Article paru sur le site Infogreen.lu dans le dossier du mois consacré à l’économie circulaire.

Il existe probablement mille et une manières d’évaluer la transition vers une économie plus circulaire dans une entreprise, une ville ou un pays. L’une d’entre-elles est la notion de productivité des ressources. Elle consiste à rapporter les richesses produites (le PIB, pour un pays) à la consommation domestique de matériaux nécessaire à cette création de valeur. L’indicateur permet des comparaisons entre pays, mais aussi dans le temps, afin de jauger de la réalisation du « découplage » tant espéré entre output et intput.

Or le Luxembourg n’est pas un pays comme les autres et tout indicateur a ses limites. Pour preuve, il est tout à fait possible de lire à quelques jours d’intervalle – et de le croire de bonne foi – que le Grand-Duché a l’une des pires empreintes écologiques au monde (si toute la population mondiale vivait comme ses résidents, il faudrait 8 planètes pour subvenir à son appétit vorace de matières et pour absorber les effets néfastes de sa pollution[1]), et qu’en même temps, il est l’un des champions européens en matière de productivité des ressources. Effectivement, le ratio PIB / matières consommées le classe au 5ème rang des pays les plus performants de l’UE. Pour autant, la croissance est-elle plus verte ici qu’ailleurs ?

Si l’indicateur de productivité des ressources situe tout à fait honorablement le pays, il faut pour autant veiller à ne pas glisser sous le tapis les effets liés à certaines de ses spécificités. On pense notamment au fait qu’il est une économie fortement tertiarisée (on y consomme beaucoup de biens produits ailleurs, on y vend beaucoup de services financiers particulièrement productifs) et qu’il recourt assez massivement à des salariés non-résidents (ces derniers n’affectent que partiellement l’empreinte écologique du Luxembourg, ils n’y construisent pas de maisons, consomment davantage à l’étranger, mais y créent une part non négligeable des richesses). On pourrait alors instinctivement tenter de rééquilibrer l’indicateur en mesurant la quantité de matière consommée par habitant. Mais cette fois-ci, c’est un biais négatif qui fausse la donne : la population résidente ne reflète pas l’ensemble des personnes qui « prennent leur part » dans l’économie du pays. Le fardeau environnemental imputé aux résidents serait alors surestimé. Le tableau ci-dessous montre bien cette situation complexe :

Les statistiques ont parfois un côté « magique » au Grand-Duché. Un petit tour sans trucage : si vous vous intéressez à une grandeur « négative », comme la pression sur les ressources naturelles, et que vous souhaitez faire remonter le pays dans les classements, rapportez alors cette grandeur au PIB. En revanche, si vous souhaitez montrer qu’il est un mauvais élève, rapportez-la à la population… et vice-versa. Plus sérieusement, en matière de productivité des ressources, une approche sectorielle (industrie, construction, agroalimentaire, etc.) semble incontournable pour identifier les forces, les faiblesses et surtout les marges de progrès du pays par rapport à ses camarades européens. Dans ce domaine comme dans d’autres, méfions-nous donc des benchmarks trop généralistes.

 


[1] Source : Global Footprint Network.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *