Au Luxembourg, l’indexation des salaires, c’est un peu comme la tartine de Kachkéis, on aime ou on n’aime pas, mais on y est souvent confronté et invité à exprimer son avis dessus… La dernière actualité sur le sujet était presque passée inaperçue : sa recette avait été changée dans le projet de loi budgétaire de 2021 (pas celle du Kachkéis).

Il est effectivement prévu dans ce texte que les hausses des prix des énergies fossiles (carburant, gaz, mazout) résultant de la taxe CO2 ne seront pas prises en compte dans le calcul de l’indice des prix qui sert de base à l’indexation des salaires. Or, la taxe carbone a des effets anti-redistributifs : les ménages les moins aisés, bien qu’ils contribuent moins aux émissions de CO2, subissent davantage les hausses des prix énergétiques car ce poste budgétaire pèse plus lourd dans leur budget.

Le gouvernement semble avoir perçu ce problème, puisqu’il a pris des mesures en faveur des ménages les plus modestes pour compenser la hausse des prix de l’énergie résultant de la taxe CO2. Le crédit impôt salarié, pensionné et indépendant augmentera de 96€ par mois pour les personnes gagnant jusqu’à 40.000€ par an (une hausse dégressive jusqu’à 80.000€ de revenus). D’après le STATEC, cette mesure compensera le coût de la taxe carbone en 2021 pour les 40% des ménages en bas de l’échelle. Par ailleurs, l’allocation de vie chère augmentera de 10%, ce qui aura très probablement pour effet de surcompenser le coût lié à la taxe carbone pour le premier quintile, bien que cette mesure réponde également à d’autres objectifs dans la crise actuelle.

Ces mesures ciblées en fonction des revenus des ménages, sont par nature beaucoup plus redistributives et donc « justes » sur le plan social qu’une éventuelle intégration de la taxe carbone dans l’index, qui « arroserait » tout le monde proportionnellement à ses revenus. En revanche, rien n’est à ce stade prévu pour « indexer » ces mesures de compensation en faveur des ménages les plus modestes aux futures hausses de la taxe carbone. Voilà un sujet qui mérite d’être ouvert.

Il faut aussi noter que les hausses des prix énergétiques liées aux évolutions des marchés continueront d’être prises en compte pour le calcul de l’index.

Enfin, si elle ne vise pas une approche punitive, il faut néanmoins garder à l’esprit que la taxe carbone est bien là pour rehausser progressivement et de manière transparente le coût relatif des énergies fossiles, y compris pour les ménages. Une surcompensation de cette dernière pourrait générer des « effets de rebond » : si vous gagnez en pouvoir d’achat, rien ne vous empêche d’utiliser ce « bonus » pour consommer des biens et services carbonés. Pour optimiser les effets de la taxe carbone, il faut veiller à compenser ses effets négatifs de manière ciblée d’une part (ce que ne fait pas l’index), et à financer des investissements qui permettront aux ménages et aux entreprises de sortir des technologies carbonées (ce qui ne repose pas uniquement sur la taxe CO2).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *