Marché du travail : Sous surveillance/A surveiller

© photo : Ronald Carreño, Pixabay

Après des années d’un dynamisme tel que certains réclamaient une croissance moins riche en emplois dite qualitative, le marché du travail luxembourgeois a quelque peu perdu de sa superbe :

  • Le taux de chômage, jadis insignifiant, ne parvient pas à s’éloigner de la barre des 6% et est désormais plus élevé au Grand-Duché que dans la moyenne des pays de l’UE ;
  • 23.000 résidents (disponibles ou en mesure) sont actuellement inscrits à l’ADEM, soit l’équivalent de la population de Dudelange ;
  • Avec 74.2%, le Luxembourg affiche l’un des taux d’emploi (i.e. proportion de personnes âgées entre 20 et 64 ans ayant un emploi) les plus faibles de l’UE[1] et demeure l’un des pays les plus éloignés de son objectif de taux d’emploi à horizon 2030 (77.6%) ;
  • Le taux NEET (proportion de jeunes, ni en emploi, ni en études, ni en formation) atteint les 10% en 2024[2] (contre 6.5% en 2014).

La détérioration de son marché du travail explique ainsi en grande partie la décision de la Commission européenne de considérer que « le Luxembourg est (…) confronté à des risques potentiels (sic) pour la convergence sociale ascendante qui nécessitent une analyse plus approfondie » prévue pour le printemps 2026.

Cette évaluation traitera également des relatives mauvaises performances luxembourgeoises s’agissant du niveau de compétences numériques des adultes, de la croissance du revenu disponible brut des ménages par habitant et de l’exposition des enfants au risque de pauvreté.

Elle invitera probablement le Grand-Duché à renforcer ses conditions – économiques, sociales, réglementaires, fiscales – cadre afin de permettre aux entreprises de (re)créer des emplois.

Bref, le mieux est dans (le retour de) la croissance … riche en emplois de qualité.

Source : STATEC


[1] L’écart entre les taux d’emploi du Luxembourg et des autres pays européens s’explique principalement par la faiblesse (au Luxembourg) du taux d’emploi des 55-64 ans ; les mesures décidées dans le cadre de la « réforme des pensions » ont vocation à réduire, à terme, cet écart !

[2] L’obligation scolaire portée à 18 ans à partir de 2026 devrait contribuer à réduire ce taux.

Décryptage N°49 : Les salariés prennent des rides

© photo : Gerd Altmann, Pixabay.

Le vieillissement est un sujet d’actualité pour de nombreux pays européens, avec des fortes implications pour les systèmes de retraite et le marché du travail, ainsi que de multiples aspects économiques et sociaux. Au Luxembourg, ce sujet a été au cœur des discussions récentes sur les retraites. Avec une immigration massive et le recours aux travailleurs frontaliers, le Luxembourg et en particulier son marché du travail, ont relativement moins subi le vieillissement que certains de ses voisins. Le vieillissement de la population diffère du vieillissement des salariés, car, entre autres, la moitié est composée d’actifs en emploi non-résidents, qui ne sont pas comptés dans les statistiques démographiques nationales. Ce décryptage propose de s’intéresser spécifiquement au vieillissement des salariés au Luxembourg : quels secteurs où l’âge moyen des salariés a le plus augmenté ? Y’a-t-il un lien entre le vieillissement et la dynamique de l’emploi ? Entre résidents et frontaliers, où le vieillissement est-il le plus marqué ?

 

Skills-Plang et Job rotation scheme : deux modèles complémentaires

© photo : Julien Mpia Massa

Le lancement de la mise en pratique du Skills-Plang est officiel depuis le 19 juin 2025[1]. Après le vote du projet de loi de l’introduction d’un programme de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, un appel à candidature a été lancé par l’ADEM[2] pour trouver les consultants agréés. Enfin, une présentation à l’automne 2025 d’une première liste officielle de consultants est également prévue.

En résumé, cette loi contient deux volets : l’un sur l’identification des salariés ayant des besoins spécifiques de formation et l’autre sur les remboursements aux entreprises des frais liés à la formation des salariés et au consultant agréé (ou à l’entreprise de conseil). L’entreprise qui souhaite avoir recours au Skills-Plang doit d’abord déposer un dossier à l’ADEM qui vérifiera son éligibilité ; puis, à l’aide d’un consultant (ou entreprise agréée), elle va identifier parmi ses salariés ceux qui ont un besoin de se former, en ayant recours à un bilan de compétences, choisir la formation longue (de minimum 120h) la plus appropriée et élaborer le rapport final qu’il déposera à l’ADEM. Ensuite, l’entreprise recevra, de la part du Fonds pour l’emploi[3], un remboursement sur base des coûts facturés.

Cependant, le Skills-Plang pourrait aller plus loin, en incluant un volet visant à la mobilisation des demandeurs d’emploi. En complément à cette loi, le schéma danois job rotation[4] pourrait offrir une source d’inspiration précieuse. En quelques mots, ce schéma permet à un salarié de suivre une formation continue longue et aux employeurs de recevoir une subvention pour recruter un demandeur d’emploi qui remplacerait le salarié pendant sa période de formation. En effet, ce système danois de job rotation présente un aspect « triple-win » : il permettrait aux employeurs de pallier le manque de main-d’œuvre pendant la formation longue continue des salariés, aux salariés d’acquérir de nouvelles compétences et aux chômeurs de bénéficier d’une expérience de travail. L’attractivité du dispositif pour les demandeurs d’emploi serait particulièrement cruciale en vue d’une possible adaptation de ce schéma au Luxembourg.

Si on prend du recul, les deux modèles se complètent :

– Le Skills-Plang est un projet centré sur la formation longue, pour identifier et accompagner les salariés et les entreprises face aux évolutions des besoins sur le marché du travail.

– Le job rotation scheme propose une méthode aussi centrée sur la formation longue avec en plus l’insertion des demandeurs d’emploi, surtout ceux de longue durée.

L’évaluation du job rotation scheme réalisée par l’Agence danoise du marché du travail et du recrutement (STAR) montre des effets positifs à long-terme. Entre 2015 et 2017, l’agence a comparé 6.357 chômeurs ayant bénéficié d’un emploi temporaire dans le cadre du dispositif avec un groupe de contrôle resté uniquement au chômage. Les résultats indiquent qu’au bout d’un an, le taux d’emploi du groupe « job rotation » est supérieur de 1,2 point à celui du groupe de contrôle, et que cet écart s’accroît progressivement pour atteindre 5,8 points deux ans et demi plus tard. Ces données quantitatives confirment la hausse de l’employabilité des demandeurs d’emploi. De plus, des évaluations qualitatives menées dans plusieurs communes danoises soulignent que le dispositif renforce réellement les compétences des participants et constitue un canal de recrutement efficace pour les entreprises.

Avec un taux de chômage « qui était retombé sous les 5% en 2022 et frôle désormais les 6% » en 2025[5], et une hausse annuelle[6] de 5% du nombre de demandeurs d’emploi inscrits à l’ADEM depuis 12 mois et plus, vouloir adapter les compétences des personnes en emploi n’est plus suffisant. Il faudrait aussi accompagner ceux qui restent en retrait et qui n’arrivent pas à se réinsérer sur le marché du travail, ce à quoi le job rotation scheme apporterait une réponse.

[1] Legilux, loi du 19 juin 2025, projet Skills-Plang.

[2] ADEM, Appel à candidatures jusqu’au 31 août 2025 pour trouver des consultants agréés.

[3] Le remboursement s’adapte à la taille de l’entreprise, avec un soutien différencié pour l’analyse prévisionnelle, la formation et la prise en charge des salaires des participants. Pour les micro et petites entreprises, l’analyse prévisionnelle peut être remboursée jusqu’à 75%, avec un plafond de 900€ par jour-homme. Le nombre de jours-hommes varie de 2 à 12, et chaque salarié peut bénéficier d’un jour supplémentaire pour un accompagnement individuel. L’entreprise peut également obtenir jusqu’à 10 jours supplémentaires pour son organisation. Le plafond global de remboursement atteint 60.000€. La formation est prise en charge à hauteur de 50% des frais directs, avec un maximum de 250€/jour et 7.500 € par salarié, et le salaire des participants est remboursé à 50% (plafond 250% du salaire social minimum (SSM)). Pour les moyennes entreprises, le remboursement de l’analyse prévisionnelle est de 50%, avec un plafond de 600€ par jour-homme. Le nombre de jours-hommes varie de 9 à 20, avec les mêmes modalités pour les jours supplémentaires individuels et organisationnels que pour les petites entreprises. Le plafond global reste de 60.000€. La formation est remboursée à 50% des frais directs (jusqu’à 250€/jour et 7.500€ par salarié), et le salaire des participants est pris en charge à 25% (plafond 250 % du SSM). Pour les grandes entreprises, l’analyse prévisionnelle est remboursée à 15%, avec un plafond de 180€ par jour-homme. Le nombre de jours-hommes s’étend de 12 à 25, et chaque salarié impacté peut bénéficier d’un jour supplémentaire uniquement pour son accompagnement individuel, sans jours supplémentaires pour l’organisation. Le plafond global de remboursement est également de 60.000 €. La formation est remboursée à 40% des frais directs (jusqu’à 200€/jour et 6.000 € par salarié), et le salaire des participants à 15% (plafond 250% du SSM).

[4] Pour plus d’informations, voir IDEA, Ioana POP (2024), Décryptage N°31 : Job rotation scheme, une best practice à la danoise.

[5] Voir IDEA, Michel-Edouard Ruben (2025), Décryptage N°46 : Du chômage au Luxembourg.

[6] Selon les dernières données de l’ADEM, le nombre de demandeurs d’emplois de 12 mois et plus est passé de 7.198 en juillet 2024, à 7.560 en juillet 2025. 

Décryptage N°40 : Le télétravail transfrontalier, 5 ans après la pandémie

© photo : Julien Mpia Massa

Si la pandémie a entraîné une augmentation spectaculaire du télétravail au Luxembourg, notamment grâce à des accords exceptionnels, la levée de ces mesures a profondément modifié les dynamiques entre travailleurs résidents et frontaliers. Aujourd’hui, alors que 20 % des résidents télétravaillent toujours plusieurs fois par semaine, seuls 3 % des frontaliers en font de même, et ce, malgré un potentiel théorique bien plus élevé. Cette disparité s’explique en grande partie par des contraintes fiscales et sociales, ainsi qu’une certaine insécurité juridique qui freine son développement.

Ce décryptage se penche sur les tendances du télétravail au Luxembourg, les différences de pratiques entre résidents et frontaliers, ainsi que les principaux obstacles à son expansion. Il suggère également d’approfondir les analyses sur la pertinence et la faisabilité d’un modèle similaire à celui en vigueur entre la France et la Suisse dans le contexte luxembourgeois.

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Le télétravail transfrontalier, 5 ans après la pandémie

Décryptage N°39 : Les frontaliers, de variable d’ajustement à ressource précieuse !

© photo : Frédéric Meys

La main d’œuvre frontalière a permis de satisfaire les (énormes) besoins du marché du travail luxembourgeois depuis les années 1990 et a régulièrement été décrite comme une « variable d’ajustement » du marché du travail national. Une analyse du recours au travail frontalier dans la période récente, marquée par un fort ralentissement des créations d’emplois, indique pourtant que les non-résidents ont été moins affectés par la dégradation de la conjoncture que les résidents (en particulier les résidents étrangers).

Il ressort également des dernières tendances que le taux de recours aux travailleurs frontaliers augmente dans les secteurs encore dynamiques et que la France (la Lorraine) reste l’un des principaux territoires de recrutement de l’économie grand-ducale. Mais des signes d’essoufflement du travail frontalier se font ressentir, avec en particulier un tassement (voire une baisse) du nombre de navetteurs en provenance de Belgique et d’Allemagne. Ces constats appellent à penser une stratégie pour garantir la disponibilité et l’attractivité des travailleurs frontaliers dans les années à venir.

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Les frontaliers, de variable d’ajustement à ressource précieuse !