C’est l’un des éléments marquants dans le projet de loi budgétaire pour 2021 : le Luxembourg rejoint la liste des pays qui mettent en place une taxe CO2. La tarification du carbone est un mouvement qui prend de l’ampleur en Europe et dans le monde. Il repose sur le principe du pollueur-payeur qui lui-même participe du constat que les émissions de gaz à effet de serre, on le sait maintenant assez bien, ont un coût caché qui doit être intégré dans les processus de décisions économiques.
Mais il ne faut pas interpréter cette logique du pollueur-payeur comme un mécanisme punitif ou moral et encore moins considérer que les taxes carbone sont un moyen de consoler des caisses publiques en manque d’affection, ce serait faire fausse route.
Il est important en effet de revenir sur la philosophie initiale de cet instrument dont le but est d’envoyer un « signal-prix » qui va progressivement inciter les agents économiques (entreprises et consommateurs) à se détourner des comportements « non souhaités » au profit d’attitudes plus « propres ».
Force est de constater que la hausse de la demande mondiale d’énergies fossiles, bien qu’elles soient présentes en quantité limitée sur la planète, n’a pas mis la pression folle qu’on aurait pu attendre sur les prix si bien que nous ne nous en sommes pas vraiment détournés. Sur le papier, renchérir le coût des technologies et des comportements carbonés est donc nécessaire pour garantir la rentabilité relative des technologies « propres ». Par exemple, disons que grâce à des investissements massifs, le coût d’une technologie neutre en carbone passe de 100 à 70 mais que le coût de la technologie carbonée qui rend le même service plafonne à 50, alors l’investissement dans la technologie « propre » est vain, non rentable. Relever (artificiellement) le prix de la technologie carbonée change la donne. L’autre avantage des taxes carbones est qu’elles génèrent des recettes qui permettent d’accompagner la transition si elles sont intelligemment utilisées. Il y a donc bien un côté « carotte », même transitoire, dans les taxes carbone.
Vu la croissance démographique du Luxembourg, son objectif climatique implique une baisse des émissions par habitant de plus de 70% entre 2005 et 2030 (hors marché du carbone), un effort inédit en Europe. Il pourrait dès lors être nécessaire de prévoir une poursuite de la trajectoire à la hausse d’ici 2030, car en lisant la première évaluation du STATEC, on comprend que le niveau actuel de la taxe CO2 ne sera à lui seul pas suffisant pour rentrer dans la trajectoire prévue entre 2021 et 2023.
Mais cela ne pourra pas se faire sans une stratégie d’ensemble qui devra viser une utilisation ciblée, plus transparente et mieux prévisible des bénéfices de la taxe pour maximiser son efficacité, largement conditionnée par l’acceptabilité et la capacité d’adaptation des acteurs concernés (ménages et entreprises). La réflexion sur la trajectoire carbone pour 2030 devra également intégrer les spécificités luxembourgeoises en matière d’émissions de gaz à effet de serre et dire clairement qui est « visé » en priorité. Il sera aussi incontournable d’évaluer les manques à gagner fiscaux que la transition vers une économie bas carbone pourrait générer (accises sur les carburants en particulier).
Le coup est parti, mais la taxe carbone « à la luxembourgeoise » reste à inventer.