Beaucoup d’observateurs s’inquiètent de ce que la productivité horaire du travail ait connu un ralentissement marqué depuis la crise dans l’ensemble des pays développés.
Une lecture attentive de la littérature économique montre que cette faiblesse des gains de productivité est en réalité davantage constatée qu’expliquée.
Comment œuvrer dans ce contexte d’incertitudes afin de redresser la croisance tendancielle de la productivité au Luxembourg, faible depuis plusieurs années? En passant en revue les recommandations usuelles (investissements dans la R&D, éducation, réformes structurelles concernant le marché du travail et des produits), il semble qu’il faille les dépasser – sans pour autant les négliger – car « il n’est plus du tout garanti que les avancées technologiques et les innovations dans les processus et les modèles économiques qui en découlent se traduiront automatiquement par une amélioration des performances économiques et une plus forte croissance de la productivité », « les gains (passés) liés à la massification des études ne pourront pas être forcément reproduits à la même échelle à l’avenir », et parce que « les liens entre les réformes structurelles et la productivité sont en réalité ambigus ».
Il est par conséquent proposé dans cette publication 7 autres éléments qui pourraient venir renforcer la fonction objective des politiques en faveur de la productivité au Grand-Duché.
Le 25 octobre 2016 à 9h00, à la Chambre de Commerce (7, rue Alcide de Gasperi, Luxembourg-Kirchberg), le document de travail a été présenté lors d’une Matinale, en présence de Mme Sarah Guillou – Directrice adjointe – département innovation et concurrence de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques).
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Public présent à la Matinale
Madame Sarah Guillou - Directrice adjointe - département innovation et concurrence de l'OFCE
Monsieur Marc Wagener - Directeur des affaires courantes de la Fondation IDEA asbl
Monsieur Michel-Edouard Ruben - Economiste auprès de la Fondation IDEA asbl
Monsieur Michel Wurth
Madame Sarah Guillou Monsieur Marc Wagener Monsieur Michel Wurth
Messieurs Vincent Hein Muriel Bouchet et Michel-Edouard Ruben - Economistes auprès de la Fondation IDEA asbl
La productivité du Luxembourg est comparativement très élevée à cause de son secteur financier. Même si la mesure de la productivité de ce secteur reste une énigme pour les économistes, il semble que la productivité de ce secteur est partout plus élevée que celle d’autres secteurs. Il est donc logique que dans un pays où la part du secteur financier est si grande, productivité générale de l’économie est grande aussi.
Ne doit-on pas en conclure (et craindre) que la diversification voulue de notre économie entraîne logiquement une diminution de notre productivité. Nos performances passées à cet égard, ne sont-elles pas la conséquence d’un déséquilibre de notre tissus économique et ne sont-elles pas de toute façon insoutenables? Il s’ajoute à cela que la productivité purement bancaire risque fort de diminuer dans un futur proche qui sera marqué par la fonte des marges sur intérêts. Ainsi le sort de notre productivité me semble scellée à défaut d’efforts sérieux dans d’autres domaines.
À propos d’autres domaines, autre réflexion: Quid de la productivité de l’Etat? C’est un monstre du Loch Ness, plus encore que celle du secteur financier. Or la part de ce secteur (du moins pour ce qui est de la partie para-étatique (santé, vieillesse)) est en croissance continue.
Comment faire pour trouver des repères fiables de notre productivité dans ces circonstances?
Bonjour Mr Rommes,
Vous posez la question cruciale et centrale : a productivité du Luxembourg étant élevée (notamment) grâce à son secteur financier, le pays n’a-t-il pas beaucoup à perdre s’il devrait connaître un changement structurel qui serait synonyme de réduction de la croissance de la productivité (c’est à dire le développement d’autres services à faibles niveaux et gains de productivité)?
Arithmétiquement la chose est entendue, si le secteur financier devrait être “évincé” la productivité du pays en pâtirait via différents canaux (le secteur financier étant un moteur de croissance http://www.bcl.lu/fr/publications/cahiers_etudes/97/BCLWP097.pdf) avec des effets que l’on devine aisément sur l’emploi (direct et indirect), la demande, et les rentrées fiscales. Tout le challenge sera donc d’avoir une diversification d’addition (de nouveaux secteurs à forte valeur ajoutée en plus du secteur financier) et non pas une diversification de remplacement (à mon sens, le secteur financier du Luxembourg est “sa” Silicon Valley et il est nécessaire que ce secteur soit sanctuarisé et pérennisé). Je considère cela comme possible (en plus d’être nécessaire) ; en ce sens je ne dirais pas que les performances passées du Luxembourg seraient la conséquence d’un déséquilibre ; mais plutôt que le secteur financier du Luxembourg “servant” – dans une logique européenne d’intégration des marchés financiers – l’ensemble de l’Europe, n’est pas “surdimensionné”. En plus, son modèle a montré sa bonne résilience durant la crise, ce qui prouve la force de la diversification de la place et sa bonne culture de gestion et de prévention des risques.
Plus généralement, il me semble d’ailleurs que dans un monde vieillissant, avec une multiplication de milliardaires (de première génération) en provenance des pays émergents (la Chine et l’Inde devraient représenter 50% de l’épargne mondiale en 2030 (contre 30% actuellement), surendetté (À 225 % du PIB mondial, la dette du secteur non financier à l’échelle mondiale n’a jamais été aussi élevée), où il semble nécessaire d’avoir une transition du mode de financement des entreprises (notamment européennes) vers plus de financements de marché, l’expertise luxembourgeoise ainsi que la signature souveraine (AAA) garantissent – tout au moins dans un horizon prévisible – que la place financière luxembourgeoise devrait continuer à être compétitive et à se développer en dépit des risques en présence (parmi lesquels la question de la restructuration du secteur financier européen et le risque d’inflation règlementaire).
S’agissant de la productivité de l’Etat, des conventions statistiques et les difficultés de mesurer les volumes de service de santé, de justice, de police, d’éducation font qu’elle est difficile à cerner et analyser (les estimations du volume des services publics sont généralement calculées sur la base des intrants, ce qui suppose une croissance de la productivité nulle); il y a cependant au Luxembourg deux domaines à intérêts particuliers (l’éducation et la santé) compte tenu de la demande de compétences de niveau supérieur des entreprises, du vieillissement, et des coûts de ces deux secteurs.
Enfin pour les repères fiables sur la productivité du Luxembourg, c’est l’objet de notre recommandation n°7 qui suggère d’avoir recours sur ce sujet complexe à des experts, notamment dans le cadre de l’Observatoire de la compétitivité, car de toute évidence, l’évolution de la productivité sur les récentes années est davantage constatée qu’expliquée…