Pauvreté des seniors, une composante du débat

© photo : Julien Mpia Massa

Alors que s’ouvre cet automne un débat crucial pour l’avenir du système des pensions, la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté est l’occasion de s’intéresser à l’une des composantes du débat : la pauvreté des seniors. En effet, la protection du niveau de vie des pensionnés aux revenus modestes sera une nécessité si devaient être décidés des changements profonds du système de retraite. Dans la recherche des solutions pour mieux lutter contre la pauvreté des seniors, le niveau de la pension minimale n’est qu’un des nombreux éléments à considérer.

Être pensionné, un bouclier contre la pauvreté ?

Les personnes résidentes au Luxembourg de plus de 60 ans ont la particularité de bénéficier d’un revenu médian supérieur de 12%[1] à celui des habitants de moins de 60 ans. Cette spécificité, quasi-unique en Europe, les protège davantage que les actifs de la pauvreté. De fait, le taux de risque de pauvreté des pensionnés, c’est-à-dire le pourcentage de pensionnés disposant d’un revenu inférieur à 60% du revenu médian dans le pays, était de 10,7% en 2023 contre 17,8% pour l’ensemble de la population. Celui des personnes de plus de 65 ans, pensionnées ou non, atteint 10,5%, en progression importante certes puisque ce taux était égal à 6,2% il y a de cela 10 ans[2]. Les hommes de plus de 65 ans (taux de risque de pauvreté de 9,5%) sont davantage protégés de la pauvreté que les femmes du même âge (11,5%), mais dans des proportions moindres qu’au niveau européen, 18,9% pour les femmes contre 13,9% pour les hommes.

Cette plus grande protection au niveau du revenu est renforcée par la structure des dépenses des pensionnés. Selon le STATEC[3], la part des dépenses pré-engagées[4] n’est que de 29% du budget total des ménages de plus de 60 ans contre 37% pour l’ensemble de la population, ce qui permet à une part importante des seniors de bénéficier d’un pouvoir d’achat favorable, notamment en raison de leur situation vis-à-vis du logement.

Toutefois, ce bouclier n’agirait pas avec efficacité pour tous. Tous les pensionnés ne sont pas propriétaires de leur logement avec un crédit remboursé[5]. Tous ne bénéficient pas d’une pension à taux plein garantissant un niveau de vie satisfaisant. L’intensité de la pauvreté, qui compare la distance du revenu des personnes en risque de pauvreté au seuil de pauvreté, plus élevée chez les personnes de plus de 65 ans[6] que pour l’ensemble de la population concernée est un premier indice illustrant les disparités de situation entre seniors et des failles possibles de la protection sociale.

Des situations diverses et variées

Les inégalités de revenu entre les seniors de plus de 65 ans, que l’on mesure par le rapport interquintile[7], sont quasi-équivalentes au Luxembourg à celles des moins de 65 ans (rapport de 4,63 pour les seniors contre 4,75 pour les moins de 65 ans) contrairement au niveau européen, où les différences se réduisent davantage avec l’âge[8]. Cet écart reflète, en partie, les différences de montant entre pensions minimale et maximale, et est renforcé par les autres revenus potentiels des ménages seniors tels que ceux du patrimoine. En outre, la pauvreté de certains ménages seniors pourrait provenir de revenus de pensions partielles ou d’une absence de pensions. Ceci peut être dû à un parcours discontinu d’assuré au Luxembourg (périodes de chômage non indemnisées, éducation des enfants, entrepreneuriat…) et d’une vie professionnelle en partie passée à l’étranger (avec ou non un système de pensions comparable à celui du Luxembourg dans les autres pays de travail).

Ainsi, le dernier Pension adequacy report[9] précisait que 27 % des retraités résidents ont eu une carrière professionnelle dans plus d’un pays et ne perçoivent donc qu’une pension partielle du Luxembourg (et, pour la plupart d’entre eux, des pensions partielles supplémentaires dans d’autres pays). Selon ce même rapport, le taux de remplacement théorique[10] des salaires par les prestations de pensions était en 2022, pour une personne dont le salaire équivalait aux 2/3 du salaire moyen, de 105,9% pour un départ en retraite après 40 ans de cotisation, de 102,2% pour une personne qui aurait été au chômage pendant trois ans et de 77,1% dans le cas d’une carrière courte de 20 ans.

Selon les dernières données de l’IGSS pour l’année 2022, le Luxembourg comptait 3.252 bénéficiaires du REVIS de plus de 60 ans[11], dont 2.139 de plus de 65 ans[12]. C’est ainsi 2,5% de la population de 60 ans et plus qui bénéficie du REVIS, une population à faible revenu qui est loin de disposer d’une pension minimale complète par personne. Cette situation peut être aggravée par la composition du ménage, 85,5% de la population de 65 ans et plus vivant dans un ménage composé d’un adulte seul ou d’un couple de deux adultes sans autre personne, 14,5% des seniors[13] feraient partie d’un ménage que l’on pourrait qualifier d’atypique (enfant encore à charge, hébergement de parents en situation de dépendance…).

Enfin, impossible au Luxembourg d’aborder le sujet du pouvoir d’achat sans évoquer celui du logement. En 2023, le taux de risque de pauvreté des personnes de plus de 60 ans différait fortement entre les ménages seniors propriétaires (8,6%) et locataires (20,6%). Faiblesse des revenus et coût potentiel du loyer faisaient que 40% des personnes en risque de pauvreté de plus de 65 ans étaient en surcharge des coûts du logement[14] en 2023.

Et comment y répondre

Ces éléments ne constituent qu’une ébauche d’une analyse plus complète à effectuer sur la situation des ménages seniors aux revenus modestes. Configurer les politiques publiques qui permettront de mieux lutter contre la pauvreté des seniors, à l’intérieur et en-dehors du mécanisme assurantiel du système des pensions, requière une radiographie plus précise des situations menant à ces bas revenus, tant du point de vue théorique, analyse des cas, que pratique, études statistiques et de terrain. Devront notamment être examinés la composition du revenu des personnes modestes de 65 ans et plus, les parcours de vie des personnes avec un revenu inférieur à la pension minimale complète ou encore leurs dépenses nécessaires, ce dernier point étant déjà en partie explorée par le budget de référence[15].

Si un tel travail est une nécessité, il est déjà possible d’esquisser quelques pistes à mettre dans le débat public. Au niveau du régime des pensions, la distribution de l’allocation de fin d’année et l’ajustement des pensions aux salaires réels pourraient être davantage pérennisés tout en les ciblant socialement, tandis qu’un crédit d’impôt pension modeste pourrait voir le jour, sur le modèle du crédit d’impôt salaire social minimum. Concernant les politiques de solidarité, la création d’un REVIS vieillesse pourrait être étudiée, sachant que de nombreux pays différencient un revenu minimum vieillesse plus élevé du revenu minimum pour les personnes en âge de travailler. Il en est de même d’une allocation logement qui serait intégrée à la pension (pour les locataires et les propriétaires selon l’exemple finlandais[16]) et de la mise en place de nouveaux services gratuits accessibles à la population âgée comme des chèques activités physiques, culturelles et éducatives.


[1] Eurostat, 2023.

[2] Dans le contexte d’une tendance à la hausse globale du taux de risque de pauvreté au Luxembourg, qui est passé de 15,9% en 2013 à 18,8% en 2023.

[3] Rapport « Travail et cohésion sociale » 2024, STATEC.

[4] Les dépenses « pré-engagées » sont les dépenses que les ménages engagent par un contrat ou un abonnement : dépenses liées au logement (loyer, eau, gaz, électricité…), assurance, télécommunication, cantine…

[5] Catégorie pour laquelle le taux de dépenses pré-engagées n’est que de 23%.

[6] Cette intensité est de 19% pour les personnes de plus de 65 ans en risque de pauvreté, contre 17,2% pour l’ensemble de la population en risque de pauvreté selon le rapport Travail et cohésion sociale 2024 du STATEC.

[7] Le rapport interquintile correspond à la différence de revenu entre la borne supérieure des 20% de ménages les plus modestes et la borne inférieure des 20% de ménages les plus aisés.

[8] Un rapport interquintile de 4,85 pour les moins de 65 ans contre 4,11 pour les plus de 65 ans.

[9] Pension adequacy report 2024 – Current and future income adequacy in old age in the EU, Jointreport prepared by the Social Protection Committee (SPC) and the European Commission (DG EMPL).

[10] Soit le niveau des droits à pension la première année après la retraite, mesuré en pourcentage du salaire individuel de l’année précédente.

[11] 1.807 femmes et 1.445 hommes.

[12] 1.250 femmes et 889 hommes.

[13] Eurostat, 2023.

[14] Ménages dont les coûts totaux de logement (après déduction des allocations de logement) représentent plus de 40 % du revenu disponible (après déduction des allocations de logement).

[15] Le STATEC mène depuis 2016 des travaux sur le budget de référence nécessaire, à partir de l’établissement d’un panier de biens et de services, pour atteindre un niveau de vie « modeste, mais adéquat » selon différents types de ménage. Une des études publiées s’intitule Quels besoins minimums pour les seniors au Luxembourg ? Il est à noter que le budget de référence est établi pour un ménage qui doit supporter le coût d’un loyer.

