Economic Consensus : Lost in Transition

© photo : Giulio Grobert

The aim of the IDEA Economic Consensus is to reveal and analyze the feelings of a panel of economic and political decision-makers, social partners and economists on the main trends in economic development, the preferred macroeconomic scenario for Luxembourg, as well as the major political and economic challenges and the responses to these challenges.

The consensus results do not reflect the opinions of IDEA’s economists, but those of the 115 panel members who responded to an anonymous questionnaire (13 questions online) between February 25 and March 19, 2025. This represents a response rate of 43% out of 265 panel members.

This is the 6th IDEA Economic Consensus exercise, born one year before the shock of the Covid crisis. The consensus thus reflects the major socio-economic events and trends of the moment, with certain 2020 topics such as the Brexit, Trump’s Sino-American trade war and the tightening of budgetary rules being replaced by Trump’s new trade war, the rise of artificial intelligence, the European defense effort, or the crisis in Luxembourg’s construction sector. New themes are making their appearance. Many others are a constant in European and Luxembourg socio-economic debates, but this does not prevent an evolution in the opinion of the panelists, who tell us in 2025 that :

  • the golden age of Luxembourg growth is certainly behind us, at least for the next 5 years;
  • public debt should remain below 30% of GDP by 2030;
  • AI will evolve and transform the Luxembourg economy and, in particular, the financial center, without revolutionizing them;
  • we must not negotiate with climate targets, but do more to achieve them;
  • pensions will have to be reformed, but there is reason to doubt that this will be done by 2025;
  • competitiveness policy at European level needs to be profoundly strengthened.

Consensus économique : Lost in Transition

© photo : Frank Muno

Le consensus économique d’IDEA a pour but de révéler et d’analyser le sentiment d’un panel de décideurs économiques, politiques, de partenaires sociaux et d’économistes sur les principales tendances d’évolution de la conjoncture, le scénario macroéconomique privilégié au Luxembourg, ainsi que les grands défis politico-économiques et les réponses à apporter à ces derniers.

Les résultats du consensus ne reflètent pas l’opinion des économistes d’IDEA mais celles des 115 membres du panel qui ont répondu à un questionnaire anonyme (13 questions en ligne) entre le 25 février et le 19 mars 2025. Cette participation correspond à un taux de réponse de 43% sur les 265 membres du panel.

Il s’agit du 6ème exercice du consensus économique d’IDEA né un an avant le choc de la crise du Covid. Le consensus se fait ainsi le reflet des grands événements et tendances socio-économiques du moment, certains sujets de 2020 tels que le Brexit, la guerre commerciale sino-américaine de Trump et le renforcement des règles budgétaires étant remplacés par la nouvelle guerre commerciale de Trump, l’essor de l’intelligence artificielle, l’effort de défense européen ou encore la crise du secteur de la construction au Luxembourg. Des thématiques nouvelles font leur apparition. De nombreuses autres sont une constante des débats socio-économiques européens et luxembourgeois, ce qui n’empêche pas une évolution de l’opinion des panélistes, qui nous disent en 2025 que :

  • la période d’âge d’or de la croissance luxembourgeoise est certainement derrière nous, du moins pour les 5 années à venir ;
  • la dette publique devrait demeurer en-deçà des 30% de PIB d’ici à 2030 ;
  • l’IA fera évoluer et transformera l’économie luxembourgeoise et notamment la place financière, sans les révolutionner ;
  • il ne faut pas négocier avec les objectifs climatiques, mais faire davantage pour les atteindre ;
  • il faudra réformer les pensions, mais il y a matière à douter que ce sera fait en 2025 ;
  • la politique de compétitivité au niveau européen doit être profondément renforcée.

La place financière, une multispécialiste en quête de leadership

© photo : Julien Mpia Massa

Avec près de 25% de la valeur ajoutée brute produite, le secteur financier est la spécialisation économique du Luxembourg. Dès lors, tout gain ou perte de compétitivité de la place financière face à ses concurrents affecte potentiellement sa prospérité économique. Le secteur financier luxembourgeois tire sa résilience d’une diversification sur différents marchés, qui s’est renforcée au cours des dix dernières années, et qui fait d’elle une multispécialiste, leader sur certains segments.

Cette étude, compilation de trois décryptages, effectue un état des lieux de la position compétitive de la place financière, dans son ensemble et sur ses principales spécialisations. Elle décrit une place financière de plus en plus diversifiée dans ses activités, plus dépendante du continent européen et qui a gagné en importance au sein de l’UE. Elle doit ces évolutions à un secteur bancaire en mutation marquée par l’essor du corporate banking, au maintien d’une position dominante sur les fonds d’investissement malgré la vive concurrence irlandaise, à la croissance de l’assurance non-vie à la suite du Brexit et au rôle central de la Bourse de Luxembourg sur les marchés obligataires.

Les bonnes performances de la place financière proviennent en partie de sa proactivité sur la finance durable. Alors que d’autres places disposent d’un réservoir d’ingénieurs plus important, la place financière luxembourgeoise ne devra pas manquer le virage technologique en cours, où des acteurs de la tech concurrencent ceux de la finance. Sa capacité à maintenir ses leaderships dépendra, aussi, des évolutions règlementaires des marchés financiers européens.

