Divers pays de la zone euro – notamment l’Italie et l’Espagne – ont été particulièrement touchés par la crise sanitaire, en termes de santé mais aussi d’activité économique et de finances publiques. L’ampleur même du choc COVID ainsi que la spécialisation sectorielle de ces pays, avec un poids important des branches les plus vulnérables à la crise comme le tourisme, expliquent ces difficultés dans des Etats membres qui présentaient un endettement public élevé avant même la crise.
Une telle situation menace la cohésion de la zone euro, même si les autorités européennes ne sont nullement restées inertes ces derniers mois. En témoigne notamment le plan « NextGenerationEU » de 750 milliards d’euros. Ce plan coordonné comporte un important volet « solidarité » (avec une dette commune), s’étayant sur quelque 390 milliards de subventions principalement destinées aux pays les plus affectés par la crise. Il a été décliné en plans nationaux pour la reprise et la résilience, qui devraient se déployer sur la période 2021-2026.
Selon l’expression consacrée, il constitue « un pas dans la bonne direction ». Il gagnerait cependant à être suivi d’initiatives similaires – sous la forme, le cas échéant, de compléments annuels évalués en fonction de la situation socio-économique et d’indicateurs de cohésion de la zone euro – et ce pour au moins deux raisons.
En premier lieu, les besoins réels en infrastructures sont selon nombre d’observateurs d’un ordre de grandeur excédant nettement les 750 milliards d’euros précités. Selon la Fondation Robert Schuman par exemple[1], ces besoins s’établiraient pour les réseaux de transport, d’énergie et de telecoms, la gestion des déchets, l’eau et la santé, à quelque 1 600 milliards d’euros. L’indispensable transition énergétique et climatique devrait déjà excéder à elle seule (et nettement…) les 750 milliards d’euros de « NextGenerationEU ».
En second lieu, le plan de relance semble réduit par rapport au défi que pose la dynamique d’endettement prévisible dans des pays tels que l’Espagne, l’Italie voire même la France. Comme l’indique une étude récente d’IDEA (voir l’Idée du Mois n°25, « Dette COVID : soutenable ? », juillet 2021), le ratio d’endettement de l’Italie et de l’Espagne devrait « à politique inchangée » augmenter à raison de 50% du PIB environ d’ici 2040. Or selon la Commission européenne, le volet « subventions » du plan européen de relance ne représenterait que respectivement 4,2 et 6,3% du PIB de l’Italie et l’Espagne. Si cet impact n’est pas négligeable dans l’absolu, il se limite à un dixième de la dérive « spontanée » projetée des ratios d’endettement.
Contrairement à ce que pourrait suggérer une interprétation trop « statique » de la situation, de tels mécanismes transeuropéens de solidarité relèvent aussi de l’intérêt bien compris des Etats les plus prospères, même si ces derniers ne semblent guère profiter de la solidarité européenne en termes purement comptables. Cette prospérité – en particulier le dynamisme de leur commerce extérieur – dépend de manière cruciale de la cohésion de la zone euro. Par ailleurs, comme le montre de manière éclairante une récente publication de la Commission européenne[2], des pays très ouverts comme le Luxembourg et l’Irlande devraient bénéficier bien d’avantage des « effets de débordement » favorables des plans pour la reprise et la résilience mis en œuvre par les autres Etats membres que de leurs propres plans nationaux. La situation ne serait pas fondamentalement différente dans un grand pays comme l’Allemagne. Les plans des autres Etats membres exerceraient en effet sur l’économie allemande un impact équivalent à celui du plan concocté Outre-Moselle…
On ne peut mieux illustrer l’existence d’une plus-value européenne et d’une communauté de destin entre nos pays, à rebours de l’image simpliste d’un jeu à somme nulle…
[1] “Pour une relance de l’investissement en Europe”, Policy Paper, 22 septembre 2014, https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/questions-d-europe/qe-325-fr.pdf.
[2] Philipp Pfeiffer, Janos Varga et Jan in ‘t Veld « Quantifying Spillovers of Next Generation EU Investment », European Economy, Discussion Paper 144, Juillet 2021, https://ec.europa.eu/info/publications/economic-and-financial-affairs-publications_en.
Félicitations, cher Muriel