Pendant le « grand confinement » de 2020, les spéculations allaient bon train sur « l’allure » que prendrait la récession puis la reprise économique qui s’ensuivrait : V ? W ? L ? Racine carrée ? Avant que n’apparaisse l’hypothèse d’un « K », différenciation entre les secteurs d’activité oblige.

Les vagues épidémiques ont plongé certaines entreprises (la branche basse du « K ») dans une rude et longue phase de stop and go, quand ce ne fut pas l’hibernation complète. Mais à crise inédite, solution inédite : les pouvoirs publics ont rapidement compensé « à la source » la plupart des pertes de revenus, maintenant à flot l’économie luxembourgeoise et évitant les déconfitures en cascade. La facture provisoire de ces mesures discrétionnaires s’élève à environ 2 milliards d’euros, mais il est fort probable que l’absence d’intervention aurait engendré un coût collectif bien plus important à long terme.

Pour le reste, le pays pouvait compter sur des spécialisations économiques favorables dans le contexte pandémique, le télétravail, la hausse des marchés financiers et le succès des TIC aidant : c’est la branche haute du « K ». L’industrie, qui était dans une phase conjoncturelle difficile en 2019, a retrouvé des couleurs à la faveur d’un transfert de demande des consommateurs qui ne pouvaient pas se tourner vers certains services, sans compter l’emballement des commandes intrabranches pour s’assurer des stocks de précaution (proche de « l’effet papier toilette »). La construction a construit, le secteur des soins a soigné. Au total, le pays n’est resté en récession que 2 trimestres et a réussi l’exploit de continuer à créer des emplois en 2020.

Avec la sortie des principales restrictions sanitaires à la fin du printemps, les secteurs les plus en souffrance sont progressivement en train de retrouver des niveaux d’activité « normaux ». En juin, il n’y a jamais eu autant de déplacements au Luxembourg que depuis le début de la pandémie : c’est un bon indicateur avancé pour les entreprises dont les affaires impliquent une présence physique. Cet effet de rattrapage donne clairement l’impression d’une reprise en « V » majuscule et nous permet de dire avec moins de précautions qu’il y a 3 mois que nous sommes entrés dans un cycle expansionniste. Les finances publiques sont convalescentes, le chômage baisse, les créations d’emploi s’accélèrent, les marchés financiers continuent de progresser…

Mais la crise n’est pas terminée. Le risque sanitaire revient, les difficultés de trésorerie pourraient se manifester par endroits (c’est souvent au moment de la reprise qu’elles apparaissent) tout comme les tensions inflationnistes et les ruptures de certains matériaux. Sur le plus long terme, d’autres vents contraires existent. Les distorsions intra-européennes et intercontinentales, le poids des « dettes Covid », le difficile déblocage de l’épargne « forcée » liée à la crise sanitaire (1,7 milliards d’euros au Luxembourg !), les conséquences des décrochages scolaires (voire professionnels) et autres inégalités, les risques de corrections des prix d’actifs gonflés par la politique monétaire expansionniste, le retour des difficultés de recrutement, de mobilité, l’impact incertain des réformes fiscales internationales, sont autant de sujets de cette sortie de crise qui devront être scrutés attentivement.

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