Dans le cadre d’une conférence-débat organisée par l’Institut de la Grande Région (IGR)– et la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg, la Fondation IDEA asbl a présenté une réflexion commune avec la SOLEP (Société Luxembourgeoise d’Evaluation et de Prospective) et l’IGR autour des enjeux de la coopération transfrontalière à l’échelle de la Grande Région. Cinq thèmes ont été mis en avant par les trois Think Tanks, puis débattus par un panel d’experts issus de l’ensemble de la Grande Région.

Les quatre libertés fondamentales se réalisent très concrètement en Grande Région où l’intégration se veut toujours plus aboutie. Au fil du temps, l’avènement de ces libertés a une incidence palpable sur le quotidien de ses habitants, de ses entreprises et de ses organisations qui hésitent de moins en moins à passer les frontières pour trouver un emploi, se former, consommer, chercher un fournisseur ou de nouveaux clients. Parallèlement à cette réalité socio-économique quotidienne, les acteurs institutionnels et privés du Luxembourg, de la Sarre, de Rhénanie-Palatinat, de Wallonie, de la Communauté Germanophone de Belgique et de Lorraine ont mis en place des coopérations à des échelles multiples et avec des degrés d’intensité variables. Des instances de coordination (bi et multilatérales) tentent ainsi d’offrir un cadre d’organisation à ces réalités. Néanmoins, l’on observe encore des limites à l’aboutissement de ce projet (politiquement initié en 1995). Citons ici la complexité de la gouvernance, les intérêts économiques parfois divergents difficiles à surpasser, les disparités territoriales, des sentiments d’appartenance très variables, et, soyons honnêtes, très différents selon les territoires qui ne sont pas tous tournés vers les voisins de la Grande Région, mais vers d’autres métropoles européennes plus proches (Bruxelles, Lille, Francfort, la région de la Ruhr, …). A de nombreux égards, il s’agit donc bien là d’une forme d’expérience « régionale » du projet européen : un projet politique, les défis et les doutes qui l’accompagnent.

Au moment où le Luxembourg s’apprête à prendre la présidence du Sommet de la Grande Région pour deux ans, il nous semble important de revenir aux aspects plus économiques de l’intérêt à coopérer. Quatre objectifs peuvent dès lors être mis en exergue.

Inviter les acteurs économiques à décloisonner leur « territoire de référence » 

Malgré des échanges croissants, la Grande Région est un territoire auquel les agents économiques ne pensent pas encore intuitivement. Et pourtant le potentiel est loin d’être négligeable. Sur le marché du travail, la mobilité croit, les Universités, elles aussi, sont par nature plus à même de chercher des partenaires à l’étranger, mais il y a encore de nombreux domaines pour lesquels la frontière reste parfois une barrière (on peut penser au tourisme, à l’agroalimentaire, à la santé par exemple).

Faire de la position frontalière un avantage comparatif

Dans « l’étude préparatoire à l’élaboration du volet économique du schéma de développement territorial de la Grande Région » cette idée est exprimée assez simplement : « Les Länder de Sarre et de Rhénanie-Palatinat sont encore souvent considérés comme périphériques depuis Berlin du point de vue de leur attractivité économique. Pourtant si l’on prend la mesure du dynamisme de l’économie grand-ducale qui permet d’attirer de nombreux travailleurs hautement qualifiés dans la région de Trèves, ou si l’on considère l’importance du bassin de main d’œuvre lorrain qui pourrait potentiellement irriguer le potentiel industriel sarrois en mal de démographie, la position transfrontalière constitue un avantage comparatif indéniable par rapport à d’autres Länder allemands ».

Faire reculer les barrières à la coopération

Pour révéler les effets bénéfiques transfrontaliers et les transformer en avantages comparatifs, un axe de travail prioritaire doit naturellement être de faire reculer tous les obstacles possibles à l’échange pour pousser les acteurs économiques à passer plus facilement les frontières. Ces obstacles sont d’ordre juridiques, techniques, linguistiques, culturels, administratifs, … Si des efforts ont été réalisés, notamment grâce à la coopération politique institutionnalisée (grâce aux groupes de travail du Sommet notamment), le chantier reste largement ouvert. Par ailleurs, un droit à l’expérimentation pourrait être revendiqué dans certains domaines qui n’appartiennent pas forcément aux compétences des exécutifs « de référence » de la Grande Région, mais aux Etats.

Définir et afficher des priorités

Démontrer le potentiel gagnant-gagnant, valoriser l’avantage comparatif lié à la situation géographique, faire reculer les barrières à l’échange, tout cela est nécessaire, mais certainement pas suffisant : un projet commun doit également prendre forme. Il nécessite de se mettre d’accord sur quelques priorités qui doivent être sélectionnées à la fois en fonction des grands changements à l’œuvre, mais aussi des spécificités de chacun des membres de la Grande Région. C’est en quelque sorte le principe qui préside à la démarche de spécialisation intelligente.

Sans prétendre à l’exhaustivité, cinq enjeux (à débattre) autour desquels la Grande Région gagnerait à enclencher une dynamique de coopération approfondie sont détaillés dans la présentation des trois Think Tanks :

– transition numérique,

– recherche et innovation,

– mobilité et aménagement du territoire,

– formation et marché du travail,

– démographie et vieillissement de la population.

La période de transition entre deux présidences du Sommet est propice à cette réflexion.

One thought on “Quo vadis Grande Région ?

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