L’objectif d’atteindre en 2020 une baisse des émissions de gaz à effet de serre (hors marché du carbone)[1] de 20% par rapport au niveau de 2005 a été atteint au Luxembourg, en partie « grâce » à la pandémie de Covid-19 qui a imposé une réduction importante des activités humaines cette année-là. Mais une forte accélération de l’effort est attendue d’ici à 2030. La comparaison est impressionnante : depuis 2005, les émissions baissaient en moyenne de 0,7% par an (en excluant l’année 2020), alors que le plan climat national ambitionne un recul moyen des émissions de plus de 6% chaque année entre 2021 et 2030. Cette accélération de la trajectoire apparaît d’autant plus ambitieuse que les années 2017, 2018 et 2019 étaient marquées par un retour de la hausse des rejets carbonés au Luxembourg.

En outre, le fait que le pays connaisse une croissance démographique aussi soutenue n’est pas neutre sur le plan des objectifs climatiques et appelle deux constats. Le premier est que la baisse des émissions du pays observée depuis 2005 dessine en fait une dynamique de découplage. Quand les émissions totales n’ont baissé que de 0,7% par an en moyenne de 2005 à 2019, les émissions par tête ont reculé de 2,7% l’an, passant de près de 22 tonnes équivalent CO2 (teCO2) par habitant à 15 (hors marché du carbone). Le deuxième est que la perspective d’une forte dynamique démographique, qui pourrait déboucher sur un Luxembourg à 760.000 habitants en 2030[2], revient à comprimer les émissions par tête de l’ordre de 8% par an entre 2021 et 2030, pour les amener autour de 6 teCO2 par tête. Cela représente un triplement du rythme de baisse observé depuis 2005.

En d’autres termes, si l’on tient compte des émissions par tête, le « fit for 55 » (objectif européen – et luxembourgeois – de baisse de 55% des émissions en 2030 par rapport à 2005) se traduit localement par « fit for 73 ».

Vu les projections démographiques d’Eurostat et les objectifs nationaux en discussion depuis le rehaussement des objectifs en juillet dernier, il s’agit là – et de loin – du plus important effort attendu en comparaison européenne. Pour autant, il serait difficile de critiquer la répartition de l’effort entrevue par la Commission européenne sous prétexte qu’il n’intégrerait pas suffisamment la dynamique éco-démographique luxembourgeoise. En effet, la cible implicite de 6 teCO2 par tête en 2030 (hors marché du carbone) représenterait toujours un niveau d’émissions 2,4 fois plus important que la moyenne de l’UE (2,5 teCO2 / hab), et laisserait le Luxembourg encore largement en tête du classement.

En outre, la traditionnelle critique selon laquelle la mesure actuelle des émissions de CO2 est inappropriée parce qu’elle intègre les achats de carburant des non-résidents pourrait bien souffrir des estimations à venir de l’empreinte carbone, réellement liée aux « modes de vie » et « de production » des entités résidentes.

Le défi s’annonce (vraiment) considérable.


[1] Par convention, toutes les données présentées dans cet article excluent les émissions liées au marché européen du carbone qui entrent dans des objectifs de réduction transnationaux, ainsi que le bilan carbone résultant des activités liées à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie.

[2] Voir : https://statistiques.public.lu/fr/publications/series/bulletin-statec/2017/03-17-Projections-macroeconomiques-et-demographiques/index.html.

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