© photo : Paperjam
Le think tank « IDEA » se positionne comme un laboratoire d’idées qui vise à identifier les grands défis du Luxembourg et à alimenter le débat public par des études et des recommandations aux décideurs publics. L’une des principales forces d’IDEA est d’avoir constitué une équipe d’économistes aguerris dans leur domaine de recherche. Mais les économistes sont-ils les mieux placés pour proposer des solutions à tous les grands défis d’un pays comme le Luxembourg ?
Vincent Hein, directeur d’IDEA et Thierry Labro, rédacteur en chef de Paperjam se sont prêtés au jeu du “pour ou contre” dans le magazine publié à l’occasion des 10 ans d’IDEA. Retrouvez le “pour”, avec Vincent Hein ici : https://www.fondation-idea.lu/2025/01/07/pour-ou-contre-les-economistes-2/
[Contre]
L’été est terminé. Avec lui, probablement, une randonnée dans les Alpes suisses ou italiennes. Avant de toucher le sommet et d’immortaliser l’exploit d’un selfie pour la postérité, libération de l’alpiniste du dimanche, trouver la bonne voie est en réalité aussi essentiel que… de partir du bon endroit. L’économie luxembourgeoise, qui se rêve « data driven », pilotée par la donnée, est exactement dans la même situation que ce randonneur… mais s’autorise pourtant parfois à négliger le bon point de départ. C’est particulièrement le cas avec le débat sur l’utilité d’une réforme des retraites. Dans un briefing, début septembre, des économistes reconnaissent que l’hypothèse de création nette d’emplois au Luxembourg est « très optimiste », mais que c’est le seul dénominateur commun que différents partenaires ont pu dégager pour entamer les discussions.
À l’heure où le vivier de talents locaux ou de la Grande Région est quasiment épuisé, où les talents venus de loin coûtent plus cher – ce qui alimente la charge sur le système de pension – et doivent être logés dans un pays qui ne construit pas assez d’unités de logement depuis plus de 40 ans, où la mobilité devient chaque jour plus problématique et où personne, même pas McKinsey pourtant souvent citée en référence, ne connaît réellement l’impact à venir de la digitalisation sur l’emploi, le moindre dérapage dans l’augmentation du solde net d’emplois rendrait une éventuelle réforme caduque.
Dans une autre discussion, sur le nombre de fonctionnaires, le chiffre le plus souvent cité, celui du Statec, est très critiquable. Et l’institut statistique le reconnaît assez facilement. Difficile de faire des prévisions réalistes quand les bases ne sont pas solides. Quand le point de départ est mal placé. Et à quoi servent les économistes s’ils restent sur un scénario unique basé sur un chiffre facilement critiquable ou beaucoup trop optimiste ? À défendre une certaine idée de l’économie, qui a souvent défavorisé les plus démunis, affirme, arguments à l’appui et depuis longtemps, le prix Nobel de l’économie, Joseph Stiglitz. Pour que la société luxembourgeoise progresse, elle doit garder tout le monde à bord. Pour garder tout le monde à bord, elle doit regarder la vérité en face. Sans rien négocier. Et ce n’est certainement pas aux économistes de négocier. Mais aux politiques. Sans quoi, les économistes n’ont pas d’utilité particulière par rapport à une administration capable de nourrir le politique en chiffres.