre de vie changerait à coup sûr. En effet, l’étude dit que ce scénario « au fil de l’eau » ne signifie pas à politique inchangée. À ce propos, les 5 invités spécialistes sont tous tombés d’accord ; Romain Diederich ajoute que la qualité de vie dépend de l’attractivité. Avec un flux de population important, il va falloir réussir à développer de nouveaux quartiers avec de nouvelles infrastructures pour avoir la qualité de vie requise ; il ne faut pas croire que nous pourrons accueillir plus d’un million d’habitants sans penser à la qualité de vie.

 Quelles seraient les réformes nécessaires pour accueillir 1,1 million d’habitants ?

Pour cette dernière question, une complémentarité est ressortie parmi les 5 spécialistes. Pour Marie-Josée Vidal, il est primordial d’avoir une gouvernance bien définie et qui inclut une participation citoyenne. De plus, elle insiste sur le fait qu’il va falloir commencer à expérimenter, à mener des projets pilotes pour tester les nouvelles formes d’urbanisme, comme le font d’autres pays européens, par exemple l’Allemagne. À cette idée de réforme s’ajoute celle de Gérard Koob, lequel exprime à son tour l’importance de mettre l’accent sur le financement des communes, qui doit être sécurisé.

Michelle Friederici revient quant à elle sur la question des normes liées à la qualité de vie. Elle indique qu’une grande partie du temps de travail des architectes est consacré aux normes et qu’une simplification de ces dernières serait bienvenue.

Pour Vincent Hein, la planification territoriale doit dépasser les frontières. L’aspect transfrontalier a été moins évoqué lors de cette table-ronde, alors qu’il fait aussi partie des évolutions des outils politiques, administratifs et de la culture de développement qui devront évoluer considérablement pour réaliser ces scénarios. Pour le citer « il doit y avoir un projet de territoire qui doit être contractualisé avec les régions, les collectivités voisines pour déterminer les objectifs de développement et les moyens ; c’est quelque chose de nécessaire et il faut le faire concrètement. »

A son tour, Romain Diederich prend de la hauteur par rapport aux réformes proposées et son message porte surtout sur l’accélération des réalisations ; mais accélérer signifie entre autres que l’Etat doit aussi pouvoir se donner les moyens, non seulement légaux, mais aussi humains, pour bien mettre en œuvre tous les changements préconisés. Dans ce cadre, il faudra donner plus de poids à la mise en œuvre du plan de l’aménagement du territoire et même aller jusqu’à réhabiliter certains projets. Il ajoute en disant que « la discipline de l’aménagement du territoire est frustrante car les résultats viennent plus tard. »

 Pour télécharger la présentation  :

Retour sur la table-ronde d’IDEA consacrée à la Vision territoriale à long terme.

 

Recueil d’IDEA : Grands Défis : Propositions en vue des élections législatives 2023

Pour Commander un exemplaire imprimé du recueil :

 

© photo : Julien Mpia Massa

Grands défis : propositions en vue des élections législatives 2023.

Dans la perspective des élections législatives du 8 octobre 2023, IDEA a élaboré un Recueil des « Grands Défis » principalement destiné aux partis, candidats et futurs élus, avec une cinquantaine de propositions concrètes dont ils pourraient, selon nous, s’inspirer dans leurs programmes.

Le recueil approfondit cinq problématiques auxquelles est confrontée depuis de longues années la société luxembourgeoise :

– La préservation du tissu productif,
– L’aménagement du territoire,
– La coopération transfrontalière,
– Le vieillissement de la population,
– Les finances publiques.

Pour chacun de ces domaines, un état des lieux sans concessions est dressé et des propositions se voulant aussi concrètes que possible sont formulées. Une originalité du recueil est la présence, pour chaque Grand Défi traité, d’une liste de « questions majeures » pouvant (très) utilement alimenter le débat pré-électoral. L’objectif ultime étant de contribuer par ce biais, avec humilité et de manière aussi constructive que possible, à la cohésion et à la prospérité de la société luxembourgeoise ainsi que des zones frontalières environnantes.

Les auteurs

Muriel Bouchet ¦ Vincent Hein ¦ Michel-Edouard Ruben

Consulter en ligne le recueil

 Trois tables rondes ont été organisées pour débattre des propositions d’IDEA et de ces questions majeures :
Le 3 mai 2023, sur le thème de l’aménagement du territoire,
Le 23 mai 2023, sur le thème du logement,
Le 13 juin 2023, sur le thème du vieillissement.

Par la suite, un deuxième recueil a été publié, intitulé « Face aux Grands Défis »’, donnant la parole à divers acteurs impliqués dans les enjeux luxembourgeois.

Pour télécharger le recueil :