Avis annuel 2024 : Le Luxembourg au rAAAlenti !

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© photo : Julien Mpia Massa

Alors qu’il est désormais possible d’affirmer que l’économie luxembourgeoise a bien résisté aux soubresauts inédits de la pandémie de COVID et à ses multiples vagues, le nouveau cycle qui s’est ouvert depuis 2022 avec la guerre en Ukraine, apparaît au fil des bulletins économiques comme un épisode plus difficile à encaisser. Une bonne surprise n’est pas à exclure pour 2024, mais les constats analysés dans ce 10ème Avis annuel d’IDEA confirment que le nouveau gouvernement s’installe dans une séquence où se cumulent ralentissement, incertitudes dans le contexte de « polycrise » et défis à relever (voire attentes à satisfaire) sous de multiples contraintes, luxembourgeoises comme internationales.

L’Avis annuel 2024 d’IDEA propose un tour d’horizon des principales évolutions économiques mondiales, européennes, américaines et chinoises. Il analyse, en outre, la situation socio-économique luxembourgeoise avec un passage en revue des paramètres clés de l’activité économique, du marché du travail et des finances publiques du pays. Sont aussi présentés les résultats du consensus économique d’IDEA, réalisé en février 2024, ayant permis de prendre le pouls de 120 décideurs économiques et partenaires sociaux au Luxembourg.

Enfin, trois contributions thématiques proposent une analyse des disparités territoriales en matière de capacité d’achat immobilier, de nouvelles bourses d’études pour former davantage de talents de la diversification économique ainsi qu’une étude du dispositif de « job rotation » danois qui pourrait utilement intégrer les politiques de l’emploi au Luxembourg.

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L’Avis annuel 2024 d’IDEA propose un tour d’horizon des principales évolutions économiques mondiales, européennes, américaines et chinoises. Il analyse, en outre, la situation socio-économique luxembourgeoise avec un passage en revue des paramètres clés de l’activité économique, du marché du travail et des finances publiques du pays. Sont aussi présentés les résultats du consensus économique d’IDEA, réalisé en février 2024, ayant permis de prendre le pouls de 120 décideurs économiques et partenaires sociaux au Luxembourg.

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conférence de presse du 21 mars 2024

C’est graphe docteur ? Luxembourg : la résilience économique mise à mal

Quel sera l’impact de la « crise ukrainienne » sur l’économie luxembourgeoise ? Même un économiste muni de doctorats en défense, en géostratégie et en histoire, intime de surcroît des sphères dirigeantes russes ne serait pas en mesure de fournir « la » réponse à une telle question. Une chose est sûre en tout cas : les prévisions de croissance, certes embrumées par les inévitables « risques et incertitudes », ont été nettement révisées à la baisse depuis l’invasion déclenchée le 24 février 2022, comme l’illustrent clairement les projections de la Commission européenne présentées le 16 mai dernier.

Graphique : PIB en volume au Luxembourg : décrochage par rapport à une « tendance » de 3 % par an (millions d’euros)

Sources : Commission européenne, STATEC et calculs IDEA.
Notes : graphique élaboré en valeurs de 2019 et en partant de la plus récente estimation du PIB en 2019. Tendance « de 3% » : elle est plus précisément basée sur la croissance moyenne de 2,93% l’an observée de 1999 à 2019.

Les prévisions « grand-ducales » de la Commission peuvent être utilement comparées à celles qui ont été diffusées par la même institution le 10 février 2022, soit deux semaines seulement avant l’invasion russe. Alors que les experts « de Bruxelles » tablaient encore en février sur un PIB luxembourgeois renouant miraculeusement avec sa tendance antérieure à la COVID, une configuration radicalement différente émerge en mai 2022.

Les prévisions de février (droite verte) laissaient augurer une croissance du PIB luxembourgeois de 3,9% en 2022, permettant au Luxembourg de rejoindre dès cette année la trajectoire de croissance « pré COVID » (droite orange), correspondant à une tendance « naturelle » de 3%. Alors que le grand-duché enregistrait encore une déperdition de PIB de quelque 3 milliards d’euros en 2020 par rapport à cette tendance, crise sanitaire oblige, cet écart est revenu à 0,6 milliard d’euros en 2021 et il était censé se résorber intégralement en 2022 et 2023 (le vert s’alignant sur l’orange).

