Ce blog est issu de la série « Août of the box 2023  », réalisé en partenariat avec Paperjam  

© photo : Julien Mpia Massa

Chaque semaine de ce mois d’août, les économistes de la Fondation IDEA se penchent sur les grands défis auxquels le prochain gouvernement devra faire face. Troisième sujet abordé, l’élaboration d’une stratégie nationale de compétences des seniors, permettant notamment de faire face aux avancées technologiques rapides dans le monde du travail.

Lors du Sommet social de Porto en mai 2021, la Commission européenne a présenté son plan d’action pour une Europe plus sociale, dont l’un des objectifs est d’atteindre, d’ici 2030, 78% de taux d’emploi dans l’UE pour une population âgée de 20 à 64 ans et un deuxième consistant à parvenir à une part d’au moins 60% de la population adulte qui participe chaque année à des formations. Au Luxembourg, ces deux objectifs s’élèvent respectivement à 77,6% et 62,5%. En 2022, selon Eurostat, le taux d’emploi au Grand-Duché atteignait 74,8%, légèrement au-dessus de la moyenne de l’UE. Toutefois, il n’était que de 46,6% pour les 55-64 ans, plaçant le pays au dernier rang pour cette catégorie d’âge.  Le taux d’emploi des 55-64 ans s’élevait à 62,3% en moyenne dans l’UE, 56,9% en France et 73,3% en Allemagne pour cette même année. Afin d’atteindre l’objectif européen du taux d’emploi, parmi d’autres mesures, l’UE a décidé de faire de 2023 l’année européenne des compétences. La formation continue, en particulier pour l’adaptation aux évolutions technologiques, jouera ici un rôle clé. Au Luxembourg, de nombreuses stratégies ont été élaborées pour approfondir les compétences numériques, comme dans le Plan de reprise et de résilience du Luxembourg (2021) où figure, entre autres, l’initiative « Future Skills » lancée par l’ADEM qui cible surtout les demandeurs d’emploi de plus de 45 ans.

En effet, tant au Luxembourg que dans l’UE, le taux de participation à la formation et à l’éducation dans la population totale, décroît très fortement avec l’âge.

Source : Eurostat.

« L’atout senior » en entreprise 

Les seniors possèdent une expérience professionnelle riche et une connaissance approfondie de leur secteur d’activité et il est essentiel de veiller à ce qu’ils restent à jour sur les nouvelles technologies, les tendances et l’évolution des compétences nécessaires. Les avancées technologiques touchent tous les secteurs d’activité et peuvent transformer fondamentalement les méthodes de travail. Les entreprises doivent donc mettre en place des programmes de formation adaptés. Cela peut également contribuer à renforcer la satisfaction au travail, à réduire les risques de désengagement et de départ prématuré à la retraite et à favoriser la transmission des connaissances aux jeunes générations. S’ajoute à cela le fait qu’avec le vieillissement de la population, les seniors représenteront une part toujours plus importante des actifs.

Malgré le fait que les seniors soient un atout indéniable dans l’entreprise, selon une récente étude de l’OCDE [i], il est montré qu’ils ont plus de difficultés à utiliser les outils numériques. Une étude du LISER[ii] suggère également que les seniors sont plus représentés parmi les résidents qui indiquent qu’Internet leur rend la vie plus compliquée et est une source de stress.

L’importance d’une stratégie nationale des compétences pour seniors

Selon l’Observatoire de la Formation[iii], les seniors ont suivi en moyenne 4,4 formations professionnelles continues dans les entreprises en 2019 (contre 3,8 en moyenne en 2015), dont 30% portaient sur le thème Techniques/Métiers (liées à l’activité principale), 25% sur le thème de la Qualité/ISO/Sécurité et 22% en Finance, comptabilité et droit. Seulement 8% des formations suivies par les seniors portaient sur l’informatique et la bureautique.

Afin de permettre aux seniors de poursuivre leur activité économique sans se sentir à l’écart en raison des mutations du travail, quelques pistes d’une stratégie nationale des compétences pour seniors peuvent être esquissées. En s’inspirant du Plan de mise en œuvre de la Garantie pour la Jeunesse, dans un premier temps, il s’agirait de mettre en place une « Garantie pour seniors », où l’idée serait alors de ne laisser aucun senior sans une mise à jour de ses connaissances et compétences numériques. Ensuite, plusieurs programmes pourraient composer cette « Garantie pour seniors », comme un outil de matchmaking sous la forme d’un bilan de compétences « systémique » dès l’âge de 45 ans, afin de mieux cibler les compétences nécessaires, ou encore la création de dispositifs incitant à la collaboration intergénérationnelle. Par ailleurs, pour les seniors en âge de travailler qui ne sont ni en emploi, ni en retraite, ni en formation (NERF[iv]), il conviendrait d’instaurer des programmes d’accompagnement adaptés à leurs besoins spécifiques et de leur offrir un soutien continu pour les aider à réintégrer le marché du travail. Dans ce cas de figure, il peut s’agir de programmes de reconversion professionnelle, qui pourraient intégrer l’intervention d’entreprises innovantes pour rester à jour avec les avancées technologiques.

Cette « Garantie pour seniors » permettra de créer un environnement plus inclusif où les générations plus expérimentées d’actifs pourront davantage contribuer à la réussite économique du pays.


[i] OECD (2023), OECD Skills Strategy Luxembourg : Assessment and Recommendations, OECD Skills Studies, OECD Publishing, Paris, , https://doi.org/10.1787/92d891a4-en

[ii] LISER (2023), Inclusion numérique, Une identification des facteurs à l’origine de la fracture numérique.

[iii] Observatoire de la Formation de l’INFPC (2022), Pratiques de formation.

[iv] Le terme NERF, i.e ni en emploi, ni en retraite, ni en formation, et la « Garantie pour seniors » apparaissent dans la partie « Préserver le tissu productif » issue du Recueil Grands Défis et rédigée par la Fondation Idea asbl.

One thought on “« Août of the box 2023 » : Repenser la formation professionnelle continue pour les seniors

  1. Merci beaucoup pour cette contribution extrêmement importante ; en tant que professeure émérite (Université du Luxembourg), je considère que l’idée d’une coopération qui dépasse les frontières entre les générations est absolument essentielle et profitable pour tous les participant_e_s. Une telle approche modifie également, à mon avis, l’idée du travail comme charge nécessaire vers l’idée d’une activité autodéterminée qui contribue à l’épanouissement personnel ET assure la subsistance.
    Cela est étroitement lié à la pensée d’Hannah Arendt sur Vita Activa/Vom tätigen Leben et à la notion sous-jacente d’Amor Mundi, l’amour du monde et du vivant, ce qui semble plus que jamais nécessaire à notre époque et que je conçois moi-même actuellement dans le contexte de “l’amour comme continuum”.

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