© photo : Julien Mpia Massa

Depuis le 16 novembre, le Luxembourg a un plan de marche pour les cinq années à venir. IDEA propose une série de blogs pour analyser quelques-uns des points saillants de l’accord de coalition 2023-2028. Troisième volet de cette série : la future stratégie sur l’informatique quantique.

L’accord de coalition 2023-2028[1] a, sans surprise, prôné la continuité en matière de diversification économique. Il indique ainsi que « le Gouvernement stimulera davantage la diversification économique de notre pays afin de créer, voire de renforcer, des écosystèmes intégraux dans les secteurs prioritaires, à savoir la logistique, les technologies de santé, le cleantech, l’espace et l’économie des données y compris le domaine de l’intelligence artificielle. » Le Luxembourg s’est déjà fortement engagé sur le développement de ces secteurs prioritaires, avec pour certains d’entre eux de premiers investissements datant d’il y a deux décennies.

Les initiatives sur l’économie des données sont plus récentes et se sont multipliées ces dernières années. L’objectif ambitieux affiché en juin 2021 par la stratégie « Ons Wirtschaft vu muer – Feuille de route pour une économie compétitive et durable 2025[2] » était de devenir un « leader européen en matière de sécurité et de confiance en la transformation de l’économie axée sur les données dans un environnement géopolitique complexe. » Pour cela, le Luxembourg peut s’appuyer sur le développement du superordinateur Meluxina, le projet de cloud souverain basé sur les technologies de Google et sur des stratégies dédiées à la « data-driven innovation[3] » et à l’intelligence artificielle[4].

L’accord de coalition propose les prochaines étapes du développement de l’économie des données. « Le Gouvernement procédera à une mise à jour de la stratégie d’innovation basée sur la donnée, effectuera une mise à jour de la stratégie IA et veillera à ce que les deux stratégies soient complémentaires. Le Gouvernement se dotera également d’une stratégie dans le domaine de l’informatique quantique », qui serait ainsi le prochain grand domaine visé pour devenir un leader du big data en Europe.

L’informatique quantique, qu’es aquò ?

L’informatique quantique repose sur l’utilisation de la mécanique quantique pour calculer beaucoup plus rapidement et résoudre certains problèmes trop complexes pour des ordinateurs classiques. Cette accélération provient notamment d’un fonctionnement basé sur des bits quantiques, ou qubits, en lieu et place des traditionnels bits informatiques standards. Présentée comme une technologie transformatrice, l’informatique quantique pourrait concrètement faciliter l’invention de nouvelles molécules, l’optimisation des processus logistiques, l’anticipation des mouvements des marchés financiers, l’apprentissage des intelligences artificielles ou encore le décryptage des réseaux sécurisés par des pirates, des problématiques dont la résolution repose sur une très grande complexité sur le plan des calculs. Actuellement, la fabrication d’ordinateurs quantiques rencontre de nombreuses difficultés dues principalement à l’instabilité des qubits qui nécessitent d’être placés dans un environnement proche du zéro ou du vide absolus pour ne pas redevenir de simples bits.

Des acteurs privés internationaux tels que Microsoft, Intel, IBM ou Google, ont investi massivement dans cette technologie, tout comme les principales économies mondiales, la Chine, qui projette d’allouer 10 milliards de dollars à son laboratoire national quantique, étant à la pointe dans ce domaine. L’Union européenne a initié en 2018 le Quantum Technologies Flagship, un programme de recherche doté d’un budget de 1 milliard d’euros, et a pour ambition de disposer d’un premier ordinateur à accélération quantique d’ici à 2025 et être à la pointe des capacités quantiques d’ici à 2030.

Premières étapes du code quantum luxembourgeois

L’informatique quantique est déjà une réalité au Luxembourg. Le LIST vient d’obtenir un financement de 4 millions d’euros dans le cadre du programme PEARL du Fonds National de Recherche pour le projet AQuaTSiC (Advanced Quantum Technologies with Silicon Carbide) qui vise à développer des matériaux plus performants pour l’informatique quantique en utilisant le carbure de silicium. En outre, le groupe Post, Rhea Group, Hitec, le SnT et l’Agence spatiale européenne se sont associés pour mettre en œuvre des cas d’usage internationaux pour la distribution de clés quantiques dans des environnements informatiques opérationnels, avec le secteur financier comme client potentiel pour cette solution innovante en matière de cybersécurité.

Les fondements d’une stratégie réussie

Si la future stratégie luxembourgeoise sur l’informatique quantique ne garantit pas, à elle seule, une spécialisation réussie, ceci d’autant plus sur une technologie en amélioration permanente, la démarche annoncée par l’accord de coalition devrait permettre d’augmenter la maitrise de ces technologies pour les acteurs privés et publics tout en renforçant la souveraineté numérique du pays.

Quelques fondements, basés sur des expériences récentes, seraient susceptibles d’augmenter l’impact d’une telle stratégie. Tout d’abord, le gouvernement devrait s’appuyer sur un comité composé d’experts reconnus au niveau international, comme c’est le cas pour l’initiative sur les ressources spatiales. De plus, la future stratégie devrait identifier des partenariats potentiels européens et internationaux, publics et privés, la complexité du sujet requérant des coopérations entre experts de par le monde. Par ailleurs, une approche bottom-up reposant sur une vaste consultation des entreprises, chercheurs et experts, individuelle et collective, est nécessaire à l’exploration de toutes les potentialités concrètes de telles technologies pour le pays. Cette consultation devrait alimenter, comme cela a été fait pour « The Data-Driven Innovation Strategy for the Development of a Trusted and Sustainable Economy in Luxembourg », les passerelles concrètes avec les spécialisations présentes et en devenir, soit des secteurs d’activité tels que l’industrie des fonds d’investissement ou la logistique.

Les défis d’une telle stratégie sont immenses, au regard de la révolution technologique que pourrait constituer l’informatique quantique et de l’identité des acteurs s’étant fortement engagés dans ce domaine : GAFA, économies à la pointe technologique… Le Luxembourg a beaucoup à gagner de la réussite de cette future stratégie s’il réussit à rassembler des compétences de pointe, à développer des produits et services de niche et, bien entendu, si l’informatique quantique répond aux espoirs qu’elle a fait naître.

 


[1] Accord de coalition 2023-2028 – « Lëtzebuerg fir d’Zukunft stäerken », 2023.

[2] Ons Wirtschaft vu muer – Feuille de route pour une économie compétitive et durable 2025, 2021.

[3] The Data-Driven Innovation Strategy for the Development of a Trusted and Sustainable Economy in Luxembourg, 2019.

[4] Intelligence artificielle : une vision stratégique pour le Luxembourg, 2019.

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