Les adolescents, trop peu considérés dans la lutte contre la pauvreté ?

© photo : Julien Mpia Massa

Ce mardi 17 octobre a été à nouveau consacré à la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté. Comme de tradition, le STATEC a publié en cette occasion l’édition 2023 de son « Rapport travail et cohésion sociale »[1]. Celui-ci était fortement attendu en raison des conséquences potentielles de la crise qui sévit sur les exclusions sociales, et de la place importante accordée à la lutte contre la pauvreté parmi les réflexions en cours sur les lignes d’actions du prochain gouvernement, et donc du futur accord de coalition. S’agissant du premier point, les statistiques, portant sur les années 2021 et 2022, sont pour le moment plutôt rassurantes, avec une diminution du taux de risque de pauvreté[2], une baisse du pourcentage de ménages ayant des difficultés à joindre les deux bouts, du fait notamment de l’épargne accumulée durant le Covid, et une précarité énergétique seulement estimée à 1,9% en 2023 grâce aux mesures tripartites de contrôle des prix de l’énergie. Concernant les politiques de lutte contre la pauvreté qui seront mises en œuvre par le prochain gouvernement, les chiffres du STATEC de ces dernières années montrent toute l’importance que devront prendre les mesures ciblées sur les adolescents vivant dans des ménages modestes.

Les familles monoparentales et nombreuses, premières concernées par le risque de pauvreté

Les familles monoparentales et celles constituées d’un couple ayant trois enfants et plus ont un risque de pauvreté, égal respectivement à 31,9% et 35,5%, bien supérieur à la moyenne nationale de 17,4% pour 2022. En effet, ces ménages ont un revenu global qui n’est pas suffisamment supérieur à celui des autres ménages, malgré des aides financières telles que les allocations familiales, pour compenser le coût estimé des dépenses supplémentaires engendrées par la présence d’un ou plusieurs enfants. Ces catégories de ménages considèrent aussi plus fréquemment « avoir des difficultés à joindre les deux bouts », notamment de grandes difficultés pour les familles nombreuses. Ce sont peut-être les chiffres portant sur les travailleurs pauvres qui illustrent les plus grandes difficultés de ces catégories de ménage. Alors que le taux de risque de pauvreté des travailleurs est de 12,9%, il atteint 19,6% pour les ménages constitués d’un couple et deux enfants, 29,5% pour les ménages de deux adultes et de trois enfants et plus, et 26,8 % pour les ménages monoparentaux. Cette situation est largement abordée dans le débat public et de nouvelles mesures de soutien aux familles modestes ont été instaurées ces dernières années. Toutefois, l’hétérogénéité des problématiques, notamment financières, rencontrées par les familles en fonction de l’âge de leur enfant est, dans l’ensemble, sous-considérée.

Le coût d’un enfant augmente avec l’âge

Traiter indifféremment des enfants de 0 à 17 ans dans les statistiques sur la pauvreté masque l’évolution de leur manière de vivre et des coûts inhérents. Un travail passionnant du STATEC publié dans le rapport « Travail et cohésion sociale » de l’an passé[3], estimait le budget direct mensuel des enfants nécessaire pour vivre une vie décente[4] à 411 euros pour un enfant de 11 mois, 407 euros pour un garçon de 8 ans, 487 euros pour une fille de 12 ans, 539 euros pour un garçon de 15 ans et 744 euros pour une fille de 17 ans. De fait, les dépenses nécessaires augmentent conséquemment avec l’âge des enfants, à l’exception de la toute-petite-enfance qui requiert l’achat régulier de produits spécifiques tels que les couches ou aliments pour bébé. Les différences notables de coût mensuel des enfants portent sur la vie sociale, plus active durant l’adolescence, le multimédia avec l’achat du smartphone et l’abonnement à un forfait mobile, une progression des frais d’alimentation et le financement du permis de conduire à 17 ans[5].

