La crise sanitaire débutée en 2020 a apporté avec elle son lot de défis, de changements (dont certains radicaux) et parfois d’opportunités dans la société, l’économie, le milieu professionnel… Notre laboratoire d’idées a lui aussi dû faire face aux troubles liés à la Covid-19, s’adapter à la situation, et bien sûr… l’analyser en profondeur.
Retour sur cette année pas comme les autres, avec Muriel Bouchet, directeur d’IDEA.
- Comment la Fondation IDEA a-t-elle vécu cette crise Covid-19 ?
Il y a eu deux étapes, si je puis dire. Tout d’abord, Il y a eu une assez grande surprise, lorsque la crise a atteint son stade le plus aigu vers la mi-mars. Mais nous nous sommes très rapidement ressaisis, de sorte qu’il y a eu très vite une deuxième étape où nous avons été en mesure, je pense, d’assez rapidement passer au mode analyse. Dès le 17 mars, nous publiions un document de travail avec des mesures d’urgence à prendre face à l’incertitude. Comme d’habitude, nous avons su nous positionner en observateur objectif de l’évolution de la situation socioéconomique dans un contexte pour le moins inusité, face à une crise qui a revêtu une forme sans équivalent par le passé. Nous avons déjà connu des périodes difficiles, des décrochages de P.I.B. très soudains – même plus brutaux finalement comme en 2008-2009. Mais les causes intrinsèques de ces crises étaient bien différentes de ce que nous vivons actuellement. Cette crise est différente des précédentes avec des effets tout à fait imprévisibles sur les comportements des consommateurs, sur les comportements d’investissement des entreprises, sur le Gouvernement. Les pouvoirs publics sont également passés à un mode de décision très différent de ce qu’on observe habituellement, avec une très grande célérité.
- Quelles ressources et changements IDEA a-t-elle mis en place pour faire face à ce nouveau contexte ?
Nous avons notamment étoffé l’équipe en ce qui concerne la communication. Il nous semblait important de renforcer durant la crise cet aspect communicationnel, en essayant de mieux relayer sur les réseaux sociaux et d’être plus dynamiques sur ce segment. Nous voulions conserver cette grande transparence qui a toujours fait partie de l’ADN d’IDEA. Je pense que les chiffres dont nous disposons permettent de dire que nous avons déjà bien amorcé cette évolution. Nos événements aussi ont contribué à cette transparence. Nous avons continué à en faire et évidemment, Il a fallu se montrer très imaginatif en ce qui concerne le format (podcast, e-Matinale, visioconférence, recueil de contributions etc.). Nous avons également recruté une nouvelle économiste, qui est venue renforcer notre capacité dans le domaine socio-économique. En ce qui concerne le suivi de la situation économique à court terme, nous nous sommes retrouvés face à une grande urgence. Il devenait plus important qu’auparavant de pouvoir suivre les inflexions économiques à très court terme. Toutes les données statistiques ne le permettent pas toujours, mais nous devions pratiquement pouvoir suivre la situation économique en temps réel. Nous avons essayé de nous approcher de cela avec un nouveau tableau de bord économique et social mensuel.
- Comment le programme de travail s’est-il retrouvé chamboulé, afin que le laboratoire d’idées continue d’être efficace dans ce contexte ?
Dès le début avril, nous avons amendé notre programme de travail. Nous avions un programme de travail en cinq piliers et nous l’avons ajusté afin d’insister davantage sur les piliers qui étaient les plus concernés par la crise sanitaire. Je pense notamment aux éléments transfrontaliers. Nous avons vu à quel point la fermeture des frontières était un problème pour un pays comme le Luxembourg, nécessitant de renforcer les coopérations à tous les niveaux. En matière de santé, en l’occurrence, mais également dans le domaine socio-économique, la crise sanitaire a par ailleurs mis davantage en exergue (ou même généré…) divers problèmes sociaux. Nous avons dès lors davantage insisté sur la cohésion sociale. Il a enfin fallu analyser les effets de cette crise Covid quasiment en forgeant de nouveaux outils d’analyse comme de nouveaux instruments de simulation économique ou démographique.
Je pense au total qu’IDEA a su faire preuve d’une assez grande souplesse. Nous avons notamment été parmi les premières institutions à recommander des mesures d’urgence dès le 17 mars. Les mesures adoptées par le gouvernement correspondent d’ailleurs fréquemment à nos recommandations initiales. Nous avons aussi été parmi les premières institutions à oser faire des projections macroéconomiques et de finances publiques.
- Si vous deviez tirer une leçon de cette crise, quelle serait-elle ?
Cette crise nous a obligés à passer plus rapidement que nous l’aurions initialement anticipé à la transition numérique, au jour le jour. Mais la crise nous a également montré l’importance des relations humaines, des contacts directs, indispensables à l’émulation intellectuelle. C’est vital pour un laboratoire d’idées comme IDEA qui doit privilégier un contact direct avec le grand public, les responsables politiques ou privés.
- Que nous réserve l’après pandémie du côté d’IDEA ?
Je dirais que c’est très important de réfléchir à l’importance d’une bonne résistance, une bonne résilience dans le cas où un choc survient, quelle que soit sa nature. Quand la poussière va retomber et que nous serons en mesure de prendre du recul et de mieux analyser les choses, c’est presque un genre de « contingency plan » qu’il faudra essayer de mettre en place. Comment veiller à assurer une certaine souplesse de l’organisation et être en mesure de réagir rapidement ? Nous avons déjà pu réagir efficacement et promptement en 2020, alors que le moins que l’on puisse dire est que nous ne nous attendions pas du tout à cela. Il faudra également réfléchir à l’organisation du travail, comme tout le monde. Par exemple : quelle sera la place du télétravail, avec ses avantages et ses inconvénients dans le nouvel environnement ?
Au-delà, IDEA se doit de réfléchir activement sur la gestion de la sortie de crise, des inégalités, ou sur la façon de réconcilier croissance d’une part, environnement et développement territorial d’autre part. Le tout dans un contexte ayant subi une profonde mutation (notamment une nouvelle donne européenne et internationale). Pour ne citer que quelques éléments…