Pour la création d’un Fonds de Codéveloppement transfrontalier

Le Luxembourg est sorti plus rapidement de la récession pandémique que la plupart des pays de la zone euro et les mesures de stabilisation tout comme les dispositifs d’aide à la reprise semblent avoir pleinement joué leur rôle, limitant les pertes de revenus des entreprises et des ménages. Cette phase de reprise est néanmoins marquée par une accumulation d’incertitudes et de défis pour l’avenir. En complément des principales mesures annoncées dans le cadre de la présentation de la loi budgétaire pour 2022 visant à renforcer les investissements publics, accompagner la transition énergétique, rendre le logement plus abordable et soutenir la formation ainsi que la transition digitale, plusieurs mesures complémentaires pourraient être prises dans le but d’améliorer la protection des ménages les plus vulnérables, de soutenir les entreprises, de limiter la pression sur le marché de l’immobilier et de ne pas injurier l’avenir du pays. Ces propositions font l’objet de 9 amendements.

Le neuvième amendement proposé dans le Document de Travail N°17 vise la création d’un Fonds de Codéveloppement transfrontalier .

Pour la création d’un Fonds de Codéveloppement transfrontalier

Le modèle de développement économique et social luxembourgeois repose en partie sur une interdépendance croissante avec ses territoires transfrontaliers[1]. La « métropole transfrontalière » qui émerge de cette dynamique ne dispose pas pour autant d’organes de coopération à cette échelle, alors qu’il s’agit d’un territoire hautement stratégique pour le Luxembourg.

Le « territoire économique et social » du pays dépasse en effet ses frontières nationales, mais il est plus restreint que celui de la Grande Région, ce qui a pour conséquence qu’il n’existe pas d’outils de gouvernance adaptés à cet espace.

Si certains phénomènes continuaient de s’amplifier au rythme actuel (distorsions sur le marché du logement, pénuries de personnel, congestion des infrastructures, etc.) cela pourrait représenter un réel risque pour l’économie luxembourgeoise. Ce constat plaide ainsi pour un renforcement de la coopération transfrontalière selon un objectif de codéveloppement. Cela impliquerait notamment d’aller bien au-delà de la logique de financements ponctuels de projets bilatéraux (principalement dans la mobilité) mais aussi de celle de « compensation » (transferts financiers aux communes voisines sans visibilité sur leur objet et sans évaluation des investissements publics) afin d’entrer progressivement dans une logique développement plus équilibré, comme cela se pratique par exemple déjà dans le Grand Genève[2].

Cela nécessiterait de construire avec les partenaires transfrontaliers une stratégie d’aménagement du territoire avec des priorités partagées, mais également de mettre des moyens en commun pour y parvenir.

Afin d’appuyer cette démarche, la création d’un fonds de codéveloppement pourrait être actée. Ce fonds pourrait servir à lancer des appels à projets pour co-financer avec les collectivités et/ou les Etats voisins des infrastructures de mobilité, des projets de formation communs, des équipements sociaux, culturels, environnementaux… Ces projets pourraient être indifféremment développés du côté luxembourgeois ou étranger, l’important étant qu’ils aient une plus-value transfrontalière, c’est à dire qu’ils contribuent à renforcer la fluidité, la cohérence, l’attractivité et la durabilité du territoire transfrontalier pris dans son ensemble. Le bon fonctionnement du système territorial transfrontalier et une plus grande « adhésion » des responsables politico-économiques frontaliers à ce projet de territoire bénéficieraient au Luxembourg sur le long terme.

 


[1] Voir : Vincent Hein, Fondation IDEA asbl, Document de travail n°13 : Le codéveloppement dans l’aire métropolitaine transfrontalière du Luxembourg. Vers un modèle plus soutenable ? Novembre 2019.

[2] Voir : https://www.grand-geneve.org/agglomeration-transfrontaliere.

Décryptage N°17: Les inégalités, séquelles (à traiter) de la Covid-19

Le 21 décembre dernier, la Commission européenne a donné son premier feu vert pour la mise sur le marché d’un vaccin contre le coronavirus. Au Luxembourg, la campagne de vaccination a débuté le 28 décembre, ce qui offre une lueur d’espoir dans la lutte contre cette pandémie apparue il y a un an. Cependant, plusieurs économistes alertent sur un risque émergent, à l’instar de Thomas Piketty qui avance que « la planète est traversée par de multiples fractures inégalitaires, que la pandémie va encore aggraver ».

Dans ce contexte, il est important de s’intéresser aux conséquences socio-économiques de cette crise majeure sans précédent. De premières pistes de réflexion peuvent en effet être avancées quant aux multiples aspects des inégalités inter et intra-nationales causées et/ou accentuées par la maladie. Dans son ensemble, le Luxembourg semble plus tenace face à la crise que ses voisins européens, grâce à son économie reposant fortement sur les activités financières mais aussi à ses finances publiques plus saines qui lui permettent d’être plus résilient. En revanche, les personnes issues de milieux sociaux défavorisés y sont plus susceptibles que d’autres d’être atteintes par le coronavirus, les jeunes sont beaucoup plus touchés par le chômage depuis le premier confinement de mars et la crise ne touche pas tous les secteurs de manière uniforme.

Bien qu’il s’agisse d’un état des lieux non-exhaustif, appelant à être complété au gré des publications de nouveaux indicateurs, il apparaît que les gouvernements devront continuer à mener des politiques d’assistance et d’assurance sur un horizon temporel assez long, afin de pallier l’accentuation des inégalités socio-économiques.