Suivant le Programme national de réforme (PNR) du Luxembourg (Semestre européen 2019), « dans un souci de faciliter l’insertion des femmes dans l’emploi, il est indispensable de mettre l’accent sur des mesures favorisant la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale ». Dans cette veine, le programme gouvernemental 2018-2023 ouvre la porte à des « propositions d’innovation »…
A ce titre, il pourrait être pertinent de reconsidérer les contours de la « pause allaitement » qui vise à permettre aux mères de concilier la reprise du travail et l’alimentation infantile, sans perte financière. Concrètement, le Code du travail prévoit qu’une maman qui allaite peut se voir accorder une « pause » de 90 minutes au cours d’une journée normale de travail (scindées, ou non en deux, en début et en fin de journée selon les circonstances). S’il convient de saluer pleinement le caractère sanitaire de cette mesure, elle pourrait aussi paraître discriminatoire et prescriptive pour plusieurs raisons. Seules les mères qui allaitent peuvent en bénéficier contrairement à celles qui nourrissent leur enfant au lait en poudre (volonté personnelle, raisons médicales, sociales, impératifs professionnels, etc.) et aux pères (pour des raisons biologiques évidentes).
Plusieurs possibilités d’évolution sont possibles parmi lesquelles son abolition, son extension aux deux parents et/ou sa limitation dans le temps.
En premier lieu, une grande majorité des mamans opte pour le congé parental à temps plein (4 ou 6 mois) consécutivement au congé maternité (3 mois). Nombre d’entre elles auraient donc cessé d’allaiter au moment de la reprise du travail, ce qui pourrait plaider pour une abolition de la mesure (économies salariales, disparition d’une distinction et égalité entre tous les parents). Mais ce serait ignorer celles qui n’en ont pas la possibilité de même que l’impact sociétal d’un nivellement du droit par le bas (démotivation, absentéisme, sevrage précoce de l’enfant…). D’autant plus que le nivellement en la matière s’est, jusqu’alors, plutôt fait par le haut (flexibilisation et meilleure indemnisation du congé parental, extension du congé maternité des femmes non allaitantes de 8 à 12 semaines, comme celles qui allaitent).
En second lieu, à l’heure où les décideurs politiques et économiques cherchent à donner corps à l’égalité hommes/femmes par la répartition équitable des responsabilités familiales, l’exclusion « naturelle » des pères du bénéfice de cette mesure peut interpeler. Etant donné que ce temps peut favoriser une implication parentale accrue, une possibilité serait alors de l’étendre à tous les mères et pères qui ont repris le travail, dans les familles où les mamans n’allaitent pas. La « pause allaitement » pourrait alors être complétée d’une « pause biberon », à raison de 45 minutes par jour par parent « non transférables » (suivant le principe recommandé au niveau européen pour le congé parental), sauf pour les familles monoparentales et les mère allaitantes. Pour assurer la conciliation entre le renforcement de l’implication des parents et l’intérêt des employeurs, qui financent la mesure, limiter le bénéfice de ces « pauses biberons » à la première année de l’enfant serait à envisager.
Outre ces propositions, délicates par certains aspects mais presque « anecdotiques » au vu des enjeux, il existe un large spectre de possibilités pour reconsidérer la place des pères au foyer dont dépendra, pour partie, la progression des mères sur le marché du travail.