Ce blog est issu de la série « Août of the box », réalisé en partenariat avec Paperjam

Le 10 juillet dernier, les ministres des finances du G 20 ont décidé, entre autres choses, d’une nouvelle répartition des droits à taxer les bénéfices d’une centaine de multinationales dont le chiffre d’affaires dépasse 20 milliards d’euros et d’une taxation effective minimale de 15% des bénéfices de plusieurs centaines de grandes entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’euros.

Certains y ont vu un premier pas dans la bonne direction d’un changement de paradigme ; pour d’autres, il est encore trop tôt pour se faire un avis tranché sur cette décision car – en matière fiscale – le diable se cache dans les détails et l’OCDE doit finaliser les derniers détails pour le mois d’octobre ; pour d’autres encore, le communiqué du G20 a surtout servi à rappeler la force de l‘extraterritorialité du droit américain car l’accord voulu par les Etats-Unis a obligé l’UE à retarder la présentation de son « digital levy » (redevances numériques) destiné à contribuer au remboursement du plan de relance pour l’Europe Next Generation EU, et à bien des égards (Pilier 1 + Pilier 2) = (GILTI + BEAT) augmentés.

Il y a sans doute une part de vrai – et probablement un peu de faux – dans chacune de ces différentes appréciations de l’accord.

Il est cela dit un fait que la fiscalité des multinationales est entrée – encore plus profondément depuis la réunion de juillet du G 20 – dans la nouvelle ère provoquée par « BEPS », ce projet d‘envergure décidé après la crise de 2007-2009 qui a depuis modernisé, réformé et ne cesse de transformer les règles de la fiscalité des grandes entreprises (nouvelles règles du lien, plafonnement de la déductibilité des intérêts d’emprunt, échanges automatiques d’informations, encadrement des prix de transfert, etc.).

La chose curieuse – et intrigante – est que le plan BEPS, qui entendait lutter contre les pratiques fiscales dommageables, ne semble pas avoir été synonyme d‘une explosion de rentrées fiscales au titre de l’impôt sur les sociétés dans les pays de l’OCDE.

De 2,7% du PIB en 2015 (année de finalisation du plan BEPS), les recettes fiscales au titre de l’imposition des bénéfices sont passées dans les pays de l’OCDE à 3,1% en 2019 ; au niveau du G7, elles sont restées stables autour de 2,5% du PIB. Une partie de l’explication se trouve peut-être dans le fait que le plan BEPS n’a été que progressivement déployé ; une autre partie se cache dans le fait qu’entre 2015 et 2019 la majorité des pays de l’OCDE ont réduit leur taux d’impôt sur les sociétés.

Les piliers 1 et 2 récemment négociés, qui constituent « les changements les plus importants aux règles fiscales internationales depuis un siècle », ne devraient que marginalement changer la donne, d’autant plus que depuis 2019 certains pays ont mis en place des crédits d’impôt de nature à éroder le rendement de l’impôt sur les sociétés.

Les évaluations officielles font état de recettes supplémentaires de l’ordre de 175 milliards de dollars au titre des piliers 1 et 2 (soit environ 0,3% du PIB de l’OCDE) à partager bien au-delà des seuls pays de l’OCDE.

L’impact global sur les finances publiques de BEPS et de ses proches cousins (piliers 1 et 2) apparaissent ainsi comme étant plutôt faibles, quoique non-uniformes entre petits et grands pays. Sauf que plus que traduire un manque d’ambition en la matière de la part du G20, l’apparente faiblesse du surcroît de recettes fiscales tendrait plutôt à confirmer que l’impôt sur les sociétés est globalement un impôt du passé et dépassé dont la finalité est peut-être de tendre vers un rendement nul. L’Irlande qui a envisagé de mettre en place un fonds pour les mauvais jours (National Surplus Exceptional Contingencies Reserve Fund) qui sanctuariserait une fraction des recettes « exceptionnelles » tirées de l’IS semble penser cela ; la France qui a décidé de réduire son taux d’IS de 33,3% à 25% entre 2017 et 2022 pour un coût comparable à ce que devrait rapporter à « Bercy » le déploiement des piliers 1 et 2 également.

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