© photo : Julien Mpia Massa

Depuis le 16 novembre, le Luxembourg a un plan de marche pour les cinq années à venir. IDEA propose une série de blogs pour analyser quelques-uns des points saillants de l’accord de coalition 2023-2028. Premier volet de cette série : l’aménagement du territoire.

Si le programme de coalition est par définition un accord qui (ne) donne (que) les grandes lignes directrices dans les principales politiques publiques à mettre en œuvre, certaines considérations importantes pour la stratégie d’aménagement du territoire restent encore à préciser.

En l’espace de 30 ans, le Luxembourg a multiplié son PIB par 2,6, créé près de 290.000 emplois (x2,5), vu le nombre de frontaliers augmenter de 170.000 (x6) et connu une poussée démographique de près de 250.000 personnes (+65%). Ces évolutions, bien que mal anticipées, ont pour partie été possibles parce que le pays disposait de « réserves » diverses (main d’œuvre frontalière, logements, infrastructures, etc.) qui ont considérablement diminué depuis. La poursuite de l’expansion économique du pays, dont on comprend qu’il s’agit d’un scénario privilégié par la nouvelle majorité, ne pourra pas se limiter au renforcement des avantages compétitifs « traditionnels » du site Luxembourg (fiscalité, éducation, R&D, protection sociale, simplification administrative, etc.). Elle nécessitera également d’opérer certains changements profonds dans le domaine de l’aménagement du territoire avec une stratégie qui devra être mise en œuvre de manière cohérente dans l’ensemble du pays et autour de ses frontières.

Dans l’accord, l’annonce d’une révision du tout nouveau programme directeur d’aménagement du territoire (PDAT) avec pour priorité de « respecter l’autonomie communale » pose question. En effet, le caractère « peu opérant » des dernières stratégies d’aménagement du territoire, pourtant bien pensées, s’explique en partie par les écarts entre les grandes lignes directrices nationales et les pratiques communales en la matière. Dans le scénario d’un Luxembourg à plus d’un million d’habitants, une diminution du caractère contraignant (ou incitatif, pour rester réalistes) de l’aménagement du territoire pourrait contribuer à rendre la croissance démographique encore plus riche en externalités négatives (étalement urbain, allongement des trajets, inefficacité des réseaux publics de transport, défiguration des espaces villageois, etc.). Un modèle territorial qui « fonctionne » à 650.000 habitants ne fonctionne pas nécessairement à plus d’un million.

Si le nouveau ministre veut prendre en considération les contributions à la consultation effectuée dans le cadre du PDAT comme l’annonce l’accord de coalition, il pourrait s’inspirer des propositions concrètes formulées dans la « Vision territoriale pour le Luxembourg à long terme » publié en février dernier [1], avec des suggestions de réformes visant à accroître l’efficacité des politiques d’aménagement du territoire.

Dans les champs de compétences du ministre, un équilibre subtil devra également être trouvé entre l’absolue nécessité de construire plus (de logements) et l’incontournable contrainte de les construire aux bons endroits. Les trois principales agglomérations du pays devront opérer une importante mutation, des nouvelles centralités urbaines devront émerger et la plupart des espaces ruraux devront limiter leur croissance démographique. Une lueur d’espoir ressort d’une récente étude du STATEC, de l’Université et du LISER qui montre que l’évolution démographique de la dernière décennie ne s’est pas manifestée par un étalement urbain disproportionné. Cette évolution encourageante ne devrait pas être interprétée comme une invitation à lâcher la bride en matière de planification territoriale, bien au contraire.


[1] Voir également : https://www.fondation-idea.lu/2023/02/27/document-de-travail-n21-quelques-reflexions-sur-le-projet-de-programme-directeur-damenagement-du-territoire-pdat-2023/.

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