Document de travail N°23 : De la réforme fiscale !

© photo : Julien Mpia Massa

Une réforme fiscale, pourquoi faire ? 

Le système fiscal luxembourgeois, indiscutablement redistributif, incitatif, pro-croissance et complexe, n’a pas connu de modifications (se voulant) de grande ampleur depuis la loi du 23 décembre 2016 portant mise en œuvre de la réforme fiscale ; par conséquent, il s’avère quelque peu dépassé par l’apparition de nouveaux défis (e.g. forte inflation, hausse des déficits publics, dégradation des comptes sociaux, hausse des taux d’intérêt, dérèglements climatiques, triple crise du logement, de la construction et de l’immobilier, etc.) et dans une position concurrentielle relativement moins favorable compte tenu de modifications fiscales intervenues dans d’autres pays.

L’analyse de la situation actuelle de l’économie grand-ducale conduit néanmoins à considérer que la future réforme fiscale ne devrait pas viser prioritairement à diminuer significativement et de façon indiscriminée la pression fiscale. Une approche pragmatique serait d’envisager/d’assumer de modestes adaptations centrées sur la recherche d’efficience, n’affectant pas le niveau global des prélèvements obligatoires et s’efforçant de contribuer – dans la mesure du possible – au nécessaire renouvellement du pacte productif.

Le Document de travail propose un survol d’améliorations possibles du système fiscal luxembourgeois à l’aune de certains défis prioritaires.

Consulter en ligne le Document de travail

Pour télécharger le Document de travail :

Document de travail N°23 : De la réforme fiscale !

Document de travail N°19 : Quelques réflexions sur le budget 2023 !

© photo : Julien Mpia Massa

Après le « Grand Confinement » qui a obligé les gouvernements du monde entier, et singulièrement ceux de l’UE, à s’adonner à des politiques budgétaires – de compensation des pertes de salaires et de chiffres d’affaires – qualifiées de « socialisme pandémique  », l’année 2021 a été celle d’une forte reprise qui a offert la perspective d’une crise (sanitaro)économique qui ne serait qu’un trou d’air. Hélas, l’invasion de l’Ukraine par la Russie début 2022 a douché cet espoir. L’orientation prospective de la politique budgétaire du Luxembourg – exposée dans le Projet de Budget 2023 et dans le Projet de loi de programmation financière pluriannuelle pour la période 2023– 2026 – s’en trouve engagée dans un complexe exercice contraint par une « tragédie des horizons », des « perspectives dégradées » et un « haut degré d’incertitude » concernant l’évolution future des prix, des salaires et des taux d’intérêt.

Dans ce nouveau Document de travail, IDEA propose des amendements concernant le renforcement du pouvoir d’achat, la compétitivité, le logement et l’énergie qui pourraient utilement compléter les dispositions fiscales les plus emblématiques du projet de Budget 2023. 

Une vue d’hélicoptère des finances publiques est également présentée, sur une période de 25 ans. Il s’agit d’éclairer le projet de budget à la lumière du passé, au moyen de dix graphiques.

Consulter en ligne le Document de travail

Pour télécharger le Document de travail :

Pour la création d’une Commission nationale des infrastructures

Le Luxembourg est sorti plus rapidement de la récession pandémique que la plupart des pays de la zone euro et les mesures de stabilisation tout comme les dispositifs d’aide à la reprise semblent avoir pleinement joué leur rôle, limitant les pertes de revenus des entreprises et des ménages. Cette phase de reprise est néanmoins marquée par une accumulation d’incertitudes et de défis pour l’avenir. En complément des principales mesures annoncées dans le cadre de la présentation de la loi budgétaire pour 2022 visant à renforcer les investissements publics, accompagner la transition énergétique, rendre le logement plus abordable et soutenir la formation ainsi que la transition digitale, plusieurs mesures complémentaires pourraient être prises dans le but d’améliorer la protection des ménages les plus vulnérables, de soutenir les entreprises, de limiter la pression sur le marché de l’immobilier et de ne pas injurier l’avenir du pays. Ces propositions font l’objet de 9 amendements.

Particulièrement au Luxembourg, les infrastructures publiques doivent être sélectionnées avec soin et dans une perspective de long terme. Il est proposé à cette fin de créer, sur l’exemple britannique mais en tenant compte des spécificités du Luxembourg, une Commission nationale des infrastructures. Autonome, elle déposerait annuellement un rapport détaillé à la Chambre des Députés.

Pour la création d’une Commission nationale des infrastructures

Une planification rigoureuse et à long terme des infrastructures publiques revêt une énorme importance au Luxembourg, pays se caractérisant par une étroite imbrication avec les Etats environnants et par une progression tendancielle de la population de 2% l’an, contre à peine 0,5% en moyenne dans les pays voisins. Divers « obstacles à la croissance » se manifestent en outre d’ores et déjà, en matière notamment de mobilité et de logement. Une réflexion transversale sur les besoins en infrastructures à long terme, à tous les stades du « cycle de vie » d’un citoyen ou d’un frontalier (crèches, éducation, transports, infrastructures culturelles et sportives, hôpitaux et centres médicaux, logements, maisons de repos, etc.) s’impose dès lors, dans une démarche résolument holistique et proactive associant les infrastructures, l’environnement, le processus de croissance et les aspects sociaux voire sociologiques.

Le Luxembourg est loin de partir d’une page blanche en la matière. Les projets publics d’infrastructure (mobilité, santé, éducation, logement, etc.) sont en effet détaillés dans les projets de loi successifs, mais sur un horizon se cantonnant à 5 années (soit de 2021 à 2025 dans le projet de budget pluriannuel déposé en octobre dernier)[1]. Les infrastructures font également l’objet d’une préparation et d’une planification à plus long terme au sein des divers ministères et des autorités concernées, comme l’atteste par exemple la volonté gouvernementale de présenter en 2022 un Plan National de Mobilité 2035, qui sera précisé par des études régionales. Une vision d’ensemble à moyen terme, intégrant l’ensemble des infrastructures ainsi que les variables socio-économiques et démographiques, viendrait utilement compléter ce cadre existant, de manière pleinement transparente voire participative et en associant à toutes les étapes l’expertise disponible au Grand-Duché.

A cette fin, il serait opportun de créer au Luxembourg, selon l’exemple du Royaume-Uni[2] mais en tenant compte des spécificités nationales, une Commission Nationale des Infrastructures. Elle bénéficierait d’une grande indépendance fonctionnelle[3] et serait composée d’experts reconnus et de représentants des ministères, administrations et pouvoirs locaux concernés, ce qui permettrait de lui conférer une dimension réellement pluridisciplinaire.

Sa principale – sinon unique – tâche consisterait à identifier les besoins en infrastructures sur un horizon d’une vingtaine d’années au moins, soit une génération, en fonction des différentes stratégies d’aménagement du territoire existantes et d’établir une liste de projets par ordre de priorité. Elle serait amenée à consulter en permanence la « société civile » (académiques et experts, Conseil Supérieur de l’Aménagement du Territoire, Conseil supérieur pour un développement durable, partenaires sociaux, différents segments de la population en fonction du revenu, de la classe, de l’âge, les frontaliers, etc.), ainsi que des représentants de la Grande Région du fait de la forte imbrication du Luxembourg avec les espaces transfrontaliers environnants.

Les rapports de la Commission, qui outre les aspects techniques des projets détailleraient notamment la philosophie inhérente aux choix opérés et les hypothèses socio-économiques et démographiques, seraient présentés à la Chambre des Députés bien en amont de la procédure budgétaire. Les documents budgétaires devraient spécifier explicitement comment les recommandations de la Commission ont été (ou non) prises en compte lors de l’établissement du projet de budget, selon le principe « comply or explain ». La Commission pourrait également publier, en marge de la procédure budgétaire, des recommandations aux autorités et des avis et évaluations dans ses divers domaines d’expertise[4].


[1] Dans son rapport sur le projet de budget 2022, la Commission des Finances et du Budget de la Chambre des Députés reconnaît d’ailleurs ces insuffisances, puisqu’elle préconise « l’établissement d’une vue exhaustive des investissements, éventuellement sous forme d’un tableau, qui permet de renseigner la cible et le montant inscrit en vue de faciliter le suivi de l’évolution des dépenses d’investissement au fil des exercices budgétaires successifs » (page 95 ; voir ).

[2] Voir le site https://nic.org.uk/ pour plus de détails. La Commission britannique évalue actuellement les besoins en infrastructures d’ici 2050 (horizon de 30 années environ).

[3] C’est le cas de la Commission britannique, même si cette dernière est administrativement une agence dépendant du Trésor (« HM Treasury »).

[4] Ainsi et à titre d’exemple, la Commission britannique a déjà publié des recommandations concernant les risques d’inondations (liées au réchauffement climatique et/ou au débordement des cours d’eau), données statistiques historiques à la clef (voir https://nic.org.uk/themes/water-floods/).

Pour un réexamen de la contribution de l’Etat à l’Université du Luxembourg

Le Luxembourg est sorti plus rapidement de la récession pandémique que la plupart des pays de la zone euro et les mesures de stabilisation tout comme les dispositifs d’aide à la reprise semblent avoir pleinement joué leur rôle, limitant les pertes de revenus des entreprises et des ménages. Cette phase de reprise est néanmoins marquée par une accumulation d’incertitudes et de défis pour l’avenir. En complément des principales mesures annoncées dans le cadre de la présentation de la loi budgétaire pour 2022 visant à renforcer les investissements publics, accompagner la transition énergétique, rendre le logement plus abordable et soutenir la formation ainsi que la transition digitale, plusieurs mesures complémentaires pourraient être prises dans le but d’améliorer la protection des ménages les plus vulnérables, de soutenir les entreprises, de limiter la pression sur le marché de l’immobilier et de ne pas injurier l’avenir du pays. Ces propositions font l’objet de 9 amendements.

L’évaluation de la contribution de l’Etat à l’Université du Luxembourg semble peu réaliste au sein du projet de budget pluriannuel déposé en octobre, où ce poste budgétaire n’augmente qu’à raison de 2% l’an de 2021 à 2025. Une telle évolution ne comporte aucune marge pour la revalorisation des rémunérations, en faveur d’un renforcement du personnel ou en vue du financement de nouvelles missions éventuelles – comme un master en médecine ou un pôle de développement durable.

Pour un réexamen de la contribution de l’Etat à l’Université du Luxembourg

Selon le projet de budget pluriannuel, la principale contribution de l’Etat à l’Université du Luxembourg, soit un crédit non limitatif qui représentait en 2020 74% des recettes totales de l’institution, ne progresserait que de l’ordre de 2% l’an de 2021 à 2025 – passant de 215,6 à 234,9 millions d’euros. Ce rythme d’augmentation pour le moins tempéré, à peine supérieur à l’inflation anticipée sur cet horizon temporel, pose la question générale du réalisme du projet de budget pluriannuel.

Tout d’abord, ce projet va à rebours de l’ambition affichée de miser sur l’économie de la connaissance et sur la diversification économique, en faveur d’un écosystème de la santé notamment. Une extension des études de médecine (en direction d’un master) d’ici 2025 constituerait déjà une source additionnelle de coûts, éminemment souhaitable d’ailleurs afin de favoriser l’ancrage au Luxembourg des professions de santé et de pallier de la sorte tout risque de future pénurie médicale.

Un volant financier additionnel pourrait par ailleurs être nécessaire, en vue de l’émergence d’un 4ème pôle interdisciplinaire « développement durable » à l’Université. Ce dernier est tout sauf chimérique. Il a en effet été explicitement annoncé par le Gouvernement dans le discours du 12 octobre sur « l’état de la Nation ». Des synergies avec des institutions existantes (le LIST, par exemple) permettraient certes de « limiter la facture », sans pour autant la réduire à néant.

En outre, le plus récent rapport d’activité de l’Université mentionne des frais de personnel[1] s’élevant à 57% des dépenses totales de l’institution. Dans une optique de prévisibilité et de gestion budgétaire « saine et réaliste », il conviendrait dès lors de prévoir (au prorata) une marge d’augmentation des crédits incorporant l’augmentation prévisible des salaires moyens – y compris l’incidence « mécanique » des progressions barémiques.

L’estimation « réaliste » du crédit présuppose également la prise en compte de la vraisemblable augmentation du nombre d’étudiants d’ici 2025 – et par voie de conséquence d’une hausse minimale de l’encadrement. Pour rappel, de l’année académique 2010/2011 à l’année 2020/2021 – soit en l’espace de dix années – le nombre d’étudiants s’est accru de quelque 2,7% l’an en moyenne, ce qui s’explique en partie par la relative « jeunesse » de l’Université du Luxembourg dont la création date de 2003.

Dans ce contexte, il conviendrait d’établir un budget pluriannuel plus réaliste. A titre d’exemple et faute d’informations plus précises, il est supposé pour les besoins de ce blog que les rémunérations moyennes vont augmenter de 1% par an en termes réels d’ici 2025. Par ailleurs, les effectifs vont par hypothèse progresser de 1,5% l’an, soit la moitié environ de la hausse moyenne du nombre d’étudiants observée sur les dix dernières années (ce qui revient à incorporer, en quelque sorte, une augmentation tendancielle de l’« efficience » de l’institution).

Conditionnellement à une évolution des autres dépenses (hors personnel) strictement parallèle à celle de l’indice des prix à la consommation, la dotation à l’Université s’établirait à 244,4 millions d’euros en 2025. Ce montant doit être comparé aux 234,9 millions actuellement prévus dans le budget pluriannuel, ce qui équivaut à une augmentation de 9 millions du crédit budgétaire concerné et ce sur un horizon de quatre années.

Il pourrait par ailleurs s’avérer nécessaire de prévoir une marge budgétaire additionnelle, certes difficilement chiffrable à ce stade, qui soit en phase avec les missions nouvelles (éventuelles ou déjà annoncées) que pourrait se voir confier l’Université du Luxembourg dans les années à venir.

A politique inchangée, le projet de budget pluriannuel paraît donc peu réaliste. Sauf mise en œuvre résolue d’une pratique davantage orientée vers les résultats (« outputs et outcomes »[2]), mais une telle orientation exige une minutieuse préparation et ses résultats à court terme ne sont nullement garantis dans un contexte où les rémunérations (difficilement compressibles en une poignée d’années) représentent l’essentiel des dépenses.


[1] Hors paiement des fonctionnaires, qui fait l’objet d’un crédit budgétaire spécifique.

[2] Le projet de budget mentionne certes, mais de manière peu détaillée, une telle stratégie : « Le Gouvernement est en train d’établir, en concertation avec les acteurs concernés, les conventions de mise en œuvre des activités d’enseignement supérieur et de recherche pour les années 2022-2025. Conformément à la philosophie de ces conventions pluriannuelles, l’Université du Luxembourg, le Fonds national de la recherche et les Centres de recherche publics Luxembourg Institute of Health (LIH), Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER) et Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) s’engagent à atteindre un certain nombre d’objectifs concrétisés par des indicateurs et des résultats d’output en contrepartie de la dotation financière de l’État ».

Document de travail N°17 : Quelques réflexions sur le budget 2022 !

Dans un contexte de reprise économique, le projet de budget 2022 et le projet relatif à la programmation financière pluriannuelle pour la période 2021-2025 ont été présentés le 13 octobre 2021. Avec des performances bien meilleures que celles anticipées, le Luxembourg confirme sa résilience face à cette crise et ses conséquences.

En complément des principales mesures annoncées dans le cadre de la présentation de la loi budgétaire pour renforcer les investissements publics, accompagner la transition énergétique, rendre le logement plus abordable et soutenir la formation ainsi que la transition digitale, plusieurs mesures pourraient utilement compléter le budget dans le but d’améliorer la protection des ménages les plus vulnérables, de soutenir les entreprises, de limiter la pression sur le marché de l’immobilier et de ne pas injurier l’avenir du pays.

Ces propositions font l’objet de 9 amendements :

1. Attribution automatique et revalorisation du crédit d’impôt monoparental

2. Elargissement de l’amortissement spécial pour les investissements climatiques des entreprises

3. Flécher l’épargne vers les entreprises

4. Réembarquer dans la lutte contre la vacance

5. Trois propositions concrètes en matière de fiscalité foncière

6. Revalorisation de la contribution de l’Etat à l’Université du Luxembourg

7. Création d’une Commission des infrastructures

8. Création d’un fonds des calamités au Luxembourg

9. Création d’un fonds de codéveloppement transfrontalier

Depuis octobre 2014, les autorités luxembourgeoises déposent, en même temps que le projet de budget proprement dit un budget pluriannuel renfermant notamment le détail des recettes et des crédits budgétaires par ministère et ce sur un horizon de cinq années. Ce Document de travail apporte une analyse des comptes de l’administration centrale afin de savoir si l’estimation de ses recettes dans les projets de lois budgétaires successifs s’est avérée fiable.

