L’atlas (idyllique) de l’économie luxembourgeoise 2034

© photo : Julien Mpia Massa, IDEA

Troisième (ou quatrième) révolution industrielle, secteurs prioritaires de haute-technologie, rôle de laboratoire de l’économie des données, stratégies IA et sur l’informatique quantique, souhait de devenir pionnier de la transition écologique, le Luxembourg ne manque pas d’ambitions (et de volontarisme) pour embrasser les grandes tendances mondiales et développer de nouvelles spécialisations économiques qui en feront un territoire innovant et hautement productif.

Pourtant, en 2034, la place financière demeure des plus présente, tant par les bureaux aux architectures modernes surmontés des noms d’illustres banques internationales que par une part du PIB national supérieur à 20%. Toutefois, de subtils changements s’opèrent dans le monde de la finance. Les ingénieurs sont plus nombreux, les profils s’internationalisent encore davantage et les produits durables s’affichent partout.

La grande transformation du paysage économique se situe ailleurs, plus exactement à Belval, où certaines startups devenues licornes ont quitté leurs technopôles pour de flambants neufs complexes où s’inventent de nouvelles méthodes de diagnostic médicaux, une technologie quantique ultraperformante en matière de cybersécurité et les robots d’exploration des satellites de Jupiter. Les jeunes luxembourgeois, qui se sont pris de passion pour les matières scientifiques, sont parmi les principales forces vives de ces nouveaux leaders technologiques.

Lorsqu’ils se rendent à Luxembourg-Ville en tram rapide, ils peuvent apercevoir des cyclotouristes visitant les paysages préservés du Guttland, les camions de transport à hydrogène du cluster logistique et l’immense data center d’un géant européen du numérique. Vue du ciel, la mutation économique est tout aussi visible. La plateforme multimodale de Bettembourg a doublé sa superficie, plusieurs usines de production d’hydrogène alimentent l’activité économique en énergie tandis que le super ordinateur MeuXina 3.0 côtoie, sur une ancienne friche industrielle, un centre de recherche en mobilité intelligente et une usine de transformation du bois robotisée.

En termes chiffrés, l’agriculture, de qualité, a su maintenir son poids de 0,3% du PIB. L’industrie est remontée, suite à ces succès technologiques, au-dessus des 10% de la valeur ajoutée produite tandis que la part du transport est passé de 6,5% en 2022 à 8% en 2034. Le chiffre d’affaires du tourisme, d’affaires et de loisir, a profité de l’attrait grandissant de la destination Grand-Duché pour doubler en l’espace de 10 ans. Le Luxembourg a, enfin, atteint et dépassé ses objectifs en matière de dépenses en recherche et développement, avec un taux de 3% du PIB trois fois supérieur à celui de 2022.

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[Pour] ou contre… les économistes ?

© photo : Thierry Nelissen, Tellitweb

Le think tank « IDEA » se positionne comme un laboratoire d’idées qui vise à identifier les grands défis du Luxembourg et à alimenter le débat public par des études et des recommandations aux décideurs publics. L’une des principales forces d’IDEA est d’avoir constitué une équipe d’économistes aguerris dans leur domaine de recherche. Mais les économistes sont-ils les mieux placés pour proposer des solutions à tous les grands défis d’un pays comme le Luxembourg ?

Vincent Hein, directeur d’IDEA et Thierry Labro, rédacteur en chef de Paperjam se sont prêtés au jeu du “pour ou contre” dans le magazine publié à l’occasion des 10 ans d’IDEA. Retrouvez le “contre”, avec Thierry Labro ici : https://www.fondation-idea.lu/2025/01/07/pour-ou-contre-les-economistes/ 

[Pour]

Les économistes ne doivent pas être idéalisés. Mais ils sont loin d’être les plus mal placés pour contribuer à l’élaboration des politiques publiques et à la bonne marche de la démocratie.

L’économie est une science qui a pour mission d’étudier la manière dont nous, les humains, nous organisons (ou devrions le faire) pour répondre à notre aspiration aussi immorale que naturelle à vouloir disposer de toujours plus de biens et de services tout en tenant compte du fait que notre capacité à y accéder est limitée par de multiples contraintes. N’est-ce pas là une synthèse honnête de ce qu’est la fonction objective d’une organisation sociale ?

