Edito de la semaine : Vive l’immigration portugaise – viva a imigração portuguesa

En ce jour de fête nationale portugaise, il importe de mettre en évidence l’un des (certes nombreux) domaines où le Luxembourg se distingue des autres pays de l’Union européenne, à savoir l’ampleur de l’immigration en provenance du pays des œillets. Qu’on en juge : en 2021, 94 000 résidents étaient officiellement de nationalité portugaise et environ 10 000 résidents avaient la double nationalité. En d’autres termes, la communauté lusitanienne est forte de quelque 104 000 personnes au Grand-Duché et représente par conséquent 16% de la population totale. Des villes comme Esch-sur-Alzette, Differdange ou Larochette abritent même respectivement 33, 36 et 44% de Portugais.

Il s’agit là d’un cas unique en Europe, qui constitue pour le Luxembourg une véritable aubaine, avec à la clef une fructueuse émulation culturelle voire même historique (le Portugal étant l’une des plus anciennes nations d’Europe), un enrichissement du paysage gastronomique et maintes opportunités d’échanges. La présence portugaise a contribué à conférer au Luxembourg une chaleureuse dimension latine, qui n’allait nullement de soi comme l’atteste un climat assurément peu idyllique. Nombre de bars ou restaurants semblent avoir été directement transplantés de Lisbonne et le vin de Porto continue à nous surprendre par ses douces et subtiles fragrances. Le tout avec un sens du sérieux qui n’est plus à démontrer, dont témoigne par exemple l’excellent déroulement de la visite d’Etat luxembourgeoise au Portugal en mai ou une part de quelque 60% de renouvelable dans le volume total d’énergie produit par le Portugal.

A noter enfin une contribution économique primordiale, avec 55 000 salariés résidents (IGSS, mars 2021), dont 10 400 travailleurs frontaliers de nationalité portugaise contre 3 300 en 2010 – cette explosion s’expliquant notamment par le coût croissant du logement. Soit 12% de la main-d’œuvre salariée et ce compte non tenu des Luxembourgeois d’origine portugaise.

La communauté portugaise mériterait assurément plus d’attention de la part des économistes, sociologues, historiens, en bref de la communauté des sciences humaines. Les études ne manquent pas[1], mais elles gagneraient à être davantage communiquées, débattues et mises en perspective.

Pour conclure : continuons tous ensemble – vamos todos continuar juntos…


[1] Voir notamment https://statistiques.public.lu/fr/publications/series/regards/2018/06-18.html,  https://www.wort.lu/fr/luxembourg/le-luxembourg-reste-une-terre-d-emigration-portugaise-60b0b01fde135b9236942223 et https://www.liser.lu/publi_viewer.cfm?tmp=2662.

Edito de la semaine : De l’inégalité des sexes devant l’éducation

Les femmes, dont le salaire social minimum était au Luxembourg légalement inférieur à celui des hommes jusqu’en 1963, gagnent en moyenne moins que leurs collègues masculins et sont moins souvent à des postes à haute responsabilité. Ce double état de fait est, logiquement, en haut de l’agenda politique et il existe de nombreuses initiatives publiques pour arriver à atteindre une véritable égalité professionnelle entre les genres en lien avec la promesse de l’article 11 de la Constitution du Grand-Duché « l’Etat veille à promouvoir activement l’élimination des entraves pouvant exister en matière d’égalité entre femmes et hommes ».

Si – à l’aune du taux d’emploi, du travail à temps plein et de la rémunération – les hommes ont nettement l’avantage sur le marché du travail, dans le domaine de l’éducation, qui en principe prépare et arme pour la vie professionnelle, les femmes « triomphent » (désormais) systématiquement des hommes. Elles sont ainsi 65% parmi les 30-34 ans à avoir atteint le niveau d’enseignement supérieur contre 58% chez les hommes. Aussi, les garçons redoublent une classe, quittent l’école prématurément et/ou abandonnent l’école plus souvent que les filles qui à l’âge de 15 ans dépassent les élèves masculins de manière significative en compréhension à l’écrit. Par ailleurs, les hommes sont moins susceptibles de participer à la formation des adultes que les femmes.