Malheureusement et selon toute vraisemblance, cette « belle histoire » d’un effacement de la crise sanitaire – d’un point de vue strictement économique s’entend – n’aura pas résisté à l’actuel contexte, dominé par la crise ukrainienne. Les projections de mai 2022 laissent en effet augurer une perte de PIB excédant 1 milliard d’euros en 2022 et en 2023, toujours par rapport à la tendance de 3% l’an, en lieu et place de la « vertueuse convergence » attendue en février. À cette aune certes étroitement comptable et nonobstant les nombreux « risques et incertitudes », la résilience de notre économie n’aura pas survécu aux présentes tensions géopolitiques…

C’est graphe docteur ? Crises et difficultés des institutions bancaires

Selon le Consensus économique d’IDEA réalisé pour l’Avis Annuel 2022, 59% des répondants estiment qu’il y a peu voire très peu de chances que l’Etat luxembourgeois soit sollicité pour soutenir une ou plusieurs institutions financières en raison de la crise géopolitique actuelle. Toutefois, 14% d’entre eux jugent que la situation actuelle est propice voire très propice à une recapitalisation bancaire. Pourtant, si une banque luxembourgeoise devait prochainement rencontrer des difficultés, il y aurait fort à parier que la cause réelle provienne en réalité de son business model et que la crise géopolitique actuelle ou tout autre élément semblable n’est ni plus ni moins qu’un simple catalyseur.

Graphique : Probabilités que l’Etat luxembourgeois soit sollicité pour soutenir une ou plusieurs institutions financières en raison de la crise géopolitique actuelle

Source : Consensus économique d’IDEA (mars 2022)

En effet, une banque devient rarement insolvable du jour au lendemain. La plupart du temps, d’importantes vulnérabilités sont déjà ancrées dans son business model de manière structurelle. Une importante provision passée lors d’un choc économique (diminuant de ce fait ses actifs et capitaux propres) ou un accès plus difficile à la liquidité va alors révéler publiquement les failles de l’institution financière. La Crise financière de 2008 a montré que les banques qui avaient un business model non soutenable comportant des informations insuffisantes, des risques excessifs, des hypothèses irréalistes, une extrême concentration en termes d’exposition géographique, de clientèle et de revenus, des sources de financement intenables et instables, une volatilité importante dans les bénéfices, des investissements dans des produits complexes sans contrôle adéquat ou une compréhension incomplète de la nature des risques sont celles qui ont rencontré le plus de difficultés. L’important effet levier d’une banque aboutit ensuite à décupler les pertes, ce qui risque de déboucher sur une recapitalisation.

De nos jours, les banques font face à un environnement changeant, incluant de multiples facteurs de risques et pouvant avoir de réelles implications sur leur business model. Les changements réglementaires et de fiscalité, le passage d’un environnement à faible taux d’intérêt à un autre plus inflationniste, avec des taux d’intérêt qui remontent progressivement, le niveau élevé des prix immobiliers, les technologies disruptives et la concurrence plus soutenue de la part des acteurs de la tech ainsi que le changement climatique font partie de cette liste non exhaustive, pouvant jouer à court et moyen terme. Même si les organismes de réglementation bancaire sont davantage regardants quant à la soutenabilité du modèle d’affaires depuis la crise de 2008, il incombe aux banques de s’adapter durablement à ces défis. L’importance de leur business model a en effet non seulement des conséquences microprudentielles (affectant entre autres leur notation de crédit, mais pas uniquement) mais aussi macroprudentielles, via la stabilité financière.

Avis Annuel 2022 : “D’une crise à l’autre “

Après un tour d’horizon de la conjoncture économique internationale et luxembourgeoise, l’Avis annuel 2022 de la Fondation IDEA aborde la situation économique mondiale et dans les trois principaux blocs économiques (zone euro, Chine, États-Unis), dans l’ombre de la crise sanitaire et de la tension géopolitique ambiante. Il interroge les principaux impacts de la juxtaposition des crises sur le Luxembourg et les orientations socio-économiques à privilégier dans un tel environnement. Le document présente également les résultats du Consensus économique d’IDEA réalisé entre le 9 et le 18 mars 2022, ayant permis de prendre le pouls de près de 120 responsables économiques et partenaires sociaux au Luxembourg.

Synthèse de l’Avis annuel 2022

C’est dans un contexte pour le moins particulier que paraît l’Avis Annuel 2022 d’IDEA, le monde étant toujours englué dans une lancinante crise sanitaire porteuse de lourdes retombées non seulement d’un point de vue économique, mais également sociétal (culture, psychologie, éducation, etc.). En outre la guerre sévit à nouveau sur le continent européen – avec d’ores et déjà un terrible bilan en termes de vies humaines. Cet environnement pour le moins évolutif ne peut qu’inciter tout observateur à la plus grande prudence. Ce rapport prétend fournir à ses lecteurs des outils d’analyse performants, mais nullement un « prêt à penser », et encore moins des prévisions vouées à être dépassées avant même que leur encre ne sèche. Il donne une photographie des économies mondiale, européenne et luxembourgeoise telles qu’elles se situaient au début de l’année 2022 et met en avant quelques défis majeurs qui ne disparaîtront vraisemblablement pas à court terme.

L’économie mondiale a accusé le coup en 2020, avec une diminution de son PIB en volume de 3,1%. Un effet de rebond de l’ordre de 6% est certes survenu en 2021, mais le « trou » d’air par rapport à la tendance antérieure à la crise est clairement perceptible. Divers risques continuent encore à peser sur l’économie mondiale, à savoir (c’est une liste non limitative…) l’émergence de nouveaux variants du COVID, l’explosion des prix de l’énergie et des matières premières, l’accentuation des tensions sociales et (géo)politiques ou encore l’accélération d’événements climatiques graves.

Aux Etats-Unis, l’effet de rebond a été manifeste en 2021 (+5,5% pour le PIB réel), à la faveur notamment de plans de relance ambitieux (mais amoindris par les dissensions politiques). Une question essentielle à l’heure actuelle est la stratégie de sortie de crise face à la résurgence de l’inflation. La Réserve Fédérale a récemment annoncé une « normalisation » de sa politique monétaire.

En Chine, le PIB en volume a augmenté de plus de 8% en 2021, au-delà des 6% visés par le Gouvernement. Le second semestre a cependant été obscurci par les difficultés du secteur immobilier et par la rupture de certaines chaînes de valeur. Des mesures « structurelles » ont été adoptées, à savoir la politique de « trois enfants » et les initiatives en faveur d’une monnaie digitale centralisée.

Autre acteur majeur, la zone euro semble pour sa part avoir perçu la nécessité de revoir en profondeur sa gouvernance, en ce qui concerne notamment le Pacte de Stabilité et de Croissance, une capacité budgétaire commune, l’union bancaire ou celle des marchés des capitaux. Elle a en outre mis en place d’importants mécanismes de solidarité en 2021, dont il reste à établir la pérennité afin de contribuer à amoindrir les divergences socio-économiques croissantes qui se sont manifestées au cours des vingt dernières années. La « période COVID » et l’actuelle crise ukrainienne ont encore compliqué la donne. Si la zone euro a bénéficié d’un appréciable rebond économique en 2021, son PIB réel a cédé environ 1% par rapport à 2019. Par ailleurs, les tensions inflationnistes héritées de la crise sanitaire ont été prolongées et même accentuées par la nouvelle donne géopolitique, tandis que les finances publiques de la zone seront confrontées au cours des années à venir aux conséquences du décrochage du PIB, du vieillissement, du coût de la transition « verte » et numérique, de besoins en infrastructures et dans le domaine de la défense, pour ne citer que quelques facteurs. Face à ces défis, des avancées en matière de politique européenne sont attendues et pourraient aboutir à un projet européen renouvelé (et renforcé).

La crise sanitaire a durement sévi au Luxembourg également, avec des épisodes de restrictions aiguës et d’évidents dégâts pour diverses activités (économiques mais aussi humaines) et ce pendant de longs mois. Pourtant, une lecture même rapide des grands indicateurs économiques donne le sentiment, avec un recul de deux (longues) années, que l’économie luxembourgeoise ne porte guère les stigmates de ce qui peut pourtant être qualifié à juste titre de catastrophe. Ainsi, sur les années 2020-2021, le taux de croissance du PIB en volume a été strictement semblable à la moyenne annuelle des 10 précédentes années. Le PIB n’a en effet décliné « que » de 1,8% au Grand-Duché en 2020 – cette décrue ayant atteint 6,4% dans la zone euro – tout en enregistrant en 2021 un rebond de près de 7% digne des pays économiquement les plus « dévastés » en 2020. En conséquence et à l’inverse du constat établi dans le sillage de la « Grande récession » de 2008-2009, le Grand-Duché ne manifeste de 2019 à 2021 aucun décrochage économique par rapport à sa tendance antérieure d’évolution du PIB réel. A l’évidence, peu de pays à travers le monde peuvent se prévaloir d’un tel résultat.

De nombreux facteurs expliquent cette résilience économique (la situation étant moins brillante socialement parlant), dont l’interventionnisme sur le mode « Et kascht, wat et kascht », la bonne gestion sanitaire, des spécialisations économiques favorables et une prépondérance des branches « télétravaillables », la chance (le fameux « Luxembourg élu des dieux », fantaisiste en apparence mais semblant souvent corroboré par les faits…) et on en passe. Il est difficile, sinon impossible, de pondérer les effets respectifs de ces différents amortisseurs.

Cette étonnante résilience ne se cantonne pas au pré carré des comptables nationaux (très méritants au demeurant dans le présent contexte). Le marché du travail illustre également cette résistance, avec en deux années la création de quelque 23 000 emplois (dont près de 17 000 salariés de plus en 2021, soit le record absolu), un taux de chômage revenu sous les 5% et des tensions sur l’offre de travail figurant à nouveau au premier rang des préoccupations de nombreux employeurs.

La bonne résistance de l’économie luxembourgeoise se manifeste aussi à l’aune des finances publiques, pourtant lestées par le « Et kascht, wat et kascht » et par la récession en 2020. Elles ont bénéficié d’un brusque rebond des recettes en 2021, de sorte que les administrations publiques ont renoué avec l’équilibre budgétaire dès 2021, tout en limitant la hausse de leur endettement par rapport à 2019 à 3,6 points de PIB. Ce rétablissement a été nettement plus convaincant que dans la zone euro ou dans les pays limitrophes, même si le financement des pensions laisse planer un doute sur la pérennité à terme de ce rebond. Les nouvelles mesures d’urgence risquent également de s’avérer coûteuses, d’où la nécessité de les cibler au mieux en visant résolument les personnes et les entreprises les plus vulnérables, à rebours d’un « arrosage » tous azimut pénalisant de surcroît les objectifs CO2 du Luxembourg, qui demeurent plus primordiaux que jamais. En outre, la récente « crise COVID » constitue une expérience utile à la mise en œuvre de dispositifs de soutien public permettant à l’Etat d’assurer ses fonctions assurancielles, régulatrices et stabilisatrices, qui devraient en ces temps de crise (de guerre) restées activées, au moins à court terme.

Si le tableau d’ensemble peut sembler « miraculeux » à nombre d’égards, les deux dernières années n’ont pas été exemptes de « secousses » économiques et sociales. Le caractère hétérogène des effets de la crise sanitaire, tout d’abord, reste visible. Ainsi, alors que le marché du travail est en surchauffe, les demandes de chômage partiel restent élevées au début de l’année 2022 en comparaison à la période d’avant crise. Un autre bémol de taille est la résurgence du chômage de longue durée et, plus généralement, la fragilisation sociale de divers segments de la population déjà vulnérables avant même la crise sanitaire. Cette dernière s’est au demeurant traduite par une hausse des décrochages scolaires et par une diminution de l’intensité des efforts de formation continue – des facteurs à scruter de près. Enfin, la « déformation » structurelle de l’économie luxembourgeoise s’est accélérée, à la faveur d’une croissance nettement plus élevée de l’emploi dans les secteurs principalement non marchands.

Le Grand-Duché doit enfin s’attaquer d’urgence à certains défis, exacerbés par les « multiples crises ». Il s’agit notamment de la fiscalité. Dans un environnement très changeant, il est difficile de calibrer correctement une réforme fiscale d’envergure. Les récentes initiatives internationales en matière de taxation des multinationales supposent par ailleurs que le Luxembourg maintienne sa compétitivité et son attractivité sur le plan fiscal. Un 2ème défi d’envergure, à savoir le logement, présente aussi des ramifications fiscales, l’impôt foncier générant actuellement des recettes quasiment « confidentielles » tandis que les « dépenses fiscales » immobilières gagneraient à être conditionnées au revenu. Plus généralement, il importe de favoriser une application effective du principe « Wunnen ass e Mënscherecht », précondition à la fois de la cohésion sociale et d’une immigration nette (donc d’une croissance…) demeurant suffisamment soutenue. Un 3ème défi d’envergure se rapporte au futur du (télé)travail. L’avènement du travail à distance, grande transformation accélérée de la société salariale, soulève en effet des défis non négligeables qu’il conviendra de traiter.

Les résultats du Consensus économique d’IDEA, décrits en détail dans le présent avis et qui s’inscrivent sur cette toile de fond, permettent en outre de jauger les premiers effets de la présente crise géopolitique. Cette dernière étant des plus évolutives, une grande prudence est plus que jamais de mise dans l’interprétation des divers résultats et évolutions.

Sur le plan européen, le Consensus, qui repose sur les réponses de près de 120 professionnels, confirme le risque d’une inflation élevée au sein de la zone euro, la BCE étant dans ce contexte susceptible d’augmenter au moins une fois ses taux en 2022. Une majorité des participants se dégage en faveur d’une adaptation des règles du Pacte de Stabilité et de Croissance. Ils souhaitent par ailleurs redonner à l’Union européenne une souveraineté industrielle et harmoniser la fiscalité écologique.

