C’est graphe docteur ? La construction : secteur d’hommes où les femmes gagnent plus

Il n’est un secret pour personne, les femmes gagnent en moyenne moins que les hommes au Luxembourg (67 675 euros de salaire annuel moyen pour un équivalent temps plein chez les hommes contre 62 829 chez les femmes en 2018[1]). Sauf que ce ne sont pas réellement tous les secteurs qui sont concernés puisque celui de la construction se distingue à ce niveau.

Ce monde d’hommes (92% des salariés dans ce secteur sont des hommes) est le seul secteur où l’on constate des gains annuels bruts moyens pour les femmes supérieurs à ceux des hommes. Ces derniers gagnent en effet 43 740 euros contre 47 531 euros pour les femmes.[2]

Source : STATEC

Les écarts salariaux entre les sexes (Gender Pay Gap ou GPG) sont de 10% dans l’industrie et les services considérés conjointement, de 15% dans la seule industrie, de 21% dans les services et de -9% dans la construction (lorsque le chiffre est positif, l’écart est en faveur des hommes et s’il est négatif, il est en faveur des femmes). De plus, une précision s’impose à ce stade : le Gender Pay Gap ne donne pas des résultats « à poste égal ». Autrement dit, la structure de l’emploi n’est pas prise en compte, seuls les salaires selon le sexe étant retenus sans autre variable d’ajustement que le calcul en équivalent temps plein.

Mais qu’est ce qui peut justifier cela ?

La première raison qu’il est possible d’avancer est que les fonctions occupées par les hommes dans ce secteur diffèrent de celles des femmes. Ils sont souvent ouvriers et donc des « cols bleus » quand les femmes sont quant à elles plutôt vouées à être des secrétaires, des assistantes de direction, des « cols blancs » en d’autres termes, c’est-à-dire des fonctions plutôt administratives et donc mieux rémunérées.

Deuxième élément de réponse : la représentation des femmes dans des postes de direction dans la construction : en 2015, lorsqu’elles ne représentent « que » 8% des salariés, elles sont tout de même 11% à la tête d’une entreprise[3] ce qui implique des salaires potentiellement plus élevés, bien qu’elles ne soient pas uniquement rémunérées sous la forme de salaires.

Malgré le fait que le Luxembourg fasse figure de (très) bon élève en matière d’écarts salariaux au niveau européen, avec une deuxième place en termes d’écart salarial annuel moyen brut et une première place en ce qui concerne les écarts des salaires horaires, des efforts restent encore à fournir. L’objectif final étant de tendre vers un GPG égal à 0 dans tous les secteurs.


[1] STATEC, Regards n14, Salaires au Luxembourg : finances en tête, horeca en queue de peloton, 2021.

[2] STATEC, Le Luxembourg en chiffres, 2021

[3] Les femmes et les hommes dans la prise de décision économique au Luxembourg, Rapport réalisé pour le Ministère de l’Égalité des chances – Actualisation 2015

Précarité menstruelle : Dignité mensuelle ?

Photo by Laure Lefranc

Le sujet des règles a toujours été tabou bien qu’il soit en train de se briser et qu’il se retrouve de plus en plus sur la place publique. Le phénomène de précarité menstruelle qui correspond au fait qu’on ne puisse accéder à des protections hygiéniques (et donc à une hygiène décente) lors de ses règles, par manque de moyen fait partie de ces phénomènes sociétaux qui méritent d’y accorder une attention particulière notamment en cette journée internationale des droits des femmes.

Il n’existe pas, au Luxembourg, et pour le Luxembourg, de statistiques portant sur le nombre de femmes ne pouvant accéder à des protections intimes. Cependant, il existe des chiffres sur les publics en situation de précarité voire de pauvreté. Dans une approche globale, le taux de risque de pauvreté, bien qu’il ne s’agisse pas d’un indicateur de pauvreté absolu, ne cesse d’augmenter au Luxembourg (14,5% en 2010 contre 17,5% en 2019). Si l’on se focalise sur le taux de risque de pauvreté par type de ménage, 40,3% des familles monoparentales sont touchées par le risque de pauvreté soit le taux le plus important dans cette catégorie. Or ces familles sont dans 8 cas sur 10 composées d’une femme et de ses enfants. Cet exemple, parmi d’autres, montre que les femmes ont plus de risque d’être en situation de précarité voire même de pauvreté, ce qui amène à réfléchir sur leur potentielle situation de précarité menstruelle et donc des possibles recours face à cela.

Au Luxembourg, la question de la précarité menstruelle a, dans un premier temps, été abordée sous l’angle fiscal. Jusqu’en mai 2019, les produits d’hygiènes intimes étaient taxés à 17% soit un taux de TVA normal correspondant à celui appliqué … au vin. A la suite de différentes mobilisations, la TVA appliquée sur les protections hygiéniques féminines est passée à 3% (taux de TVA super réduit) au 1er mai 2019. Une baisse des prix des produits hygiéniques de l’ordre de 6,1% entre 2017 et 2019 a été constatée, mais l’ampleur de cette baisse n’équivaut pas à celle de la baisse de la TVA.

Toujours dans une optique de lutte contre la précarité menstruelle, le Planning familial a lancé une campagne « SANG VOUS ! » en 2020 afin de récolter des dons de serviettes et de tampons car « le prix des serviettes et des tampons hygiéniques reste trop élevé pour une partie de la population ».

En dehors du Luxembourg, plusieurs initiatives sont à mentionner, notamment celle de l’Ecosse qui, en 2020, a été le premier territoire à rendre gratuit l’accès à des protections hygiéniques.

En France, en février 2021, la ministre de l’enseignement supérieur a annoncé qu’à partir de la rentrée universitaire 2021, des distributeurs de protections hygiéniques seront installés dans les résidences universitaires et dans les services de santé universitaires.

Sans aller jusqu’à recommander la gratuité pour toutes et pour tous les produits hygiéniques au Luxembourg (cela aurait pour conséquence de restreindre le choix des références disponibles), l’accessibilité à titre gratuit dans certains endroits stratégiques, sur le modèle de la gratuité du papier dans les toilettes publiques, ferait sens. Ainsi, dans les foyers d’hébergement, les prisons pour femmes, l’université, les établissements scolaires, voire les entreprises, les produits hygiéniques devraient être gratuitement mis à disposition.

Le débat ne devrait pas résider dans le fait de rendre gratuit l’accès à ces produits ou non, mais plutôt porter sur l’évolution des mentalités face à ce sujet.