Comme économistes, nous sommes fréquemment confrontés à l’inévitable question : qu’attendez-vous comme croissance économique en 2020 et en 2021 ? Nous orientons alors avec diligence notre interlocuteur vers les prévisions d’autres institutions. Alternativement, nous procédons à des estimations forcément partielles – nous demandant par exemple quel est l’impact économique du confinement, ce qui est déjà beaucoup plus ciblé (ce fut l’optique privilégiée dans l’une de nos publications en mai dernier).

La « vérité vraie » est cependant que dans les présentes circonstances, toute réponse à la question « quelle croissance ? » relève quasiment de la lecture du marc de café ou des entrailles de poissons, sous une apparence plus « scientifique » il est vrai. Nous sommes actuellement tétanisés par des incertitudes vertigineuses qui, de surcroît, se chevauchent de manière inusitée. Considérons (de manière très limitative) les aspects « positifs » et « négatifs » suivants :

Deux aspects (parmi d’autres) militent pour une hausse des perspectives de croissance. En premier lieu l’évolution nettement moins défavorable que prévu du PIB luxembourgeois lors des deux premiers trimestres de l’année, qui montre que le confinement a eu un impact certes considérable, mais moindre que prévu. En second lieu la très forte hausse du PIB constatée par Eurostat lors du troisième trimestre de 2020 au sein de la zone euro : pas moins de 12,7% par rapport au trimestre précédent, un record. Si on en restait là et même si le dernier trimestre de 2020 était des plus médiocres, le déclin du PIB luxembourgeois en 2020 serait bien moins prononcé qu’escompté dans le récent projet de budget, par exemple (-6%). Sans compter des facteurs positifs encore moins « palpables », comme l’incidence des récentes hausses des cours boursiers (qui importent énormément au Luxembourg) ou encore – c’est essentiel pour 2021 – l’annonce récente de la découverte d’un vaccin efficace à 90%.

De nombreuses incertitudes négatives (ou risques) pourraient cependant venir plomber ce scénario « résilient ». Outre les inévitables « risques géostratégiques » ou autres « perturbations financières », on notera plus concrètement l’annonce éventuelle de mesures additionnelles de lutte contre la COVID au Luxembourg. Alors que la Belgique et la France débattent presque chaque semaine de l’adoption de nouvelles dispositions, nos autorités affichent pour leur part une placidité à toute épreuve. Le nombre de personnes en soins intensifs a pourtant récemment dépassé le pic enregistré durant la première vague (à l’instar de la Belgique, la France étant pour sa part toujours en retrait de son sommet du printemps dernier). Sans parler de l’Allemagne, qui a annoncé des mesures plus strictes en dépit d’une situation sanitaire objectivement plus favorable. Cette « Sonderweg » luxembourgeoise pourra-t-elle perdurer ? Les conséquences économiques d’une réorientation de la politique sanitaire publique (ou d’une montée en puissance non-maîtrisée de l’épidémie…) ne seraient bien entendu pas négligeables, en 2021 surtout. Quid aussi de vagues ultérieures, en attendant la distribution d’un vaccin ?

Autant d’éléments aussi peu « chiffrables » l’un que l’autre. Une seule chose à faire dans ce contexte : continuer à suivre de la manière la plus fine les divers enseignements de la crise (finances publiques, social, impact sur les entreprises et les consommateurs, …) afin d’alimenter le débat public de façon constructive et en toute transparence.

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