Pour télécharger le Document de travail :

Entretien avec le Rapporteur du Budget 2022

Jeudi 11 novembre, Muriel Bouchet, Narimène Dahmani et Vincent Hein ont eu un entretien avec Dan Biancalana, Rapporteur du Budget 2022 à la Chambre des Députés. Le Rapporteur a affirmé vouloir mettre l’accent cette année sur la « sécurité personnelle » (du point de vue social, notamment).

La rencontre fut l’occasion d’échanger sur les éléments clés du contexte économique et social du Luxembourg, certes marqué par une bonne résilience du pays à la crise COVID, mais aussi par des défis qui persistent. En effet, la reprise économique actuelle est marquée par des interrogations comme le devenir du surplus d’épargne généré pendant les périodes de restrictions sanitaires, les effets du développement du télétravail, les écarts de performance entre les secteurs économiques ou encore la situation précaire de certaines catégories sociales.

Dans ce contexte, des propositions concrètes d’amendements budgétaires ont été présentées et discutées avec le Rapporteur et son équipe. Elles visent à accompagner les ménages les plus précaires, à soutenir les entreprises, à renforcer la politique du logement et à préparer le pays face aux grands défis d’avenir.

Ces réflexions seront publiées très prochainement dans un document de travail.

En attendant, nous vous proposons de (re)découvrir les propositions formulées en novembre 2020 dans le Document de travail N°16.

Stay tuned !

 

Pour un budget vert « à la luxembourgeoise »

Le budget vert ou « Green Budgeting » consiste à évaluer de manière systématique l’impact environnemental des budgets publics, en considérant idéalement les impôts, taxes et redevances, les dépenses budgétaires et les différentes « dépenses fiscales ».

La France est en pointe en la matière. Les autorités budgétaires y ont en effet déposé, en octobre 2020, une annexe au projet de loi de finances 2021 (PLF) où est passée au crible l’incidence environnementale des crédits budgétaires et des dépenses fiscales de l’Etat, sur la base de 6 objectifs environnementaux inspirés d’une taxonomie européenne (voir la figure ci-jointe). Sont isolés parmi les agrégats budgétaires les postes présentant un lien avec au moins l’un des 6 objectifs. Ces postes se voient ensuite assigner, à l’aune de chacun des objectifs, une cotation « favorable », « défavorable » ou « neutre ».

Le « Budget vert » français a été préparé par un groupe de travail interministériel et ce bien en amont du dépôt du PLF.  Les dépenses budgétaires et les dépenses fiscales de l’Etat ayant fait l’objet d’une évaluation dans le cadre du « Budget vert » hexagonal se sont montées à 574 milliards d’euros, dont 53 milliards présentant un lien avec l’environnement. Ce dernier montant se décompose en 38 milliards ayant des retombées environnementales favorables, près de 5 milliards affichant un bilan neutre et 10 milliards accusant une incidence environnementale négative. Les « dépenses fiscales » représenteraient à elles seules un peu plus de 70% de cette dernière catégorie[1].

Figure : les 6 axes environnementaux du « Budget vert » français

budget vert

Source : Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance (France).

Sur le plan luxembourgeois et au vu de cette dernière constatation (tirée de l’expérience française, certes), il serait opportun dans un premier temps de mettre en place un « Green Budgeting » se focalisant sur la liste « officielle » des dépenses fiscales (reprise à l’annexe 10 du projet de budget pluriannuel 2020-2024, « Indications sur les dépenses fiscales et leur impact sur les recettes »). Cette liste renferme surtout des « niches fiscales » en relation avec l’immobilier, le Bëllegen Akt notamment. Elle devrait être élargie au plus grand nombre de « dépenses fiscales » possible, le coût budgétaire du leasing, par exemple (la France a quant à elle évalué quelque 475 dépenses fiscales dans le cadre de son « Budget vert »). L’impact environnemental de chaque « dépense fiscale » relevant de cette liste élargie serait désormais évalué (neutre, positif, négatif), à l’instar de la pratique française – le cas échéant en se concentrant (du moins au départ) sur la neutralité carbone. Afin d’améliorer son évaluation environnementale, le Bëllegen Akt, qui porte sur quelque 202 millions d’euros dans sa forme actuelle, pourrait en outre faire l’objet d’une modulation en fonction des performances énergétiques des bâtiments concernés.

