Il est communément admis que la construction européenne a eu une influence positive sur la trajectoire de développement du Luxembourg. Ce processus a en effet coïncidé avec une expansion quasi miraculeuse du Grand-Duché qui, à la sortie des « Trente Glorieuses » (1945-1975), s’est épanoui dans les « Vingt Splendides » (1980-2007) et n’a depuis lors pas connu de mutation douloureuse de son modèle socio-économique.

Au moment où les électeurs sont appelés à renouveler le Parlement européen et où, pour la première fois de son histoire, l’Union (et son marché commun) devrait « perdre » un de ses membres, il nous a semblé opportun d’analyser la situation avec un recul critique et de décrire les principaux mécanismes économiques « activés » par le processus de construction européenne dont aurait bénéficié le Luxembourg. Membre fondateur de la Communauté, puis de l’Union, « petite économie ouverte » par excellence, localisée au cœur du « vieux continent », il aurait en effet bénéficié de l’intégration européenne à travers plusieurs canaux. L’objectif de cette Idée du mois est de faire le point sur ce que nous pouvons « objectiver » des bénéfices économiques du processus d’intégration européenne au Grand-Duché pour pouvoir répondre à la question suivante : la construction européenne et l’expansion économique luxembourgeoise sont-elles les deux faces d’une même médaille ?

Le Luxembourg, l’un des principaux bénéficiaires de l’intégration européenne

Sur base de la littérature économique existante, l’étude présente les principaux avantages économiques que l’on peut attendre du processus d’intégration à l’échelle européenne en général, et pour une économie ouverte de taille limitée comme le Luxembourg en particulier. La plupart des travaux de recherche mettent en exergue des gains de richesse, une convergence économique ou encore des effets positifs pour les consommateurs imputables aux effets propres de l’intégration au sein du marché intérieur.

Les résultats varient néanmoins assez sensiblement d’une étude à l’autre (d’un surplus de PIB de 2,2% à 7%) selon la méthodologie utilisée, les hypothèses formulées, les périodes et les pays considérés. Il en ressort néanmoins que le Grand-Duché a été l’un des principaux bénéficiaires de la mise en place progressive des grands principes du Marché unique, à savoir les quatre libertés de circulation (biens, services, personnes et capitaux). Ainsi, une étude du CEPII suggère que le Luxembourg, au même titre que d’autres « petites » économies ouvertes (Belgique, Pays-Bas, Irlande), de même que la plupart des pays d’Europe centrale et orientale (Hongrie, Slovaquie, République tchèque, Slovénie, Estonie, Lituanie…), appartient au groupe des pays ayant le plus bénéficié de l’intégration européenne. Si les pays européens avaient conclu un « simple » accord commercial régional, le PIB du Luxembourg serait aujourd’hui inférieur de 8,2% à son niveau actuel et même de 10,2% en appliquant les seules règles de l’Organisation Mondiale du Commerce.

Deux aspects de l’intégration sont traités plus en détail dans l’Idée du mois: l’évolution des échanges de biens du Luxembourg au gré des élargissements (liberté de circulation des biens) et les bénéfices qu’il a pu tirer de l’intégration financière au sein de la zone euro (liberté de circulation des services et des capitaux).

500 millions de consommateurs pour le « made in Luxembourg » ?
Pour chacune des principales vagues d’élargissement de l’Union européenne (1973, 1986, 1995 et 2004), l’étude suggère un effet stimulant sur le commerce de biens luxembourgeois, permettant à la fois d’élargir et de diversifier les débouchés pour ses exportations mais aussi ses importations. Ces échanges commerciaux demeurent vitaux pour une industrie luxembourgeoise où près de 15.000 emplois (47% du total du secteur) sont directement soutenus par la demande européenne.

Décollage de la place financière : des facteurs indiscutablement « européens »
Le second apport original de cette étude concerne les bénéfices que le Luxembourg a pu tirer de l’intégration monétaire et financière au sein de la zone euro. L’effet de l’intégration européenne s’est également manifesté en faveur de la Place financière luxembourgeoise. Alors que cette dernière ne représentait qu’environ 1.500 emplois vers 1960, elle alimente désormais 49.000 emplois directs auxquels il faut ajouter 26.000 emplois indirects. Des facteurs indiscutablement « européens » tels que les directives relatives aux organismes de placement collectif (en particulier celles qui se rapportent au « passeport européen », voir le graphique ci-dessous), la libéralisation des mouvements de capitaux et l’introduction de l’euro, ont joué un rôle essentiel dans cette évolution ayant permis au pays de devenir l’une des principales places financières de la zone euro.

Des défis
Ces éléments d’analyse préliminaires appellent à des évaluations d’impact plus poussées, prenant en compte le cas particulier du Grand-Duché en investiguant par exemple davantage les conséquences de la liberté de circulation des personnes ou encore celle des services non-financiers. Les premiers constats de l’Idée du mois ne peuvent par ailleurs qu’inciter le Luxembourg à agir en tant que véritable « Ambassadeur » de l’approfondissement de l’intégration européenne. Des efforts en ce sens s’imposent dans le présent contexte, fait de « vagues eurosceptiques » et d’interrogations sur des questions aussi disparates que le Brexit, la culture européenne, une défense plus intégrée, l’environnement ou encore la nécessité de « compléter » la zone euro, qui demeure perfectible afin d’assurer la convergence économique et sociale.

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