Etudier comment les individus se comportent, comment les organisations se structurent et prennent des décisions en considérant systématiquement cette équation entre aspirations illimités et ressources rares permet de nous éloigner de l’inflexion « populiste » dans la conduite des politiques publiques qui consisterait à promettre (voire pire, à croire) l’impossible en oubliant les contraintes. Cette trame d’analyse facilite aussi l’appel à la responsabilité environnementale, l’économie étant la « science de la gestion des ressources rares », qui porte d’ailleurs en soi de multiples influences disciplinaires (histoire, gestion, droit, sociologie, psychologie, etc.).

Une recherche économique bien encadrée, c’est-à-dire (entre autres choses) dont le commanditaire ou l’auteur n’a pas en tête les conclusions au moment de l’établissement des hypothèses, permet toujours de donner des éléments utiles aux décideurs, d’exprimer dans des grandeurs comparables les coûts et les bénéfices, les risques et les opportunités… Cela est également valable lorsqu’une évaluation d’impact conclut que « l’on ne sait pas », cela revenant à admettre que la décision reste purement politique. Un constat rassurant pour la démocratie.

Les travaux des économistes permettent d’objectiver ou de contrer des intuitions et de ne pas transformer des évidences anecdotiques en lois. Se poser la question de l’utilité des économistes revient à se demander si l’on peut sereinement diriger une organisation, qu’il s’agisse du ménage planifiant sa retraite ou du ministre de la Famille souhaitant réduire la pauvreté infantile… sans mesurer ? S’il est préférable de prendre des décisions sans données quand elles existent, alors les économistes ne sont pas utiles !

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Pour ou [contre]… les économistes ?

© photo : Paperjam

Le think tank « IDEA » se positionne comme un laboratoire d’idées qui vise à identifier les grands défis du Luxembourg et à alimenter le débat public par des études et des recommandations aux décideurs publics. L’une des principales forces d’IDEA est d’avoir constitué une équipe d’économistes aguerris dans leur domaine de recherche. Mais les économistes sont-ils les mieux placés pour proposer des solutions à tous les grands défis d’un pays comme le Luxembourg ?

Vincent Hein, directeur d’IDEA et Thierry Labro, rédacteur en chef de Paperjam se sont prêtés au jeu du “pour ou contre” dans le magazine publié à l’occasion des 10 ans d’IDEA. Retrouvez le “pour”, avec Vincent Hein ici : https://www.fondation-idea.lu/2025/01/07/pour-ou-contre-les-economistes-2/

[Contre]

L’été est terminé. Avec lui, probablement, une randonnée dans les Alpes suisses ou italiennes. Avant de toucher le sommet et d’immortaliser l’exploit d’un selfie pour la postérité, libération de l’alpiniste du dimanche, trouver la bonne voie est en réalité aussi essentiel que… de partir du bon endroit. L’économie luxembourgeoise, qui se rêve « data driven », pilotée par la donnée, est exactement dans la même situation que ce randonneur… mais s’autorise pourtant parfois à négliger le bon point de départ. C’est particulièrement le cas avec le débat sur l’utilité d’une réforme des retraites. Dans un briefing, début septembre, des économistes reconnaissent que l’hypothèse de création nette d’emplois au Luxembourg est « très optimiste », mais que c’est le seul dénominateur commun que différents partenaires ont pu dégager pour entamer les discussions.

À l’heure où le vivier de talents locaux ou de la Grande Région est quasiment épuisé, où les talents venus de loin coûtent plus cher – ce qui alimente la charge sur le système de pension – et doivent être logés dans un pays qui ne construit pas assez d’unités de logement depuis plus de 40 ans, où la mobilité devient chaque jour plus problématique et où personne, même pas McKinsey pourtant souvent citée en référence, ne connaît réellement l’impact à venir de la digitalisation sur l’emploi, le moindre dérapage dans l’augmentation du solde net d’emplois rendrait une éventuelle réforme caduque.

Dans une autre discussion, sur le nombre de fonctionnaires, le chiffre le plus souvent cité, celui du Statec, est très critiquable. Et l’institut statistique le reconnaît assez facilement. Difficile de faire des prévisions réalistes quand les bases ne sont pas solides. Quand le point de départ est mal placé. Et à quoi servent les économistes s’ils restent sur un scénario unique basé sur un chiffre facilement critiquable ou beaucoup trop optimiste ? À défendre une certaine idée de l’économie, qui a souvent défavorisé les plus démunis, affirme, arguments à l’appui et depuis longtemps, le prix Nobel de l’économie, Joseph Stiglitz. Pour que la société luxembourgeoise progresse, elle doit garder tout le monde à bord. Pour garder tout le monde à bord, elle doit regarder la vérité en face. Sans rien négocier. Et ce n’est certainement pas aux économistes de négocier. Mais aux politiques. Sans quoi, les économistes n’ont pas d’utilité particulière par rapport à une administration capable de nourrir le politique en chiffres.

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De l’imprévisibilité de l’avenir du Luxembourg dans 10 ans

© photo : Thierry Nelissen, Tellitweb

Coalition Blo-Rout-Gréng suite aux élections législatives (2013), Luxleaks (2014), ouverture du mariage aux couples de personnes du même sexe (2014), abolition du délai de viduité pour les femmes (2014), afflux de demandeurs de protection internationale (2015), abrogation de la possibilité de transfert de plus-values immobilières (2015), mise en service du tramway (2017), création d’une agence spatiale luxembourgeoise (2018), introduction d’un jour férié (9 mai, journée de l’Europe) supplémentaire (2019), exploit footballistique du F91 Dudelange en coupe d’Europe (2019), gratuité des transports publics (2020), Grand Confinement, distanciation sociale, « zoomification » et essor du télétravail à cause de la pandémie de Covid-19 (2020), inondations coûteuses dans plusieurs communes du pays (2021), accélération de la hausse des prix immobiliers (+6% entre 2014 et 2018, +10% en 2019, +14% en 2020, +14% en 2021), crise énergétique, regain d’inflation et afflux de demandeurs de protection temporaire à cause de la guerre en Ukraine (2022), massification (69 millions d’euros en 2013, 374 millions d’euros en 2023) et masculinisation (26% d’hommes en 2013, 59% en 2023) du recours au congé parental, crises de la construction et de l’activité immobilière (2023), légalisation du cannabis récréatif (2023), retour du CSV au pouvoir (2023), imposition minimale effective des entreprises multinationales au titre du pilier II (2024), réintroduction de la possibilité de transfert de plus-values immobilières (2024), déboires de la Caritas (2024), retour des contrôles aux frontières allemandes pour une durée minimale de 6 mois (2024), décision d’interdire les smartphones dans l’enseignement fondamental à partir de Pâques 2025 (2024), visite du Pape (2024)…

Un individu qui, dix ans auparavant, aurait voulu faire des prévisions pour la période 2013 – 2024 serait assurément passé à côté de certains éléments marquants survenus au Grand-Duché au cours de la dernière décennie.

Par conséquent, le soussigné, persuadé que l’avenir n’est jamais ce qu’il avait l’habitude d’être et que faire des prévisions est une activité périlleuse dans laquelle même les plus brillants esprits risquent de se ridiculiser, ne s’aventure qu’à prévenir que les dix prochaines années seront – inévitablement – riches en surprises politico-socio-économiques.

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Un pari sur le « 800.000 Awunnerstat » !

© photo : Thierry Nelissen, Tellitweb

Les projections à 20 ou 30 ans font régulièrement l’objet de débats passionnés : au début des années 2000, le seuil des 700.000 résidents avait été vivement discuté tandis que depuis une dizaine d’années la mention du fameux « million » suscite l’émotion. Les scénarios démographiques disponibles aujourd’hui entrevoient un Grand-Duché dans lequel résideraient en 2034 autour de 800.000 habitants bien qu’elles divergent pour la suite. Cette « convergence » à 10 ans signifie-t-elle pour autant qu’il s’agit là de bonnes prédictions ?