Par ailleurs, il serait intéressant que le Luxembourg devienne dans les meilleurs délais membre du « Paris Collaborative on Green Budgeting » de l’OCDE, une initiative lancée le 12 décembre 2017, à l’occasion du « One Planet Summit »[2] aux côtés de la Grèce, du Mexique, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Suisse, de La France et de l’Irlande. Cette initiative, qui est à l’origine du « budget vert » français, permettrait au Luxembourg de tisser des liens en la matière et d’accéder par ce biais aux méthodologies mises en œuvre dans les pays participants, évitant de « partir de zéro » dans ce domaine éminemment complexe.

Les défis méthodologiques risquent d’ailleurs d’être exacerbés, au Luxembourg, par le « Tanktourismus » qui va de pair avec de plantureuses recettes sur les énergies fossile (près de 2% du PIB en 2019 pour les seules accises). Ces recettes élevées constituent a priori un « bon point » dans le cadre du Green Budgeting.  Cette « performance » n’est cependant qu’un effet d’optique, associé aux achats de carburants par des non-résidents. Elle n’est nullement le reflet d’une fiscalité particulièrement incisive en matière d’énergies fossiles, ce dont toute « cotation environnementale » des recettes se doit de tenir compte.

Le but ultime du Green Budgeting est bien entendu d’identifier de manière transparente les points faibles du Luxembourg en matière de développement durable et d’élaborer en conséquence des mesures concrètes. Mieux évaluer pour mieux agir, en quelque sorte…


[1] Voir https://www.budget.gouv.fr/files/uploads/extract/2021/PLF_2021/rapport_IEE.PDF.

[2] Voir https://www.oecd.org/environment/green-budgeting/.

Document de travail N°16 : Quelques réflexions sur le budget 2021 !

Le projet de budget pour 2021 et le projet de loi relatif à la programmation financière pluriannuelle pour la période 2020-2024 présentés le 14 octobre 2020 sont sans surprise – compte tenu de la crise exceptionnelle en cours – très surprenants et marquent une nette rupture avec les budgets antérieurs. Un chiffre suffit à illustrer cet état de fait : en 2020, les dépenses publiques pèseront 53% du PIB.

Dans ce contexte où le Gouvernement s’efforce de « soutenir autant que possible et de sauver autant que nécessaire », un ensemble de dispositions – articulées autour du triptyque justice fiscale – logement – soutenabilité – qui visent à accompagner le rebond de l’économie et à conforter sa résilience, à éviter une envolée des inégalités, et à assurer que le Luxembourg soit armé pour atteindre ses ambitieux engagements climatiques, sont contenues dans le budget. Bienvenues, certaines de ces mesures pourraient toutefois être amendées et/ou complétées dans le but d’augmenter les retombées sur le triptyque susmentionné.

Aussi, la programmation budgétaire devrait concilier une approche conjoncturelle, consistant à favoriser un rebond économique en 2021, à une approche résolument structurelle orientée vers la préservation de la durabilité du modèle socio-économique…  Concrètement, cela suppose la mise en place et la communication -dès à présent – d’une trajectoire CO2 ambitieuse, et une architecture budgétaire qui soit davantage en phase avec cette ambition et qui permettrait un pilotage « dans le sens d’un développement durable » des finances publiques.

Pour télécharger le Document de travail :

Investissements publics : un budget prometteur mais à concrétiser

Dans d’autres contributions, rédigées en plein cœur du « Grand confinement », j’en ai appelé au maintien des investissements publics à un niveau élevé en 2020, et à un effort additionnel de l’ordre de 1% du PIB à partir de 2021. L’idée était de consolider une reprise économique certes appréciable au vu de la hausse du PIB en volume attendue pour 2021, mais qui plus fondamentalement surviendrait sur la toile de fond d’une économie toujours fragile – avec une activité à peine supérieure en 2021 à son niveau « pré-crise » de 2019. Or des investissements publics accrus constituent un instrument anticyclique efficace – en période de basse conjoncture en particulier, lorsqu’il s’agit de pallier la faiblesse de la demande privée. Ils ont d’ailleurs un tel effet d’entraînement économique qu’ils ne coûtent in fine pratiquement rien en termes de ratio d’endettement (voir le blog https://www.fondation-idea.lu/2020/04/23/investissements-publics-a-free-lunch-peut-etre/; le faible niveau actuel des taux d’intérêt renforce encore cette conjecture). Fameuse cerise sur le gâteau : correctement sélectionnés, les investissements publics sont de nature à relever durablement le potentiel de croissance de l’économie comme l’a montré le FMI, notamment, dans diverses publications.

Le budget 2021 et son complément pluriannuel ont été déposés le 14 octobre dernier. Qu’en est-il de l’effort d’investissement annoncé ? Sera-t-il en phase avec les recommandations que j’ai formulées en avril ?

C’est indubitablement le cas sur le papier – ce qu’il convient déjà de saluer. Comme le montre le graphique ci-joint, les investissements publics des Administrations publiques (de l’Etat, des fonds spéciaux et des communes, principalement) tels qu’ils sont appréhendés dans le cadre de la comptabilité standardisée européenne (« SEC 2010 ») ont en moyenne été de l’ordre de 4% du PIB sur la période 2000 à 2019[1].

Graphique : Investissements publics (formation brute de capital) en % du PIB

Investissements publics (formation brute de capital) en % du PIB

Sources : STATEC, base de données AMECO de la Commission européenne.

Or selon le projet de budget, ils dépasseraient nettement ce seuil des 4% de 2020 à 2024. Cette année, ils attendraient quelque 5,9% du PIB ce qui révèle en apparence un considérable effort par rapport au niveau « ordinaire » de 4%. Mais ce chiffre est gonflé par le niveau particulièrement faible du PIB en 2020 (qui accroît mécaniquement le ratio), par certains investissements « one-shot » (heureusement d’ailleurs…) liés à la COVID et par la prise en compte de l’avion militaire A400M (avec un impact de quelque 200 millions d’euros).

Plus fondamentalement, l’effort d’investissement mesuré sur la base des documents budgétaires demeurerait fort appréciable bien au-delà de la seule (et bien singulière…) année 2020, puisqu’il oscillerait autour de 5% sur la période 2021 à 2024. Par rapport au niveau d’étiage observé depuis 2000, il s’agirait donc bien d’un surcroît d’investissements publics de l’ordre de 1% du PIB. Autre enseignement du graphique : si on en croit les projections macroéconomiques de mai 2020 de la Commission européenne, le ratio des investissements publics serait nettement moindre dans les pays limitrophes et aux Pays-Bas en 2021. Une telle situation est d’ailleurs logique : un pays à croissance tendanciellement plus soutenue, soumis de ce fait à de plus fortes pressions sur ses infrastructures (de transport, de logement, etc.) se doit d’investir davantage.

Deux réserves s’imposent, cependant. En premier lieu, il reste à voir si cet effort va réellement se matérialiser. Tant en 2018 qu’en 2019, le taux de mise en œuvre des investissements des Administrations publiques a été remarquablement élevé, puisqu’il a atteint respectivement 99 et 98%. Il reste à espérer qu’il en sera de même sur la période 2020-2024, faute de quoi l’effort d’investissement annoncé ne serait qu’un tigre de papier.

En deuxième lieu, l’incidence socio-économique de ces investissements accrus dépend de leur composition. De nombreuses annonces sont faites à ce propos dans le projet de budget (voir l’annexe sur les fonds spéciaux, par exemple, dont les dépenses ne sont cependant pas toutes des investissements), mais il est difficile sur cette base de ventiler nos chiffres globaux d’investissements publics en fonction des domaines d’activité. Cette ventilation est fournie annuellement dans les comptes nationaux, comme le montre le graphique ci-dessous pour l’année 2019. Les documents budgétaires devraient incorporer un tel exercice (en le désagrégeant davantage, surtout pour les services généraux et les « affaires et services économiques ») et ce pour les différentes années de l’horizon de temps considéré (idéalement 2019-2024, en l’occurrence). Ce qui permettrait de mieux cerner les efforts consentis en faveur de la santé et du logement, par exemple.

Graphique 2 : Composition par fonction des investissements publics au Luxembourg en 2019 (en %)

Composition par fonction des investissements publics au Luxembourg en 2019 (en %)Source : STATEC.

Un dossier à suivre, donc…

 


[1] Le chiffre exact est 4,32%. Il s’agit de 4,08% sur la période (plus courte et post « Grande Récession ») 2010-2019 et de 4,04% en 2019. De sorte que 4% apparaît comme un niveau de référence approprié.