[16] Il s’agit d’une allocation, comprise dans le montant de la pension, qui est fonction, en Finlande, du revenu du ménage, du loyer ou des coûts d’entretien et charges pour les propriétaires, du lieu de résidence, avec des limites de surface.

De l’évolution du chômage au Luxembourg

© photo : Julien Mpia Massa

Plus que dans n’importe quel autre pays, le marché du travail dessine le destin du Luxembourg et l’équilibre de ses finances publiques ; la grande sensibilité du régime général des pensions aux projections du nombre d’emplois illustre parfaitement cette réalité. Conscients de cela, les pouvoirs publics ont fait de la promotion de la participation au marché du travail un objectif à valeur constitutionnelle (« L’État garantit le droit au travail et veille à assurer l’exercice de ce droit » – art. 38) et consacré tout un chapitre du code du travail à des « mesures destinées à maintenir le plein emploi ».

Pourtant, alors que le code du travail retient deux seuils – définis en 1977 – de gravité du chômage (1.500 et 2.500 demandeurs d’emploi, qu’ils soient sans emploi ou sous préavis de licenciement) pour évoquer le plein emploi[1], le nombre de chômeurs était quasiment au même niveau – relativement élevé – en mai 2024 (17.470) qu’en mai 2014 (17.725).

Fait qui mérite d’être relevé, il y a eu durant la décennie écoulée une évolution différenciée entre les demandeurs d’emploi ayant une nationalité de l’UE-27 (-13%) et ceux de pays tiers (+80%).


Source : ADEM

Il s’agit là d’une manifestation de la diversité croissante de la démographie grand-ducale où la part de résidents étrangers en provenance d’un autre pays de l’UE est passée de 87% en 2011 à 81% en 2021[2].

La politique du plein-emploi ne devrait pas demeurer indifférente à cette évolution différenciée du chômage. Au-delà des réponses à trouver aux traditionnelles questions d’inadéquation sur le marché du travail (i.e. écart entre les qualifications des demandeurs d’emploi et les besoins de l’économie), de validation des acquis de l’expérience et de reconnaissance des diplômes obtenus dans des pays tiers, il sera(it) peut-être utile de développer et de suivre des indicateurs[3] (e.g. halo du chômage, taux d’inactivité au sein de la population d’âges actifs, etc.) complémentaires au taux de chômage[4] afin de pouvoir apprécier le plus finement possible la réalité de la participation des résidents d’âges actifs au marché du travail et de conduire la politique de l’emploi de façon optimale.

 


[1] Voir à ce sujet : Michel-Edouard Ruben (2015), OMT : Vers un objectif pour le marché du travail.

[2] Voir à ce sujet : Charlie Klein, François Peltier (2023), Une population de plus en plus cosmopolite.

[3] Voir à ce sujet : Michel – Edouard Ruben (2015), Au-delà du chômage : sous-emploi et « halo » du chômage.

[4] Voir à ce sujet : Armande Frising, Liliane Reichmann (2009), Regards sur le chômage : Qui s’inscrit à l’Administration de l’emploi?

Décryptage N°31 : Job rotation scheme : une best practice à la danoise

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Le Grand-Duché de Luxembourg, véritable carrefour économique européen, se trouve face à des défis complexes liés à son marché du travail. Ses besoins en compétences évoluent, en raison de la digitalisation, du vieillissement démographique, de la transition environnementale mais aussi des aléas conjoncturels. La mise en place d’un schéma de rotation des emplois, à la danoise, pourrait compléter les dispositifs existants pour répondre à ces problématiques. Cette best practice, brièvement évoquée dans les recommandations de l’OCDE (2023) , pourrait en effet aider les entreprises à renforcer les compétences de leurs salariés, et avoir un impact sur les besoins et la manière dont les entreprises recrutent et maintiennent les talents tout comme elle pourrait offrir une porte de sortie aux chômeurs de longue durée.

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Job rotation scheme : une best practice à la danoise

Hausse du nombre de chômeurs diplômés : comment l’expliquer ?

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Une hausse de 22% du nombre de chômeurs diplômés du supérieur[1] est l’un des éléments marquants de la Rétrospective économique 2018-2022[2], d’autant que cette évolution s’opère dans un contexte général assez favorable. Après un épisode de pandémie de coronavirus, suivi de tensions géopolitiques croissantes, le marché du travail a très bien résisté aux crises et cela s’observe à travers la création de plus de 70 000 emplois (en valeur absolue), ainsi que la baisse du nombre de demandeurs d’emplois inscrits à l’ADEM en 4 ans. Au Grand-Duché, le taux d’emploi des personnes diplômées du supérieur et âgées de 15 à 64 ans, a d’ailleurs augmenté entre 2018 et 2022, passant de 83,7 % à 84,1 % en 2021[3].

Ce paradoxe apparent requiert une analyse plus fine des facteurs pouvant expliquer la hausse constatée du nombre de chômeurs diplômés du supérieur de 654 personnes (+22%). Il convient de proposer une description de leur profil et de prendre cette hausse avec des pincettes.

En premier lieu, le nombre de demandeurs d’emplois diplômés du supérieur a explosé à partir de 2020, au plus fort de la crise COVID. Leur part dans le nombre total de sans-emplois résidents, disponibles inscrits à l’ADEM est passée de 18% en 2018 à 24% en 2020, puis à 25% en 2022, même si pour tous on remarque une baisse des effectifs moyens en 2022. Dans le courant de l’année 2020, la part de 24% concerne surtout les 30 à 44 ans ; par genre, le nombre de femmes a augmenté de 29,3%, contre 13,7% pour les hommes, sur la période observée (2018-2022).

Deuxième élément à considérer : la durée d’inscription à l’ADEM. Selon leurs données, les diplômés du supérieur de toutes les catégories d’âge ont vu leur durée d’inscription augmenter entre 2018 et 2022 ; ce sont surtout les personnes de 30 à 44 ans sans-emploi depuis un an ou plus qui ont connu une hausse marquée. En particulier, il s’avère que les femmes sont surtout plus exposées au chômage de longue durée que les hommes. Par ailleurs, en 2022, une autre catégorie d’âge se démarque pour le chômage de longue durée : les seniors diplômés du supérieur et âgés de 45 ans et plus, avec en moyenne 269 femmes et 282 hommes, soit 551 personnes au total.

Enfin et en troisième lieu, quelques facteurs peuvent d’ores et déjà être identifiés :

–  La population des diplômés du supérieur a augmenté : à première vue, la hausse du nombre de chômeurs diplômés du supérieur peut effrayer, mais il faut mettre cette hausse en parallèle avec celle de la population concernée. En ayant recours à un calcul d’un taux de chômage hypothétique des diplômés du supérieur, en comparant 2018 à 2022, ce taux a baissé. Selon les chiffres d’Eurostat, le nombre de personnes en emploi et diplômées du supérieur a en effet significativement augmenté au Luxembourg, passant de 127 000 personnes en 2018 à 169 000 en 2022. La population active (chômeurs inclus) des diplômés du supérieur a dès lors augmenté de 32,8% entre les 2 années.

–  Un problème d’appariement entre l’offre et la demande sur le marché du travail pourrait aussi expliquer en partie la hausse : d’abord, les types de diplômes recherchés dans les offres d’emploi ne correspondent pas ou très peu aux diplômes dont disposent ces chômeurs ; surtout en 2020, où selon le rapport annuel de l’ADEM, la hausse du nombre de chômeurs diplômés du supérieur aurait été dû à un manque d’opportunités sur le marché du travail, plutôt qu’à des licenciements. Au total il y avait en moyenne à l’ADEM pour les diplômés du supérieur 2,7 fois plus de demandeurs que d’offres d’emploi. Les plus fortes différences se démarquaient pour le commerce (8,3 fois plus de demandeurs), le transport et logistique (7,1 fois plus), et l’HORECA (6,3 fois plus de demandeurs). Ensuite, une autre explication possible serait l’obsolescence des compétences en raison des avancées technologiques et des nouvelles aptitudes demandées par le marché du travail, surtout depuis la mise en place accrue du télétravail en 2020. Surtout, les seniors sont plus souvent confrontés à des difficultés d’adaptation, dans un nouveau monde du travail en pleines mutations digitales.

–  Enfin, les développements de stratégies personnelles de réorientation peuvent également avoir un effet, étant donné la hausse de durée d’inscription à l’ADEM des demandeurs d’emploi diplômés du supérieur entre 30 et 44 ans. Il s’agit souvent de personnes se trouvant au milieu de leur carrière, s’interrogeant sur leur avenir professionnel, qui pourraient avoir recours à une reconversion professionnelle à travers des formations autres que via les mesures de l’ADEM.

Avec l’avancement de la digitalisation et pour pallier le risque d’augmentation du chômage de longue durée, des formations bien ciblées, privées ou publiques, seraient plus que nécessaires pour concilier les connaissances et compétences technologiques demandées, surtout pour les seniors.


