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A l’heure où de nombreux commerces, bars et restaurants ont été contraints de baisser leur rideau pour une durée indéterminée et malgré les nombreuses mesures prises pour tenter de limiter les fermetures définitives (chômage partiel, report des cotisations et des impôts, report des dépôts de comptes, garanties de prêts bancaires, remboursement rapide de TVA, etc.), les appels aux bailleurs publics et privés à reporter, voire à réduire les loyers de ces professionnels se multiplient au Luxembourg[1]. Les premières annonces importantes de « communes-bailleuses » ont d’ailleurs été faites[2]. S’il y a fort à parier que ces appels et ces exemples seront rapidement entendus par de nombreux bailleurs privés, y compris dans la discrétion, la question d’une mesure nationale qui viserait à reporter et/ou à limiter les loyers des établissements concernés par la fermeture administrative ne s’en pose pas moins. Par exemple, il pourrait être décidé par le législateur que les établissements affectés par la fermeture administrative (restaurants, cafés, et commerces hors-alimentation) voient à la fois leur loyer baisser d’un certain pourcentage pendant la durée de la fermeture, et le paiement de la partie restante due échelonné sur une période de plusieurs mois après la crise.

Plusieurs arguments plaideraient pour une telle mesure. Tout d’abord, le poids de la charge locative dans un marché immobilier tendu comme celui du Luxembourg[3] représente, avec les salaires, une part importante de la structure des coûts des secteurs concernés. En outre, si des efforts considérables sont faits par les pouvoirs publics pour « subventionner » la baisse d’activité en prenant le relais sur le volet des salaires, un minimum de « symétrie » pourrait légitimement être demandé à l’ensemble des bailleurs commerciaux. Enfin, si la solidarité de certains bailleurs est remarquable et exemplaire, elle risque malheureusement de créer une « distorsion de concurrence » (pour ne pas dire d’injustice) entre les commerçants et restaurateurs qui auront bénéficié de l’indulgence des bailleurs… et les autres.

Une telle décision, exceptionnelle, pourrait néanmoins mettre certains bailleurs en difficulté pour le remboursement de leur prêt. Un mécanisme de soutien pourrait être imaginé pour de telles situations.

Il existe un précédent en matière de maîtrise des loyers : en 1982[4], une « loi fixant des mesures spéciales en vue d’assurer le maintien de l’emploi et la compétitivité générale de l’économie » contenait, entre autres, une mesure de blocage des loyers des baux commerciaux[5]. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles…

4 400 entreprises potentiellement concernées

Il est difficile d’avoir des données précises sur les entreprises du commerce et de l’Horeca directement concernées par les fermetures administratives, mais il est possible de disposer de quelques ordres de grandeur.

En dehors de l’alimentaire, des stations-service, de la vente à distance et du commerce médical, le Luxembourg compte près de 2 000 entreprises dans le commerce de détail, ainsi que 2 400 bars et restaurants[6]. Le secteur de la restauration et des cafés emploie 17 000 salariés et le commerce de détail 25 000 (en incluant cette fois l’alimentation, les stations-service, la vente à distance et le médical). Il faut en outre ajouter les entrepreneurs (non-salariés) traditionnellement nombreux dans le commerce de détail (43% de l’emploi du secteur en France[7]).

[1] https://clc.lu/communique-du-23-mars-2020-covid-19-les-entreprises-a-lagonie.

[2] http://www.lequotidien.lu/luxembourg/commerces-la-ville-de-luxembourg-renonce-a-ses-loyers/.

[3] https://www.jll.lu/fr/etudes-recherche/recherche/Luxembourg-Property-Market-Overview-2019.

[4] http://legilux.public.lu/eli/etat/leg/loi/1982/04/08/n1/jo.

[5] Voir également : Michel-Edouard Ruben (IDEA), Document de travail N°14, La santé d’abord, l’économie ensuite, Mars 2020. https://www.fondation-idea.lu/wp-content/uploads/sites/2/2020/03/IDEA_DT_N14_Coronavirus_Mars_2020.pdf.

[6] Source : STATEC, répertoire des entreprises 2019.

[7] https://www.insee.fr/fr/statistiques/2736981#tableau-Figure2.

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