Un étésien[1] d’optimisme ?

10 ans après le début de la crise qui a déstabilisé le monde et fissuré l’Europe et 1 an après la décision des Britanniques de nous quitter, le « so German » pour certain(e)s et très grand pour tous (193 cm[2]) Helmut Kohl s’en est allé. Et l’heure n’est pas à la fanfaronnade : les velléités destructrices ne sont pas éteintes mais des sources de jouvence jaillissent, sans forcément lui assurer de s’envoler l’esprit tranquille…

Ministre-Président d’un Land grand-régional (Rhénanie-Palatinat) ; père de la réunification allemande ; l’un des principaux artisans de l’Europe et de l’euro quand il était chancelier (1982-1998) il se fera finalement critique du tournant « austère » emprunté par la zone euro en réponse à la crise[3]. Mais le départ d’Helmut Kohl intervient aussi un mois après l’élection d’un président français affichant son europhilie (contre vents et marées-ine), la semaine des 30 ans d’Erasmus et d’un accord entre l’Eurogroupe, la BCE et le FMI permettant, entre autres, de débloquer 8,5 milliards d’euros pour la Grèce. Répit plus que repos sans doute mais cette somme est débloquée après une laborieuse période de dissensions entre les créanciers : point question (officiellement) d’alléger dans l’immédiat la dette grecque avant les élections allemandes mais accord de principe du FMI à une contribution financière malgré tout. Si l’on ajoute à cela la bonne orientation des indicateurs de confiance comme de conjoncture et le ton des discours institutionnels (Commission, Banque Centrale), il apparaît que la zone euro a traversé des eaux plus troubles…

Si les récentes séquences électorales ont donné des sueurs froides à l’Europe, leurs issues offrent une chance plus qu’une rémission… Tandis que commencent les négociations du Brexit, il ressort d’une enquête du Pew Research Center que depuis le référendum britannique, l’assentiment citoyen à l’égard de l’UE aurait amplement rebondi, même en Grèce bien qu’elle affiche toujours une majorité défavorable[4] à près de 70%, que l’on peut rapprocher de la violence sociale des « ajustements » supportés par les Hellènes ces dernières années.

Graphique : Une perception favorable de l’UE en récente augmentation (en % des répondants)

Source: Spring 2017 Global Attitudes Survey. Q12 f – Pew Research Center

Mais cette enquête est également riche d’enseignements sur la perception, par les citoyens, du poids de l’Allemagne dans l’UE : si la grande majorité des sondés ont une vision très positive du pays, près de la moitié considèrent aussi qu’elle exerce une trop grande influence dans le processus décisionnel européen – ce qui ne devrait pas flancher avec le départ de la Grande Bretagne. Quand Helmut Kohl, lui, ambitionnait de « construire une Allemagne européenne et non pas une Europe allemande »[5]. Hégémonie réelle ou perçue ? Subie ou voulue ? Qu’importe la réponse, là n’est pas, aujourd’hui, la question.

L’Europe a besoin d’ambitions, de femmes et d’hommes d’Union plus encore que d’Etat qui, au-delà des seules questions (nécessaires) de budget ou de souveraineté, acceptent d’endosser la responsabilité des risques politiques afin de conduire des projets qui assurent des « paysages florissants » aux Européens, à tous les Européens. Les propositions constructives pour parfaire la zone euro et insuffler un nouvel élan à l’Union sont légion : du rapport des 5 Présidents aux recommandations du Monti Group[6] pour trouver des moyens de financement « plus transparents, simples, équitables et démocratiquement responsables » et écho au « pacte européen pour la croissance » de Michel Aglietta (voir vidéo ci-dessous), en passant par le livre blanc sur l’avenir de l’Europe et le pilier européen des droits sociaux de la Commission européenne, l’union pour l’emploi d’Agnès Bénassy-Quéré ou encore le projet de « Traité de démocratisation de la gouvernance de la zone euro » de Thomas Piketty, pour quelques-unes des plus récentes. Pour reprendre Agnès Bénassy Quéré, « les politiques doivent désormais appuyer sur le bouton » – le même et en même temps, naturellement…

Une fois n’est pas coutume, coller à l’actualité est l’occasion de rappeler à nos esprits pressés la grandeur de l’histoire et de ceux qui l’ont faite pour perpétuer leur (bon) instinct. Vivement « le temps des grands jours pour que les sermons soient courts et que les Würste soient longues » !


[1] Il s’agit d’un vent qui souffle périodiquement du nord sur la Grèce notamment, pendant l’été, y provoquant un temps chaud et sec.

[2] Qui lui a valu le surnom de « géant noir du Palatinat ».

[3] Il aurait dit d’Angela Merkel : « Die macht mir mein Europa kaputt ».

[4] Voir : http://www.pewglobal.org/2017/06/15/post-brexit-europeans-more-favorable-toward-eu/pg_2017-06-15-eu-brexit-00-00/

[5] Voir : http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2017/06/17/helmut-kohl-l-artisan-de-la-reunification-allemande-est-mort_5146243_3382.html#GsMDHG2WiPEY6rzd.99

[6] Voir: http://ec.europa.eu/budget/mff/hlgor/library/reports-communication/hlgor-report_20170104.pdf

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