Si le montant des allocations familiales progresse avec l’âge, de 22,67 euros pour les enfants de plus de 6 ans et de 56,57 euros pour ceux de plus de 12 ans, ces majorations ne couvrent que partiellement l’augmentation du coût du passage de l’enfance à l’adolescence. Ainsi, en 2022, le STATEC estimait que les allocations directes aux familles[6] correspondaient à 100 % des besoins d’un enfant de 6 mois et seulement 46% de ceux d’une fille de 17 ans. Le coût plus élevé des adolescents pourrait être compensé par la progression des revenus des parents au cours du temps, favorisée au Luxembourg par le mécanisme d’indexation. Les statistiques d’Eurostat montrent que cet ajustement n’est, au mieux, que partiel. En effet, le taux de risque de pauvreté, qui intègre dans la pondération du niveau de vie des ménages le plus grand coût des enfants après 14 ans[7], est notablement plus élevé pour les enfants de 15 à 19 ans (29,9%) que ceux de 6 à 11 ans (23,6%) et de moins de 6 ans (21,0%). Si l’on peut retrouver des différences similaires dans certains autres pays de l’Union européenne, ce n’est par exemple pas le cas en France, au Danemark ou en Finlande. Il serait intéressant d’étudier ce qui limite, dans ces pays, l’impact de la présence d’adolescents dans le ménage sur le risque de pauvreté. Par ailleurs, la privation matérielle spécifique aux enfants[8] suit la même tendance que le risque de pauvreté. En 2021, cette privation concerne au Luxembourg 6,7% des enfants de 1 à 6 ans, 8,2% de ceux de 6 à 11 ans et 9,5% des adolescents de 12 à 15 ans.

Permis de conduire, outils numériques et culture ou comment aider concrètement les adolescents modestes

Le Luxembourg a su mettre en place de nombreux dispositifs pour aider les parents à répondre aux besoins de leurs enfants : chèque service-accueil, gratuité des maisons relais et de la cantine scolaire, allocations de naissance ou de rentrée scolaire… La focalisation de certaines de ces mesures sur la petite enfance a pour avantage de favoriser l’inclusion des parents sur le marché du travail. Il demeure que le passage à l’adolescence occasionne l’ajout de nouveaux coûts pour les familles, qui peuvent peser dans le budget des ménages les plus modestes. Limiter ces coûts pour ces familles est un point crucial pour améliorer leur niveau de vie. Des progrès ont été accomplis en ce sens récemment, avec la gratuité des manuels obligatoires aux élèves de l’enseignement secondaire et aux jeunes en formation professionnelle depuis la rentrée scolaire 2018 ou le remboursement des moyens de contraception à 100% et sans limite d’âge depuis le 1er avril 2023[9]. D’autres postes de dépenses des familles modestes pourraient être ciblés par le prochain gouvernement.

Malgré la gratuité des transports publics, le permis de conduire est quasi-indispensable à l’inclusion des jeunes adultes sur le marché du travail et dans la vie sociale au Luxembourg. Il peut concerner les jeunes dès 17 ans, avec la conduite accompagnée, et avait un coût minimum de 1.200 euros estimé par le STATEC en 2022. Des aides au financement du permis de conduite, sous forme de prêt à taux zéro ou de prime, ont notamment été introduites en France, et pourrait, au Luxembourg, viser les adolescents et jeunes adultes vivant dans des familles au revenu modeste.

Par ailleurs, les outils numériques et les compétences digitales sont au cœur de la plupart des métiers d’aujourd’hui et encore plus de demain. Leur accès est ainsi essentiel à la réussite éducative et professionnelle de tous. Une grande partie du besoin en la matière est couvert par le programme « one2one » qui fournit à tous les lycéens un Ipad accompagné des logiciels indispensables à leur formation. Dans un souci d’égalité des chances, un programme pourrait être mis en place pour le soutien financier à l’acquisition d’appareils numériques ou software par des adolescents qui souhaitent, sur leur temps libre, développer des compétences en codage, montage vidéo ou la composition musicale par exemple. La réussite professionnelle sur ces métiers part souvent d’une passion développée à l’adolescence.