[1] Les demandeurs d’emploi diplômés du supérieur, disponibles et résidents ici concernent tous les individus ayant terminé des études supérieures, et qui « à la date du relevé statistique ne sont ni en emploi, ni affectés à une mesure pour l’emploi, ni en congé de maladie ou de maternité », tout en habitant au Luxembourg, selon la définition de l’ADEM.

[2] Voir : Fondation IDEA asbl, Rétrospective Economique 2018-2022, mars 2023.

[3] Données STATEC.

Décryptage N°17: Les inégalités, séquelles (à traiter) de la Covid-19

Le 21 décembre dernier, la Commission européenne a donné son premier feu vert pour la mise sur le marché d’un vaccin contre le coronavirus. Au Luxembourg, la campagne de vaccination a débuté le 28 décembre, ce qui offre une lueur d’espoir dans la lutte contre cette pandémie apparue il y a un an. Cependant, plusieurs économistes alertent sur un risque émergent, à l’instar de Thomas Piketty qui avance que « la planète est traversée par de multiples fractures inégalitaires, que la pandémie va encore aggraver ».

Dans ce contexte, il est important de s’intéresser aux conséquences socio-économiques de cette crise majeure sans précédent. De premières pistes de réflexion peuvent en effet être avancées quant aux multiples aspects des inégalités inter et intra-nationales causées et/ou accentuées par la maladie. Dans son ensemble, le Luxembourg semble plus tenace face à la crise que ses voisins européens, grâce à son économie reposant fortement sur les activités financières mais aussi à ses finances publiques plus saines qui lui permettent d’être plus résilient. En revanche, les personnes issues de milieux sociaux défavorisés y sont plus susceptibles que d’autres d’être atteintes par le coronavirus, les jeunes sont beaucoup plus touchés par le chômage depuis le premier confinement de mars et la crise ne touche pas tous les secteurs de manière uniforme.

Bien qu’il s’agisse d’un état des lieux non-exhaustif, appelant à être complété au gré des publications de nouveaux indicateurs, il apparaît que les gouvernements devront continuer à mener des politiques d’assistance et d’assurance sur un horizon temporel assez long, afin de pallier l’accentuation des inégalités socio-économiques.

C’est graphe docteur ? L’évolution de l’emploi depuis le début du mandat de Donald Trump: du podium aux abysses

Dans notre Avis annuel 2020, publié avant la déflagration sanitaro-économique née de la pandémie mondiale de Covid-19, nous vous proposions le graphique suivant :

Graphique : créations moyennes mensuelles d’emplois « par Président » de 1945 à janvier 2020, en milliers  

Source : FRED St Louis

En février 2020, force était de constater que depuis le début du mandat de Donald Trump, la « job machine » américaine avait tourné à plein régime avec plus de 6,8 millions d’emplois créés. Sans atteindre les records de certains de ses prédécesseurs, Donald Trump s’imposait tout de même comme le président républicain « le plus riche en emplois », derrière Ronald Reagan durant son second mandat. Ce dynamisme apparaissait alors comme l’un des piliers de l’ « America’s extraordinary economy », tant mise en avant par son Président.

Mais la crise de la Covid-19 a éclaté, sans épargner les Etats-Unis, et réduit – pour l’heure – à néant les efforts de communication des autorités sur le bilan de l’emploi. Ainsi, la création moyenne d’emplois par mois du Président Trump est passée de +183.000 à -193.000, du jamais vu dans l’histoire américaine post-seconde Guerre Mondiale. Ce lourd tribut résulte de la destruction de plus de 20 000 000 d’emplois en avril.

Graphique : créations moyennes mensuelles d’emplois « par Président » de 1945 à mai 2020, en milliers  

Source : FRED St Louis

On constate, depuis lors, un rebond massif avec la création inédite de respectivement 2,7 millions et 4,8 millions d’emplois en mai et juin 2020, qui a permis au Président d’invoquer « le plus grand come-back de l’histoire américaine ». Ce dynamisme a notamment concerné les secteurs des loisirs et de l’horeca (2/5 des créations), du commerce de détail, des services d’éducation et de santé, de l’industrie manufacturière ou de la construction. Mais ces créations n’ont pas (encore) suffi à combler des destructions qui pourraient s’avérer définitives (faillites, baisse de productivité sous le coup des mesures de prévention etc.). Ainsi, en juin, le nombre d’emplois total était inférieur de près de 15 millions à son niveau de février. Le mandat de Donald Trump n’est pas terminé et la flexibilité du marché du travail américain pourrait jouer « en sa faveur ». Cela suppose toutefois une évolution favorable de l’épidémie à (très) court terme, ce qui semble loin d’être acquis[1].

 


[1] https://coronavirus.jhu.edu/us-map