Par Muriel Bouchet et Michel-Edouard Ruben
Alors que 2020 touche à sa fin, il est possible de faire un rapide bilan (économique) du « Grand confinement » qui a vu des entreprises cesser/réduire leurs activités pour raison impérieuse de distanciation physique et de lutte contre la propagation du coronavirus. Puisque les pas très bonnes (voire carrément mauvaises) nouvelles ne manquent pas, il est bon de s’étonner, dans cette année de malheur, que le PIB et le marché du travail du Luxembourg aient relativement bien résisté.
Alors que les chiffres du deuxième trimestre mettaient déjà en évidence la relative bonne résistance de l’économie luxembourgeoise, les estimations du STATEC portant sur le PIB au 3ème trimestre, qui ont été publiées ce 14 décembre, renforcent encore ce constat. Au cours des 9 premiers mois de 2020, période pour laquelle des données « officielles » (certes susceptibles d’être révisées) sont désormais connues, le PIB luxembourgeois en volume aurait diminué de « seulement » 2% par rapport à la même période de l’année 2019. Selon Eurostat, le recul mesuré pour la même période s’est établi à 5,8% en Allemagne, à 6,8% en Belgique et à 9,5% en France.
Le regain de l’épidémie au 4ème trimestre aura-t-il raison de cette résilience en 2020? Probablement pas. La BNB et l’Ifo Institute ont tous deux estimé le déclin du PIB réel (en Belgique et en Allemagne) à 1% environ au 4ème trimestre de 2020 par rapport aux trois mois précédents. Si un recul trimestriel du PIB similaire était observé au Grand-Duché, l’« annus horribilis » 2020 se solderait in fine par une récession de 1,7%. Un résultat « objectivement mauvais », mais « bizarrement » pas tant que cela puisqu’en 2009 le PIB du Luxembourg avait reculé de 4,4%.
Le marché du travail grand-ducal est également emblématique de cette relative bonne résistance. Au 3ème trimestre de 2020, l’économie du Luxembourg comptait ainsi 9.000 emplois de plus qu’au 3ème trimestre 2019 (+2%), contre -4 millions au sein de l’UE (-2%), -18.000 en Belgique (-0,4%), -654.000 en Allemagne (-1,4%), -754.000 en France (-2,6%). Il est à signaler que 74% des 9.000 emplois supplémentaires qui ont été créés au Luxembourg l’ont été dans les secteurs de la construction (+1.800), de l’administration publique (+1.600), de l’éducation (+1.200), et de la santé et action sociale (+2.100) qui pèsent 32% de l’emploi total. D’un côté (cas des emplois dans la construction), cela est « encourageant » puisque la demande en logements reste forte et que le manque de main-d’œuvre est traditionnellement la principale raison avancée par les entreprises du secteur comme contrainte pour le développement de leurs activités. De l’autre (cas des emplois dans les secteurs principalement non-marchands), il est permis d’y voir la traduction concrète de ce que l’économie luxembourgeoise a été dans une situation de « socialisme pandémique » durant l’année 2020.
Hélas, ces deux constats relativement positifs (à savoir l’apparente bonne tenue du PIB et la progression de l’emploi (certes tirée principalement par les secteurs non-marchands)) ne suffisent pas à faire oublier les nombreuses difficultés encore en présence (circulation du virus, questionnement sur l’efficacité des vaccins, devenir de l’organisation du travail, hausse des prix immobiliers alimentés par l’épargne forcée due à la crise, zombification/mise en hibernation de certaines entreprises, questionnement de certains sur la soutenabilité de la dette publique luxembourgeoise, etc.) qui interdisent de croire que 2021, toute proche, s’annonce sous de bons auspices.