Avant de prendre les paris, mettons-nous quelques instants à la place d’une équipe qui doit se prêter à l’exercice. Dans un pays où le choix des hypothèses économiques (croissance, emploi, productivité) pèse tant sur le résultat, le choix de la méthodologie est complexe et revient inévitablement à faire un pari sur la prospérité économique à 20-30 ans. S’ajoute la difficulté de faire abstraction des potentielles conséquences socio-économico-politiques que les résultats pourraient avoir : soutenabilité de la protection sociale, poids des Luxembourgeois dans la population, main d’œuvre frontalière, crédibilité des engagements climatiques, effets sur le marché du logement…

Faire croitre la population de l’ordre de 120-130.000 personnes en une décennie n’a rien d’anodin. Les hypothèses implicites à la réalisation de ce scénario appellent des changements considérables comme l’accélération de la construction de logements (alors que les retards s’accumulent), une hausse ininterrompue du nombre de frontaliers (alors que leur pyramide des âges devient défavorable), des investissements en infrastructures (alors que les finances publiques sont sous tension), une urbanisation plus cohérente, sans oublier une économie toujours aussi compétitive.

Mais il y a des raisons d’y croire. Depuis les années 1970, toutes les projections démographiques de long terme ont été largement sous-estimées. Le Luxembourg reste un pays où la situation socio-économique est relativement enviable en comparaison internationale, il est au cœur d’une dynamique de métropolisation qui porte par essence une composante « auto-alimentée » (effets d’agglomération), être un « petit pays ouvert aux vents contraires » signifie aussi être « ouvert aux vents favorables », les prises de conscience collectives des grands défis ont historiquement donné lieu à de salutaires capacités de mobilisation et, par définition, le pire n’est jamais certain !

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Réflexions sur la crédibilité de la recherche économique

© photo : Julien Mpia Massa

Cela fait maintenant dix ans qu’IDEA s’est donné pour mission d’identifier les grands défis socio-économiques du Grand-Duché, d’élargir la base de connaissances et de proposer des idées novatrices dans le débat public. Une tâche ambitieuse, qui repose avant tout sur la crédibilité de l’institution auprès du public, des médias et des décideurs politiques.

La crédibilité n’est pas toujours associée à l’économie en tant que discipline. Plusieurs raisons expliquent cela.

Tout d’abord, comme beaucoup d’autres sciences humaines, l’économie est parfois perçue comme manquant de la rigueur des sciences naturelles. Des disciplines telles que la sociologie, les sciences politiques et l’histoire sont souvent influencées par les convictions personnelles de leurs chercheurs, plutôt que par une quête de vérités universelles. En parcourant les articles économiques quotidiens, on observe souvent des explications ex post pour justifier des événements ou des écarts par rapport aux prévisions, et il est rare de trouver des prévisions unanimes parmi les économistes. De plus, par facilité, l’observation de phénomènes passés et l’exploitation des résultats évacue trop souvent le contexte dans lequel l’expérience se reproduit.

Le philosophe des sciences Karl Popper a défini une science comme reposant sur le principe de falsifiabilité : une théorie doit pouvoir être testée et potentiellement réfutée par des preuves empiriques. Cela soulève la question de savoir si l’économie, comme d’autres sciences sociales, peut véritablement être considérée comme une science au sens strict. Bien que l’économie utilise des méthodes empiriques et génère des théories testables, sa capacité à prédire avec précision des événements majeurs, tels que les crises économiques, demeure limitée. Cette situation montre que l’économie possède des spécificités et des limitations qui la distinguent des sciences naturelles.

Par ailleurs, l’économie est souvent qualifiée d’économie politique, un terme qui souligne l’interdépendance entre les phénomènes économiques et les structures politiques et sociales. Les décisions économiques sont façonnées par des contextes politiques et institutionnels, ce qui peut introduire des biais et influencer l’objectivité des analyses économiques.

Toutefois, ces défis ne signifient pas que la science économique manque de méthodes ou de critères de qualité, voire qu’elle tend vers l’inutile. Il est toujours préférable d’illustrer, de commenter et de conseiller les choix politiques avec des méthodologies, même perfectibles, qu’avec le seul prisme de la conviction profonde ou, pire, du rapport de force. De nombreuses théories économiques offrent des prédictions spécifiques et testables. Par exemple, la théorie de l’offre et de la demande prédit qu’une augmentation de la demande d’un bien, toutes choses égales par ailleurs, entraînera une hausse des prix. De plus, l’utilisation de méthodes statistiques et économétriques permet de tester des hypothèses, comme l’impact de la politique monétaire sur l’inflation. L’histoire de la pensée économique montre aussi que les théories peuvent évoluer ou être révisées à la lumière de nouvelles preuves, comme l’a démontré la révolution keynésienne au milieu du 20ème siècle.

Finalement, dernier doute sur la liste, la recherche en économie nécessite des ressources financières, et IDEA ne fait pas exception. Avec un financement assuré principalement par la Chambre de commerce, des questions sur l’indépendance des chercheurs et la neutralité des résultats pourraient légitimement être soulevées.

En fin de compte, la crédibilité d’une institution comme IDEA repose sur plusieurs piliers :

  • des valeurs de rigueur, d’ouverture et de transparence ;
  • une gouvernance qui garantit l’indépendance et un contrôle de qualité rigoureux ; et
  • la production de travaux de haute qualité, jugés en dernière analyse par le public et les pairs.

Le Conseil d’administration, le Conseil scientifique et l’équipe d’IDEA en sont pleinement conscients. Depuis dix ans, malgré – voire à cause de – la rotation dans les instances et les équipes, la crédibilité de cette institution n’a cessé de croître.

Les défis socio-économiques du Luxembourg sont considérables, sans doute largement sous-estimés. Une IDEA est plus nécessaire que jamais. Nous continuerons à travailler pour que son chemin se poursuive, pour que son assise se développe et pour que ses idées originales et ses analyses rigoureuses  continuent d’éclairer les débats économiques et les décideurs dans leurs choix.

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Happy Birthday IDEA !

© photo : Thierry Nelissen, Tellitweb

Si la fabrique d’idées IDEA n’existait pas, il faudrait l’inventer, car un pays comme le Luxembourg doit se remettre en cause continuellement et penser en toute liberté à son futur.

Rappelons-nous, IDEA a été créé en 2014 suite à l’initiative 2030.lu de la Chambre de Commerce, établissant une plateforme ouverte offrant à toutes les parties prenantes intéressées de s’exprimer à la veille des élections législatives sur l’avenir du pays. Le résultat a été à la hauteur des attentes en ce sens qu’un recueil de 355 idées portant sur les défis, les chances et les priorités politiques a été publié et mis à disposition de tous ceux qui s’intéressaient à l’avenir du Luxembourg.

10 ans après, toute l’équipe associée à la création et à l’épanouissement de la Fondation IDEA – les initiateurs, les trois directeurs successifs, les membres de l’équipe, les membres du Conseil scientifique et du Conseil d’administration – peut être fière du chemin parcouru. IDEA est considéré aujourd’hui comme le think tank qui fait référence au Luxembourg.

Au-delà de l’originalité et de la qualité scientifique des contributions d’IDEA, le succès provient également de la gouvernance mise en place par les fondateurs : rigueur intellectuelle, ouverture d’esprit, liberté de pensée, respect des idées d’autrui, créativité et obsession de relever les défis auxquels le pays est confronté dans les domaines de compétence choisis ou développés par la suite : le Luxembourg et sa dimension transfrontalière et européenne, les défis posés par la crise du logement, la croissance, la productivité et la compétitivité, le partage de la valeur, les mutations économiques, les équilibres financiers, la soutenabilité de notre modèle écologique, démographique, économique et social,…

Pour IDEA, ce 10ème anniversaire est l’occasion non pas de fêter le passé, mais de se tourner résolument vers l’avenir. Quels seront les grands sujets qui se poseront dans la prochaine décennie, comment associer de nouveaux talents à notre fabrique d’idées et par quels moyens augmenter notre notoriété auprès des parties prenantes qui composent la société luxembourgeoise afin qu’elles soient nourries d’analyses pertinentes et d’idées nouvelles ?

