OpenLux est venu rappeler – entre autres – que l’économie luxembourgeoise était « particulière » et que certains ratios s’y rapportant – comme la valeur ajoutée du secteur financier/PIB ou le stock d’investissements directs étrangers (IDE)/PIB – semblent pour le moins « douteux ».
Il est un fait qu’on peut – y compris de bonne foi – trouver suspect que le secteur financier pèse 25% du PIB au Luxembourg (vs 5% en moyenne au sein de l’UE) ou que les stocks d’IDE (entrants et sortants) y représentent plus de 60 fois le PIB.
Mais pour suspect que cela puisse sembler, il n’y a là en vérité rien de bien surprenant pour au moins deux raisons : 1) le Luxembourg est une économie de très petite taille 2) les services financiers – dans lesquels il s’est spécialisé – sont (partout) des activités très particulières – y compris à l’aune du traitement fiscal qui leur est réservé.
La taille réduite du Grand-Duché (PIB d’environ 60 milliards d’euros) explique (et oblige) qu’il se soit spécialisé. Ainsi, que le secteur financier représente 25% de l’économie du Luxembourg parait moins aberrant quand il est rapproché du fait que les activités financières représentent 48% de la valeur ajoutée produite dans les Hauts de Seine, 44% de la valeur ajoutée produite à Frankfurt am Main, 42% de la valeur ajoutée produite dans la Région Bruxelles-Capitale, ou que l’industrie pèse 39% de l’économie de Stuttgart.
Par ailleurs, les chiffres de la finance moderne donnent naturellement le tournis et dépassent – tout aussi naturellement – souvent l’entendement. La part du secteur financier est de l’ordre de 4% du PIB en France et en Allemagne (soit autant que les activités culturelles et l’agriculture), mais dans le même temps le bilan agrégé des six principaux groupes bancaires français s’élève à 300% du PIB et l’engagement de la seule Deutsche Bank sur les produits dérivés s’élevait en 2016 à 1200% du PIB allemand.
Si les questionnements sur le droit souverain du Luxembourg d’offrir la possibilité de choisir la voie fiscale la moins taxée via le Grand-Duché peuvent avoir leur pertinence dans un cadre d’union monétaire et de lutte mondiale contre l’érosion des bases taxables, s’étonner de la taille et de l’importance du secteur financier luxembourgeois à l’aune de son PIB est à la fois curieux (pour les raisons susmentionnées) et stratégiquement malvenu (de la part des Européens) alors que les Etats-Unis abritent le Delaware, que la Chine dispose de Hong Kong et de Shangaï, et que le Royaume-Uni compte Londres. S’il est nécessaire d’éviter les courses au moins-disant et de prévenir les abus, la réalité du monde des affaires fait qu’il existe une « géopolitique des centres financiers » à prendre en compte. La Chine et les Etats-Unis ont d’ailleurs montré qu’ils en étaient conscients quand ils ont exigé et obtenu que ni le Delaware, ni Macao, ni Hong Kong ne se retrouvent en 2009 sur la liste grise de l’OCDE des centres financiers non coopératifs – qui grouillait de pays européens.
Aussi incongru que cela puisse paraître, il est un fait que pouvoir compter en son sein un pays comme le Luxembourg qui accueille et concentre un grand nombre de sociétés affiliées étrangères et d’entités à vocation spéciale qui canalisent des flux de capitaux est pour l’UE – qui rêve d’autonomie stratégique et de souveraineté économique – un atout plutôt qu’une coûteuse charge.
Merci cher Michel-Edouard de remettre l’église au milieu du village et pour le moins de nous donner un point de vue plus décalé
Bravo pour cet article qui place lea données dans leur contexte.
Malheureusement je crains que le populisme politique de certains, quand il s’agit de dévier l’attention des citoyens, ne soit pas en faveur de cet article.