Enfin, les sorties, au cinéma ou pour assister à un concert, font partie des activités qui se développent avec le passage à l’adolescence. Le Kulturpass permet, de manière indifférenciée selon l’âge, à des personnes aux revenus modestes de participer à des événements culturels au prix très réduit de 1,5 euros. Il constitue un progrès certain pour l’accès à la culture pour ces personnes. Toutefois, il ne concerne pas toujours les concerts ou séances de cinéma les plus prisés par les adolescents. Il pourrait ainsi se voir adjoindre un « Pass » destiné aux jeunes qui rembourserait des sorties culturelles annuelles non couvertes actuellement par le Kulturpass pour un montant de 100 euros. Il s’agit d’un aspect important de l’inclusion sociale des adolescents de pouvoir aller au cinéma en compagnie de leurs amis.


[1] STATEC, Rapport travail et cohésion sociale 2023 – Digitalisation, inégalités et risque de pauvreté.

[2] Le taux de risque de pauvreté correspond au pourcentage de personnes disposant d’un revenu dit équivalent (considérant la composition du ménage) inférieur à 60% du revenu équivalent médian.

[3] STATEC, Rapport travail et cohésion sociale 2022 – D’une crise à l’autre la cohésion sociale sous pression.

[4] Ces chiffres n’incluent pas les coûts indirects auxquels les familles avec enfants sont confrontées, tels que le besoin d’un logement plus spacieux, une consommation électrique plus importante ou la nécessité d’une voiture plus grande. Voir le Cahier économique N° 122- Un budget de référence pour le Luxembourg du STATEC pour plus de détails.

[5] L’autre différence majeure entre le garçon de 15 ans et la fille de 17 ans est le coût de la cantine, sachant que le garçon de 15 ans bénéficiait de la cantine gratuite en 2022 et non la fille de 17 ans car l’obligation scolaire est de 16 ans. Le passage de l’obligation scolaire de 16 à 18 ans devrait avoir lieu en 2026.

[6] Allocations familiales, de rentrée scolaire et de naissance.

[7] La mesure du risque de pauvreté dépend du revenu disponible équivalent, qui est calculé comme le revenu disponible total du ménage divisé par sa taille équivalente. Eurostat attribue une pondération supérieure aux membres du ménage de 14 ans et plus, dans les faits un coefficient 1 au premier adulte, de 0,5 à chaque membre âgé de 14 ans et plus et de 0,3 aux enfants de moins de 14 ans. Ainsi, le revenu total d’une famille de deux adultes et deux enfants de moins de 14 ans sera divisé par 1,6 pour obtenir le revenu disponible équivalent, celui d’un ménage de deux adultes et deux adolescents de plus de 14 ans par deux.

[8] Un enfant est dit en privation matérielle lorsqu’il vit dans un ménage subissant aux moins trois privations parmi une liste de quinze. Pouvoir partir au moins une semaine par an en vacances, acheter des vêtements neufs, disposer d’un endroit adapté pour faire ses devoirs, avoir accès à des jeux d’extérieur, sont quelques-unes des privations prises en compte. L’indicateur porte sur les enfants de moins de 16 ans.

[9] Contre 80% de remboursement auparavant pour les moins de 30 ans.

Hausse du nombre de chômeurs diplômés : comment l’expliquer ?

© photo : Julien Mpia Massa

Une hausse de 22% du nombre de chômeurs diplômés du supérieur[1] est l’un des éléments marquants de la Rétrospective économique 2018-2022[2], d’autant que cette évolution s’opère dans un contexte général assez favorable. Après un épisode de pandémie de coronavirus, suivi de tensions géopolitiques croissantes, le marché du travail a très bien résisté aux crises et cela s’observe à travers la création de plus de 70 000 emplois (en valeur absolue), ainsi que la baisse du nombre de demandeurs d’emplois inscrits à l’ADEM en 4 ans. Au Grand-Duché, le taux d’emploi des personnes diplômées du supérieur et âgées de 15 à 64 ans, a d’ailleurs augmenté entre 2018 et 2022, passant de 83,7 % à 84,1 % en 2021[3].

Ce paradoxe apparent requiert une analyse plus fine des facteurs pouvant expliquer la hausse constatée du nombre de chômeurs diplômés du supérieur de 654 personnes (+22%). Il convient de proposer une description de leur profil et de prendre cette hausse avec des pincettes.