En ce qui concerne le Luxembourg, les panélistes tablent sur une croissance du PIB en volume de 2,3% en 2022, qui résulterait notamment d’un affaiblissement des investissements et même de la consommation privée dans la foulée des récentes tensions géopolitiques. Cette anticipation serait en retrait par rapport aux prévisions les plus récentes du STATEC, soit +3,5%. Le chômage connaîtrait quant à lui une légère augmentation en 2022 et 2023, tandis que la dette publique serait de l’ordre de 28% du PIB en 2027.

L’inflation moyenne anticipée serait de 5,4% en 2022 (contre +4,4% selon le STATEC – avant il est vrai l’invasion russe de l’Ukraine) et elle demeurerait relativement élevée en 2023, avec +3,6%. Face à la montée des coûts énergétiques, les participants penchent vers des aides ciblées en faveur des entreprises les plus vulnérables. En revanche, aucun consensus ne se dégage autour des propositions d’évolution du mécanisme d’indexation.

Les prix de l’immobilier continueraient quant à eux à progresser d’ici 2030, mais à un rythme moindre que ces dernières décennies. Dans leur majorité, les panélistes souhaitent conditionner les aides au logement au niveau des revenus des bénéficiaires et, dans une moindre mesure cependant, rehausser l’impôt foncier. Ils anticipent par ailleurs une augmentation de 0,7 point de pourcentage des taux hypothécaires cette année.

Les participants au Consensus jugent enfin que les objectifs climatiques pour 2030 sont hors de portée, tant en Europe qu’au Luxembourg. Le scepticisme à cet égard a d’ailleurs sensiblement progressé par rapport à l’année dernière, alors que cet objectif ne peut certainement être perdu de vue, même (surtout ?) dans des circonstances passablement bousculées.

 

Idée du mois N°25 – Dette COVID : soutenable ?

La crise sanitaire a eu de funestes retombées sur le plan économique et par ricochet en termes de finances publiques. Ainsi, le déficit public s’est établi en 2020 à quelque 11% du PIB en Espagne, à environ 9% du PIB en France et en Italie et il a été de l’ordre de 4% du PIB en Allemagne et au Luxembourg. Avec à la clef une sensible augmentation des ratios d’endettement dans les cinq pays de la zone euro étudiés dans l’Idée du Mois, à savoir la France, l’Italie, l’Allemagne, le Luxembourg et l’Espagne.

Les besoins de financement ayant été durablement affectés par la crise, la dynamique d’endettement devrait, selon diverses simulations réalisées par l’auteur et décrites dans l’IDM, continuer à s’emballer d’ici 2040 – du moins à pression fiscale constante et en supposant que les dépenses publiques évoluent en fonction de la croissance tendancielle. D’autant que le vieillissement démographique et le financement de l’indispensable transition énergétique et climatique pourraient également peser dans la balance. Par ailleurs, les ratios d’endettement sont extrêmement sensibles à une éventuelle remontée des taux d’intérêt.

La dynamique d’endettement doit donc être examinée de près au sein de la zone euro. Si la vigilance s’impose, la rigueur budgétaire (en termes de dépenses ou de perceptions additionnelles) ne peut constituer le seul remède contre l’emballement des dettes, car un important effort serait requis afin de stabiliser (sans plus) les ratios d’endettement alors même que surgissent de nombreux besoins de « biens publics » (dans le domaine de la santé, notamment). Pour les mêmes raisons, une application mécanique et indifférenciée du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) est à exclure. Mieux vaudrait privilégier une sélection plus « qualitative » des dépenses publiques, privilégiant les meilleurs leviers de croissance. Une telle sélection requiert cependant une analyse approfondie et ne peut par conséquent être mise en œuvre « du jour au lendemain ».

Dans l’état actuel des choses, une combinaison de plusieurs leviers doit être envisagée, à savoir la mise en œuvre d’un cadre global de surveillance de la soutenabilité à terme des finances publiques, le lancement de processus d’évaluation des dépenses publiques ou même un réagencement de la « dette COVID ». Il convient également de privilégier une « sortie par le haut » de la spirale d’endettement, consistant à favoriser les investissements publics présentant une grande capacité d’entraînement économique, et plus généralement toute politique susceptible de rehausser la croissance économique potentielle – cette dernière étant très efficace en termes de capacité de réduction des ratios d’endettement public. Les investissements publics indispensables à la transition énergétique et climatique répondraient d’ailleurs à cette logique. En revanche, le recours au « pouvoir édulcorant » de l’inflation et une annulation pure et simple des dette publiques doivent, du fait de leurs nombreux effets collatéraux potentiels, être envisagés avec prudence.