L’année 2019 s’est clôturée avec un taux « headline » de croissance du PIB de 2,3% au Luxembourg, qui peut être qualifié d’honorable dans une perspective européenne. Les projections macroéconomiques publiées par diverses organisations nationales et internationales avant que la COVID ne déboule dans nos vies laissaient généralement augurer une croissance au moins équivalente en 2020. C’était cependant compter sans ce trouble-fête. En plein cœur du confinement, de nouvelles prévisions ont commencé à circuler avec une célérité quasiment « virale », postulant notamment un décrochage de l’activité de l’ordre de 30% durant sa phase la plus aigüe suivi d’un déconfinement nécessairement progressif, lié à la « distanciation sociale ». Sans compter les stigmates à moyen terme de l’enlisement dans la COVID (faillites, épargne accumulée, incidence sur les chaînes de valeur et le commerce international, décrochage des investissements publics et privés, etc.). Un tableau plus déprimant qu’une pièce de Franz Kafka, avec à la clef un recul du PIB de l’ordre de 6% en 2020 (avec certaines variantes encore plus préoccupantes).

La COVID hante toujours nos vies, mais nous disposons désormais d’un certain recul sur le plan statistique, le STATEC ayant publié le 18 septembre dernier sa première estimation du PIB en volume du 2ème trimestre de 2020.

Source : STATEC et calculs IDEA.

Ces données doivent être appréhendées avec prudence, surtout dans le contexte actuel. Elles sont susceptibles d’être révisées de manière très significative. Au-delà de cet indispensable message de prudence, que nous enseignent-elles ?

– Que le PIB décroche subitement au 2ème trimestre de 2020, comme anticipé par les prévisionnistes. Ainsi, le PIB trimestriel désaisonnalisé plonge de quelque 7,8% par rapport au trimestre correspondant de 2019 (T2, courbe jaune continue par rapport à la courbe bleue).

– Qu’il convient de ne pas se cantonner à cette première impression un peu trompeuse. Le PIB s’avère en effet bien plus résilient qu’anticipé, comme l’attestent les deux trimestres successifs. Ainsi, le PIB du 1er trimestre serait plus élevé en 2020 qu’en 2019, en dépit d’un confinement ayant débuté vers la mi-mars. En outre, le recul de près de 8% au 2ème trimestre est relativement modéré par rapport aux attentes initiales (guidées par l’hypothèse d’un recul de l’activité de l’ordre de 30% au cœur même du confinement, et d’un déconfinement graduel ensuite).

– Les prévisions macroéconomiques les plus courantes, tablant sur une décroissance annuelle du PIB de l’ordre de 6% en 2020 au Luxembourg, ne se concrétiseront que si au cours des deux derniers trimestres de 2020, le PIB demeurait rivé à l’étiage mécaniquement très bas constaté au 2ème trimestre (voir la ligne rouge du graphique), en l’absence donc de tout frémissement de reprise. La décroissance serait de 5,8% pour l’ensemble de 2020 dans ce cas de figure.

– Un rattrapage partiel de l’activité au cours du second semestre de 2020 se traduirait bien entendu par des taux de « croissance » annuels plus favorables. Est simulé au graphique (courbe jaune) un scénario qui correspond peu ou prou à l’évolution trimestrielle du PIB mondial postulée par l’OCDE dans ses perspectives publiées en septembre 2020, à savoir +5%[1] (par rapport au trimestre précédent) au 3ème trimestre et +2% le trimestre suivant. Dans un tel cas de figure certes illustratif, le PIB annuel de 2020 reculerait toujours par rapport à 2019, mais de « seulement » 3%. Pour rappel, le PIB avait diminué de 4,4% en 2009, soit au cœur de la « Grande Récession ». Au Luxembourg, la « crise COVID » ne serait donc pas exceptionnelle à cette aune, du moins si les chiffres du STATEC se confirment et si l’évolution trimestrielle postulée par l’OCDE lors du second semestre de 2020 se vérifie au Luxembourg.

Ce « réchauffement » du climat ambiant n’est pas isolé : il semble corroboré par l’évolution relativement favorable (compte tenu du contexte en tout cas…) de divers indicateurs repris dans le Tableau de Bord mensuel d’IDEA (voir https://www.fondation-idea.lu/2020/09/07/tableau-de-bord-economique-et-social-septembre-2020/). Par exemple l’activité dans les services non financiers, les nouvelles créations d’emplois enregistrées depuis mai ou encore un recours au chômage partiel ayant baissé sans discontinuer en été.

Des évolutions à saluer, en espérant cependant que la COVID ne nous réservera pas de nouvelles surprises…


[1] L’OCDE postule en fait 6% au 3ème trimestre pour le PIB mondial.

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