En deux grandes générations, soit en 60 ans, la population résidente a doublé, plus de la moitié de nos habitants n’ont pas le passeport luxembourgeois ou ont été naturalisés, la population active a quadruplé, le PIB en volume a été multiplié par 8 grâce à l’éclosion de la place financière. Chacun de nous reste en moyenne un des plus importants émetteurs de gaz à effet de serre du fait de notre mode de vie, ceci malgré que nos émissions aient diminué de plus de 50% depuis les années 1970 grâce à la fermeture des hauts fourneaux et à l’électrification de la production sidérurgique. En d’autres mots, le Luxembourg s’est transformé à une vitesse comme jamais avant dans son histoire et devra être à la recherche d’un nouvel équilibre et d’une nouvelle identité reflétant cette transformation en profondeur.

IDEA souhaite apporter sa contribution à ce travail qui consiste à imaginer et à façonner notre futur. Dans cet ordre d’esprit, ses travaux couvriront davantage de sujets liés à la cohésion sociale de la « nouvelle » nation, au futur de notre économie dans l’espace transfrontalier avec lequel nous sommes de plus en plus (inter)dépendants, et à la pérennité du succès de notre modèle économique et social. Cela demandera que l’équipe acquière de nouvelles compétences qui iront au-delà des thèmes économiques, financiers et sociaux majoritairement traités dans le passé. Il faudra également attirer de nouveaux partenaires et contributeurs à nos travaux, augmenter le nombre de lecteurs et de participants à nos manifestations. Il s’agira d’élargir nos sensibilités aux sciences sociales au sens large pour appréhender les nouveaux défis qui se poseront à notre pays dans les vingt prochaines années : l’école, la vie en commun alors que les croyances, les langues et les modes de vie sont de plus en plus variés, le vieillissement de la population (résidente et frontalière), le déficit démocratique résultant de la limitation du droit de vote aux seuls nationaux, et tant d’autres défis.

Quelle tâche exaltante pour IDEA que de prendre en charge ces thèmes et de contribuer à ce qu’ils soient étudiés et débattus en vue de faire converger des propositions ou des idées qui feront avancer notre petit pays !

Bravo, mais essayons de faire encore davantage !

J’ai vécu mon temps dans le Conseil Scientifique d’IDEA comme un privilège stimulant qui m’a permis de participer aux réflexions sur une série de défis auxquels le Luxembourg doit faire face et prendre en compte dans sa stratégie financière, économique et politique. Je considère qu’IDEA s’est développée pendant les 10 ans de son existence comme un think tank créatif et proactif, ce qui m’encourage à profiter de ces quelques lignes pour suggérer quelques voies qui, peut-être, pourraient contribuer à augmenter encore la pertinence d’IDEA pour notre pays. Un think tank au Luxembourg a plus de chances d’influencer les décideurs que dans un grand pays ; il y a moins de fabriques d’idées, les chemins sont plus courts, les gens se connaissent, la communication est amicale, donc essayons de faire davantage !

Les grands défis sont tous très complexes et multifacettes, et une analyse réductionniste, souvent disciplinaire, ne suffit pas pour bien les comprendre. Il faut l’interdisciplinarité, tenir compte de la société dans sa diversité, tenir compte des individus avec leur psychologie et leur volonté, tant celle qu’ils expriment comme celle qu’ils cachent. Cela impliquerait de faire participer davantage d’experts externes avec les connaissances complémentaires à celles des membres d’IDEA. Se limiter à la perspective économico-financière-politique est, pour les grands défis, presque toujours insuffisant.

