Le Luxembourg est sorti plus rapidement de la récession pandémique que la plupart des pays de la zone euro et les mesures de stabilisation tout comme les dispositifs d’aide à la reprise semblent avoir pleinement joué leur rôle, limitant les pertes de revenus des entreprises et des ménages. Cette phase de reprise est néanmoins marquée par une accumulation d’incertitudes et de défis pour l’avenir. En complément des principales mesures annoncées dans le cadre de la présentation de la loi budgétaire pour 2022 visant à renforcer les investissements publics, accompagner la transition énergétique, rendre le logement plus abordable et soutenir la formation ainsi que la transition digitale, plusieurs mesures complémentaires pourraient être prises dans le but d’améliorer la protection des ménages les plus vulnérables, de soutenir les entreprises, de limiter la pression sur le marché de l’immobilier et de ne pas injurier l’avenir du pays. Ces propositions font l’objet de 9 amendements.
Le troisième amendement proposé dans le Document de Travail N°17 vise à encourager par la voie fiscale l’investissement des particuliers dans les entreprises.
Flécher l’épargne excédentaire vers les entreprises
Dans l’écosystème luxembourgeois de start-up nation constitué en un continuum qui va de la SARL-simplifiée à l’existence de Houses of (start-ups, entrepreneurship, fintech) et d’incubateurs en passant par des aides à la création d’entreprises et le mentorat, il manque une mesure fiscale incitative pour les apporteurs de fonds propres[1] qui est pourtant un élément commun aux pays les plus dynamiques et performants en termes d’entrepreneuriat. C’est que la préférence luxembourgeoise va traditionnellement aux investisseurs dans l’immobilier qui bénéficient d’une très longue – et coûteuse pour les finances publiques – liste de frais d’obtention déductibles (intérêts d’emprunt non plafonnés, amortissement pour usure, impôts fonciers, frais de gérance, etc.).
Dans le contexte actuel d’une épargne excédentaire de l’ordre de 4 milliards d’euros au titre des années 2020 et 2021, de dépenses de consommation des ménages encore quelque peu déprimées, de craintes de nouveaux variants et de restrictions sanitaires qui pèsent sur les possibilités de dépenser, de déformation du bilan de certaines entreprises sous l’effet de la crise, d’un potentiel moindre appétit pour le risque entrepreneurial dû aux incertitudes liées à la crise et alors que la (très compliquée) bonification d’impôt pour investissement en capital-risque a été abrogée le 1er janvier 2021, décider d’une fiscalité favorable à ceux qui investissent dans des entreprises est une voie à emprunter, d’autant plus que cela viendrait, en plus de renforcer le bilan des entreprises et d’accompagner le nécessaire rebond de l’investissement des sociétés non-financières, utilement concurrencer la boulimie pour la pierre.
Concrètement, cette mesure, qui reviendrait à ressusciter l’esprit des lois du 27 avril 1984 visant à favoriser les investissements productifs des entreprises au moyen de la promotion de l’épargne mobilière et du 3 avril 1989 instaurant un régime fiscal temporaire pour les certificats d’investissement en capital-risque, pourrait s’inspirer du tax-shelter scale-up belge, de l’IR PME français, ou du dispositif « Invest » allemand[2] et consister en un abattement d’impôt sur le revenu fixé entre 25 et 30% du montant investi dans une entreprise éligible sans que l’abattement en question ne puisse dépasser un certain seuil (par exemple 20% du revenu imposable).
[1] Business angels, venture capital, corporate venture capital.
[2] Voir à ce sujet : Michel-Edouard Ruben (2017), Start-up nation : vers un young business act et Michel-Edouard Ruben (2018), Elections législatives 2018 – Cahier thématique n°5/5.