En premier lieu, le nombre de demandeurs d’emplois diplômés du supérieur a explosé à partir de 2020, au plus fort de la crise COVID. Leur part dans le nombre total de sans-emplois résidents, disponibles inscrits à l’ADEM est passée de 18% en 2018 à 24% en 2020, puis à 25% en 2022, même si pour tous on remarque une baisse des effectifs moyens en 2022. Dans le courant de l’année 2020, la part de 24% concerne surtout les 30 à 44 ans ; par genre, le nombre de femmes a augmenté de 29,3%, contre 13,7% pour les hommes, sur la période observée (2018-2022).

Deuxième élément à considérer : la durée d’inscription à l’ADEM. Selon leurs données, les diplômés du supérieur de toutes les catégories d’âge ont vu leur durée d’inscription augmenter entre 2018 et 2022 ; ce sont surtout les personnes de 30 à 44 ans sans-emploi depuis un an ou plus qui ont connu une hausse marquée. En particulier, il s’avère que les femmes sont surtout plus exposées au chômage de longue durée que les hommes. Par ailleurs, en 2022, une autre catégorie d’âge se démarque pour le chômage de longue durée : les seniors diplômés du supérieur et âgés de 45 ans et plus, avec en moyenne 269 femmes et 282 hommes, soit 551 personnes au total.

Enfin et en troisième lieu, quelques facteurs peuvent d’ores et déjà être identifiés :

–  La population des diplômés du supérieur a augmenté : à première vue, la hausse du nombre de chômeurs diplômés du supérieur peut effrayer, mais il faut mettre cette hausse en parallèle avec celle de la population concernée. En ayant recours à un calcul d’un taux de chômage hypothétique des diplômés du supérieur, en comparant 2018 à 2022, ce taux a baissé. Selon les chiffres d’Eurostat, le nombre de personnes en emploi et diplômées du supérieur a en effet significativement augmenté au Luxembourg, passant de 127 000 personnes en 2018 à 169 000 en 2022. La population active (chômeurs inclus) des diplômés du supérieur a dès lors augmenté de 32,8% entre les 2 années.

–  Un problème d’appariement entre l’offre et la demande sur le marché du travail pourrait aussi expliquer en partie la hausse : d’abord, les types de diplômes recherchés dans les offres d’emploi ne correspondent pas ou très peu aux diplômes dont disposent ces chômeurs ; surtout en 2020, où selon le rapport annuel de l’ADEM, la hausse du nombre de chômeurs diplômés du supérieur aurait été dû à un manque d’opportunités sur le marché du travail, plutôt qu’à des licenciements. Au total il y avait en moyenne à l’ADEM pour les diplômés du supérieur 2,7 fois plus de demandeurs que d’offres d’emploi. Les plus fortes différences se démarquaient pour le commerce (8,3 fois plus de demandeurs), le transport et logistique (7,1 fois plus), et l’HORECA (6,3 fois plus de demandeurs). Ensuite, une autre explication possible serait l’obsolescence des compétences en raison des avancées technologiques et des nouvelles aptitudes demandées par le marché du travail, surtout depuis la mise en place accrue du télétravail en 2020. Surtout, les seniors sont plus souvent confrontés à des difficultés d’adaptation, dans un nouveau monde du travail en pleines mutations digitales.

–  Enfin, les développements de stratégies personnelles de réorientation peuvent également avoir un effet, étant donné la hausse de durée d’inscription à l’ADEM des demandeurs d’emploi diplômés du supérieur entre 30 et 44 ans. Il s’agit souvent de personnes se trouvant au milieu de leur carrière, s’interrogeant sur leur avenir professionnel, qui pourraient avoir recours à une reconversion professionnelle à travers des formations autres que via les mesures de l’ADEM.

Avec l’avancement de la digitalisation et pour pallier le risque d’augmentation du chômage de longue durée, des formations bien ciblées, privées ou publiques, seraient plus que nécessaires pour concilier les connaissances et compétences technologiques demandées, surtout pour les seniors.


[1] Les demandeurs d’emploi diplômés du supérieur, disponibles et résidents ici concernent tous les individus ayant terminé des études supérieures, et qui « à la date du relevé statistique ne sont ni en emploi, ni affectés à une mesure pour l’emploi, ni en congé de maladie ou de maternité », tout en habitant au Luxembourg, selon la définition de l’ADEM.

[2] Voir : Fondation IDEA asbl, Rétrospective Economique 2018-2022, mars 2023.

[3] Données STATEC.

« Août of the box » : La projection démographique, un exercice difficile

Ce blog est issu de la série « Août of the box », réalisé en partenariat avec Paperjam

Les projections de population ne constituent certes pas le principal sujet de conversation au jour le jour de nos concitoyens. Elles n’en sont pas moins incontournables, pour des pouvoirs publics désireux de mieux appréhender l’évolution future des dépenses de santé et de pension ou les besoins en termes d’assurance dépendance ou de maisons de repos, pour des entreprises voulant cerner les débouchés futurs de leurs produits respectifs, ou encore pour un individu s’interrogeant sur l’opportunité d’acquérir un bien immobilier. Sans compter les enjeux du point de vue de l’aménagement du territoire au sens large, en ce qui concerne notamment les infrastructures d’éducation, de transport, de logement ou les aires d’activité, le tout sous contrainte d’émissions CO2 (également tributaires de la population) maîtrisées.

Se pose dès lors la question cruciale de la fiabilité des projections démographiques. Qu’en est-il au Luxembourg depuis 1950 ? Le graphique suivant, confrontant (sur la base de données du STATEC) l’évolution effective de la population (en bleu) et les différentes vagues de projections démographiques, délivre déjà un message d’une clarté aveuglante, qui surprend dans une discipline où prévalent le plus souvent les messages complexes, contrastés et tout en nuances.

Graphique : Projections démographiques luxembourgeoises : les « erreurs » de prévision à 15 années de la population totale

Source : STATEC et calculs IDEA.

Comme le montre le graphique, les projections considérées ont toutes donné lieu à une nette sous-estimation de la population – à l’exception peut-être de la projection de 1974. Ainsi, le taux total de sous-estimation sur 15 années a atteint plus de 10% dans 6 vagues de prévision sur 8, y compris les cinq plus récentes. A titre d’exemple, le scénario central de 2005 laissait augurer une population de l’ordre de 510 000 personnes en 2019, année au cours de laquelle le Luxembourg a excédé la barre des 600 000 résidents. Ce scénario n’envisageait une population supérieure au niveau actuel qu’en 2045, ce qui constitue un décalage d’un quart de siècle.

Les projections de 1975, renfermées dans le rapport dit « Calot », sont encore plus emblématiques de la sous-estimation (quasi) systématique de la population future dans les projections démographiques. Selon ce rapport, certes publié en 1978 soit en pleine crise sidérurgique, le Grand-Duché aurait dû compter 351 000 résidents en 2011, un chiffre en léger reflux par rapport à 1975. Or la population effective s’est élevée à 511 000 personnes en cette même année 2011, soit 160 000 personnes de plus qu’escompté 36 années plus tôt. Il s’agit de l’équivalent de la population cumulée (en 1975) des communes de Luxembourg, Esch-sur-Alzette, Differdange, Dudelange, Pétange et Sanem…

La principale source de sous-estimation de la population a été une bien trop grande « timidité » en matière d’immigration nette. Durant cette période, le Luxembourg s’est il est vrai caractérisé par une immigration résolument croissante. Il était objectivement difficile sinon impossible d’anticiper une telle évolution. Ainsi, l’immigration nette était de 1 091 personnes en 1970, de 3 942 en 1990, de 7 660 en 2010 et de 11 075 en 2019. Soit une multiplication par dix de 1970 à 2019. S’il est aisé de gloser sur de telles évolutions ex post, il est à l’évidence difficile de les appréhender ex ante.

La sous-estimation (quasi) systématique de la population luxembourgeoise depuis 1950 s’explique également par la hausse prononcée de l’espérance de vie, qui a été systématiquement minimisée. Ce fut particulièrement le cas en 1950, 1975, 1980 et 1995.

Même si toute projection porte la marque du contexte qui préside à sa gestation, il importera à l’avenir de pallier ces biais, pouvant s’avérer particulièrement problématiques lorsqu’il s’agit d’anticiper et par conséquent de satisfaire les besoins d’infrastructures de transport, de logement, de garderies ou d’enseignement – pour ne citer que quelques exemples.