Premier poste de dépenses, à l’origine de près d’un milliard d’euros d’interventions publiques sous forme d’aides directes (subvention de loyer, aides à l’acquisition de la résidence principale, dépenses pour les constructions d’ensemble, etc.) et indirectes (bëllegen akt, déductibilité des intérêts d’emprunts, amortissement pour les logements donnés en location, déduction d’assurance solde restant dû, TVA logement, etc.), principale classe d’actifs investis par les ménages, auréolé de valeurs sentimentalo-patrimoniales, vecteur de sociabilité et déterminant du parcours scolaire, le logement est un bien nécessaire à une vie décente et un déterminant majeur du bien-être des familles.
Est-il donc normal que la « crise du logement » soit en tête des préoccupations des résidents du Luxembourg qui constatent, pantois et inquiets, que le prix du m2 évolue plus vite que leurs revenus et que le nombre de ménages évolue plus rapidement que le stock de logements.
Les solutions « théoriques » à ces problèmes de cherté et de quantité sont évidentes. Il faudrait une modération de la hausse des prix immobiliers – voire un recul des prix pour qu’ils redeviennent des multiples moins élevés des revenus moyens – et construire plus de logements.
Mais tout cela est bien plus facile à souhaiter qu’à atteindre !
Dans un Luxembourg où s’acheter un logement est à la fois une espérance et un saint graal, près de 70% des ménages sont propriétaires. Il est dès lors évident que – fort logiquement – la majorité de la population ne gouterait que peu que la hausse des prix immobiliers, symbole de la crise du logement, soit remplacée par un recul des prix, synonyme de crise immobilière et d’appauvrissement patrimonial. S’agissant de la simple « modération de la hausse », elle est certes plus souhaitable et admissible mais ne se décrète pas ni ne se pilote. Le Luxembourg étant un petit pays riche/ouvert/ attractif/en forte croissance où l’épargne est abondante, les infrastructures de qualité et la règlementation urbanistique et immobilière sophistiquée, les prix ont tendance à suivre la loi de l’offre et de la demande. La capacité des Ministres du logement à influencer l’évolution des prix immobiliers y est donc factuellement plutôt limitée et tant qu’il existera des investisseurs (bailleurs ou propriétaires occupants) capables de payer les prix de plus en plus élevés demandés, y compris dans des zones inondables, de tels prix seront demandés et la hausse se poursuivra sans qu’il ne soit possible de décréter – ni même d’anticiper – la magnitude, la durée ni le maximum atteignable.
Source : STATEC, CHD, BRI
S’agissant du noble objectif de « construire plus et plus vite » afin d’éviter que le parc de logements ne soit sous-dimensionné, il est contraint, comme généralement évoqué, par la rétention foncière, par l’autonomie communale et par la règlementation (étude environnementale stratégique, législation en matière de commodo-incommodo, loi sur les sites et monuments classés, etc.) ; mais, et cela est moins souvent dit, la disponibilité de la main-d’œuvre est un facteur de frein à l’activité qu’il ne faut pas sous-estimer. Le secteur de la construction – qui emploie 10% des salariés au Luxembourg contre 6% en moyenne au sein de l’UE – se plaint depuis de nombreuses années de problèmes liés au manque de main-d’œuvre qui serait, nécessairement, exacerbé si la production de logements devait progresser de 50% pour atteindre les 6.000 unités par an, ce qui permet de douter de la possibilité d’atteindre de façon pérenne un tel niveau de construction.
En somme, il n’est pas impossible que les prix immobiliers continueront de grimper au Luxembourg et que le pays continuera de craindre une pénurie de logements dans un horizon prévisible[1] !
[1] Voir à ce sujet : Michel-Edouard Ruben (2019), Logement au Luxembourg : le pire serait-il à venir ?
Le problème n’appelle-t-il pas une solution au niveau de la Grande Région,
ou les prix restent abordables en dehors du Grand-Duché?