Je voudrais suggérer aussi d’aller plus loin dans l’étude des problèmes, d’aller plus au fond, à l’origine, à la cause, aux causes, à la genèse de ce qui nous inquiète, pour pouvoir proposer des solutions capables de convaincre davantage les décideurs. Sans cela le travail du think tank semble trop un travail académique, ou théorique, sur un sujet important. Nous devrions donc privilégier la profondeur sur la largeur. L’exemple de la productivité par travailleur ou par heure travaillée, qui dégringole, que d’aucuns considèrent le premier problème à résoudre, est parfait : quels sont vraiment les raisons ? Comment est-on arrivé là ? Quelles sont les propositions adéquates et réalistes pour redresser la productivité ? Comment peut-on le faire dans le contexte européen et grand-régional du Luxembourg ?

Je considère qu’IDEA, dans cette deuxième décennie de ses activités, pourrait aussi s’éloigner un peu plus des sujets traditionnels de l’économie, les finances et la politique, et analyser des activités importantes, qui jouent un rôle essentiel pour la société, comme l’éducation/formation, la médecine/santé et l’informatique/IA. Bien sûr ce serait plus facile de faire une autre étude sur le Luxembourg en 2040 ou 2060 que de proposer des solutions aux problèmes du Luxembourg en 2025, mais IDEA a la capacité et la volonté pour jouer dans une ligue supérieure.

Il y a un sujet qui combine son immense importance, le besoin d’agir déjà, sa transversalité et son rôle pour tous les aspects du futur du pays : l’éducation des jeunes entre 4 et 16 ans, les années qui décident presque tout dans leur vie. Je ne connais que deux grandes difficultés objectives : la très grande diversité culturelle, spirituelle et linguistique des élèves, et la difficulté qu’ils éprouvent de suivre des raisonnements d’une certaine complexité durant le temps nécessaire pour arriver à leur compréhension. Il y en a beaucoup d’autres, bien sûr, trop pour les mentionner ici, qui inclurait la qualité du retour de l’investissement, ce dernier très important au Luxembourg. Mais n’oublions pas le « if you think education is expensive, try ignorance » attribué à Derek Bok, président de Harvard, mais dû à Abraham Lincoln, un autre président. IDEA pourrait contribuer plus objectivement que les autres, parce qu’elle n’est pas un stakeholder, mais elle aurait besoin d’assez d’expertise externe, faisant attention à aléatoiriser leurs biais. Ce serait un grand service au pays.

Bien sûr, IDEA, étant ce qu’elle est, avec une taille et moyens modestes, devra choisir soigneusement entre tellement de défis à relever, mais n’oublions pas que bien choisir dans un éventail généreux est un privilège et un plaisir.

Avec mes plus sincères et admiratives félicitations pour les 10 ans et avec mes souhaits de rehausser encore les ambitions « idéalistes ».

Les 10 années qui viennent

© photo : Thierry Nelissen, Tellitweb

En identifiant les grands défis, en « fabriquant » des idées nouvelles et en alimentant le débat public, les think tanks comme IDEA contribuent, avec d’autres, à la bonne santé de la démocratie. Fêter nos 10 ans est l’occasion de revenir sur les ingrédients d’un succès : un savant cocktail fait des bonnes intuitions d’une équipe aussi engagée que compétente, de la confiance d’une gouvernance pleinement alignée sur notre mission de « penser un avenir durable pour le Luxembourg » et sur les valeurs cardinales pour y parvenir. Ce n’est pas le fruit d’un hasard. Notre anniversaire est une très belle occasion de rendre hommage à toutes celles et ceux qui ont contribué jusqu’à présent à cette exaltante mission.

Le moment est également idoine pour nous interroger sur le rôle d’un think tank comme le nôtre dans la société luxembourgeoise. Quels sont les grands thèmes sur lesquels un laboratoire d’idées pourrait être utile au pays dans les 10 années qui viennent ? Faut-il renforcer notre rôle de plateforme d’échanges ? Nous rendre plus disponibles auprès des décideurs politiques pour les guider dans leurs analyses et leurs choix ? Dans les faits, le positionnement d’IDEA a toujours évolué et cela pourra continuer tant que nos valeurs de rigueur, d’ouverture et de transparence seront respectées. Merci à celles et ceux qui les font vivre au quotidien et bon anniversaire !