En somme, le développement de l’enseignement et de la formation de ces dernières décennies a davantage profité aux femmes  – qui avaient un retard à combler en la matière (31% des hommes de plus de 55 ans ont atteint le niveau d’enseignement supérieur contre 24% des femmes de la même classe d’âge) et les hommes sont de plus en plus distancés en termes d’acquis éducatifs qui sont pourtant nécessaires pour affronter les (nombreux) défis d’avenir et saisir les (nombreuses) opportunités qui en découleront.

La stratégie de lutte contre les inégalités dans le système éducatif luxembourgeois qui comporte déjà un important volet égalité des sexes (e.g. actions pour augmenter la participation des filles à des projets liés aux TIC ou intéresser davantage de garçons aux profession socio-éducatives) devra(it), peut-être inclure, davantage encore, cette réalité qui est que les garçons réussissent bien moins dans la vie éducative que le filles… tout en tâchant de surmonter les nombreuses autres difficultés en présence.

C’est graphe docteur ? La construction : secteur d’hommes où les femmes gagnent plus

Il n’est un secret pour personne, les femmes gagnent en moyenne moins que les hommes au Luxembourg (67 675 euros de salaire annuel moyen pour un équivalent temps plein chez les hommes contre 62 829 chez les femmes en 2018[1]). Sauf que ce ne sont pas réellement tous les secteurs qui sont concernés puisque celui de la construction se distingue à ce niveau.

Ce monde d’hommes (92% des salariés dans ce secteur sont des hommes) est le seul secteur où l’on constate des gains annuels bruts moyens pour les femmes supérieurs à ceux des hommes. Ces derniers gagnent en effet 43 740 euros contre 47 531 euros pour les femmes.[2]

Source : STATEC

Les écarts salariaux entre les sexes (Gender Pay Gap ou GPG) sont de 10% dans l’industrie et les services considérés conjointement, de 15% dans la seule industrie, de 21% dans les services et de -9% dans la construction (lorsque le chiffre est positif, l’écart est en faveur des hommes et s’il est négatif, il est en faveur des femmes). De plus, une précision s’impose à ce stade : le Gender Pay Gap ne donne pas des résultats « à poste égal ». Autrement dit, la structure de l’emploi n’est pas prise en compte, seuls les salaires selon le sexe étant retenus sans autre variable d’ajustement que le calcul en équivalent temps plein.

Mais qu’est ce qui peut justifier cela ?

La première raison qu’il est possible d’avancer est que les fonctions occupées par les hommes dans ce secteur diffèrent de celles des femmes. Ils sont souvent ouvriers et donc des « cols bleus » quand les femmes sont quant à elles plutôt vouées à être des secrétaires, des assistantes de direction, des « cols blancs » en d’autres termes, c’est-à-dire des fonctions plutôt administratives et donc mieux rémunérées.

Deuxième élément de réponse : la représentation des femmes dans des postes de direction dans la construction : en 2015, lorsqu’elles ne représentent « que » 8% des salariés, elles sont tout de même 11% à la tête d’une entreprise[3] ce qui implique des salaires potentiellement plus élevés, bien qu’elles ne soient pas uniquement rémunérées sous la forme de salaires.

Malgré le fait que le Luxembourg fasse figure de (très) bon élève en matière d’écarts salariaux au niveau européen, avec une deuxième place en termes d’écart salarial annuel moyen brut et une première place en ce qui concerne les écarts des salaires horaires, des efforts restent encore à fournir. L’objectif final étant de tendre vers un GPG égal à 0 dans tous les secteurs.


[1] STATEC, Regards n14, Salaires au Luxembourg : finances en tête, horeca en queue de peloton, 2021.

[2] STATEC, Le Luxembourg en chiffres, 2021

[3] Les femmes et les hommes dans la prise de décision économique au Luxembourg, Rapport réalisé pour le Ministère de l’Égalité des chances – Actualisation 2015