Investissements publics : un budget prometteur mais à concrétiser

Dans d’autres contributions, rédigées en plein cœur du « Grand confinement », j’en ai appelé au maintien des investissements publics à un niveau élevé en 2020, et à un effort additionnel de l’ordre de 1% du PIB à partir de 2021. L’idée était de consolider une reprise économique certes appréciable au vu de la hausse du PIB en volume attendue pour 2021, mais qui plus fondamentalement surviendrait sur la toile de fond d’une économie toujours fragile – avec une activité à peine supérieure en 2021 à son niveau « pré-crise » de 2019. Or des investissements publics accrus constituent un instrument anticyclique efficace – en période de basse conjoncture en particulier, lorsqu’il s’agit de pallier la faiblesse de la demande privée. Ils ont d’ailleurs un tel effet d’entraînement économique qu’ils ne coûtent in fine pratiquement rien en termes de ratio d’endettement (voir le blog https://www.fondation-idea.lu/2020/04/23/investissements-publics-a-free-lunch-peut-etre/; le faible niveau actuel des taux d’intérêt renforce encore cette conjecture). Fameuse cerise sur le gâteau : correctement sélectionnés, les investissements publics sont de nature à relever durablement le potentiel de croissance de l’économie comme l’a montré le FMI, notamment, dans diverses publications.

Le budget 2021 et son complément pluriannuel ont été déposés le 14 octobre dernier. Qu’en est-il de l’effort d’investissement annoncé ? Sera-t-il en phase avec les recommandations que j’ai formulées en avril ?

C’est indubitablement le cas sur le papier – ce qu’il convient déjà de saluer. Comme le montre le graphique ci-joint, les investissements publics des Administrations publiques (de l’Etat, des fonds spéciaux et des communes, principalement) tels qu’ils sont appréhendés dans le cadre de la comptabilité standardisée européenne (« SEC 2010 ») ont en moyenne été de l’ordre de 4% du PIB sur la période 2000 à 2019[1].

Graphique : Investissements publics (formation brute de capital) en % du PIB

Investissements publics (formation brute de capital) en % du PIB

Sources : STATEC, base de données AMECO de la Commission européenne.

Or selon le projet de budget, ils dépasseraient nettement ce seuil des 4% de 2020 à 2024. Cette année, ils attendraient quelque 5,9% du PIB ce qui révèle en apparence un considérable effort par rapport au niveau « ordinaire » de 4%. Mais ce chiffre est gonflé par le niveau particulièrement faible du PIB en 2020 (qui accroît mécaniquement le ratio), par certains investissements « one-shot » (heureusement d’ailleurs…) liés à la COVID et par la prise en compte de l’avion militaire A400M (avec un impact de quelque 200 millions d’euros).

Plus fondamentalement, l’effort d’investissement mesuré sur la base des documents budgétaires demeurerait fort appréciable bien au-delà de la seule (et bien singulière…) année 2020, puisqu’il oscillerait autour de 5% sur la période 2021 à 2024. Par rapport au niveau d’étiage observé depuis 2000, il s’agirait donc bien d’un surcroît d’investissements publics de l’ordre de 1% du PIB. Autre enseignement du graphique : si on en croit les projections macroéconomiques de mai 2020 de la Commission européenne, le ratio des investissements publics serait nettement moindre dans les pays limitrophes et aux Pays-Bas en 2021. Une telle situation est d’ailleurs logique : un pays à croissance tendanciellement plus soutenue, soumis de ce fait à de plus fortes pressions sur ses infrastructures (de transport, de logement, etc.) se doit d’investir davantage.

Deux réserves s’imposent, cependant. En premier lieu, il reste à voir si cet effort va réellement se matérialiser. Tant en 2018 qu’en 2019, le taux de mise en œuvre des investissements des Administrations publiques a été remarquablement élevé, puisqu’il a atteint respectivement 99 et 98%. Il reste à espérer qu’il en sera de même sur la période 2020-2024, faute de quoi l’effort d’investissement annoncé ne serait qu’un tigre de papier.

En deuxième lieu, l’incidence socio-économique de ces investissements accrus dépend de leur composition. De nombreuses annonces sont faites à ce propos dans le projet de budget (voir l’annexe sur les fonds spéciaux, par exemple, dont les dépenses ne sont cependant pas toutes des investissements), mais il est difficile sur cette base de ventiler nos chiffres globaux d’investissements publics en fonction des domaines d’activité. Cette ventilation est fournie annuellement dans les comptes nationaux, comme le montre le graphique ci-dessous pour l’année 2019. Les documents budgétaires devraient incorporer un tel exercice (en le désagrégeant davantage, surtout pour les services généraux et les « affaires et services économiques ») et ce pour les différentes années de l’horizon de temps considéré (idéalement 2019-2024, en l’occurrence). Ce qui permettrait de mieux cerner les efforts consentis en faveur de la santé et du logement, par exemple.

Graphique 2 : Composition par fonction des investissements publics au Luxembourg en 2019 (en %)

Composition par fonction des investissements publics au Luxembourg en 2019 (en %)Source : STATEC.

Un dossier à suivre, donc…

 


[1] Le chiffre exact est 4,32%. Il s’agit de 4,08% sur la période (plus courte et post « Grande Récession ») 2010-2019 et de 4,04% en 2019. De sorte que 4% apparaît comme un niveau de référence approprié.