Les flux migratoires sont un élément indissociable du succès économique du Grand-Duché : l’immigration fait partie du modèle d’affaires, de l’ADN, de la réalité quotidienne luxembourgeoise. C’est donc un sujet très important, qui, hélas, ne jouit pas toujours de l’attention qu’il mérite[1].
Le Grand-Duché a développé cette caractéristique d’être terre d’immigration dès ses premiers efforts d’industrialisation. Jadis pays agricole – avec un décollage industriel tardif – notre pays était alors une terre d’émigration, avec jusqu’un quart de la population souhaitant chercher leur fortune ailleurs vers le tournant du 19e siècle. La première vague d’immigration est liée au succès de la production sidérurgique et minière. Suite à la crise sidérurgique des années 1970, le Grand-Duché réoriente son économie vers d’autres activités et d’autres secteurs – le secteur financier et des services en général prennent la relève. A nouveau, la disponibilité en maind’œuvre locale est insuffisante pour développer ces secteurs, quantitativement et qualitativement de par les compétences, la capacité d’investissement et le savoir-faire disponibles sur place.
Au gré des décennies, à la migration économique et saisonnière s’est jointe la migration familiale. La migration qu’on peut qualifier de journalière s’est également rajoutée : le travail frontalier a progressé de 450% au cours des dernières 20 années. Enfin, n’oublions pas la migration des fonctionnaires internationaux, qui sont aujourd’hui au nombre de 10.700. Nous observons donc de multiples vagues d’immigration, d’intensités diverses et sur toute l’étendue de l’échelle sociale.
Depuis le début des années 2000, et à l’insu de nombreux commentateurs, nous assistons même à une véritable explosion migratoire, en passant de 11.800 nouvelles arrivées en 2000 à plus de 21.000 arrivées en 2013, soit non loin d’un doublement de l’intensité migratoire. Avec une part d’étrangers dans la population de 45,3%, nous dépassons de loin la moyenne européenne, qui atteint 6,6%.
Source: STATECAutre fait méconnu : si les Européens constituent clairement la plus grande partie des résidents étrangers, le nombre de personnes provenant de plus loin a considérablement augmenté ces dernières années. Nous comptons environ 11.600 résidants de nationalité étrangère provenant de pays tiers (hors Union européenne), tandis qu’en 2005 nous en comptions moins de 8.000, une hausse de presque 50%.
Après avoir progressivement tenté, souvent avec succès, de diversifier son économie en l’ouvrant à de nouveaux secteurs d’activité, le Luxembourg se concentre aujourd’hui principalement sur ce qui est communément appelé « niches de compétences », des secteurs porteurs d’avenir, tels que les technologies de l’information et de la communication, les technologies de la santé, et les écotechnologies et les énergies renouvelables ou encore la logistique. A l’avenir, l’économie sera sans doute encore davantage amenée à asseoir sa croissance dans de telles niches en attirant les « meilleurs cerveaux » au Luxembourg, indépendamment de leur origine ; sans pour autant oublier de former et de qualifier la main-d’œuvre luxembourgeoise pour qu’elle trouve sa place dans l’économie du savoir.
Il est donc plus urgent que jamais de créer un environnement propice et attrayant, adapté aux besoins spécifiques des travailleurs dont nous avons besoin. Pour ce faire, nous devons éliminer les entraves qui existent et faciliter le recrutement de salariés de l’étranger, notamment pour les ressortissants hors-UE qui ne jouissent pas de la libre circulation et qui souhaitent malgré tout s’installer au Luxembourg et contribuer à son développement.
Par ailleurs, le Luxembourg doit réaliser que sa force d’attraction ne doit jamais être tenue pour acquise et qu’il faut constamment veiller à ce que le cadre politico-économique soit propice à l’accueil et à l’intégration dans l’économie et dans le tissu social de nouveaux flux humains et de capitaux. Il faut notamment avoir le courage de faire évoluer ce cadre, de l’adapter au monde sans cesse changeant et sans cesse plus globalisé qui nous entoure.
Ce qui m’amène à aborder un autre point : nous devons encourager une vraie intégration des migrants, car nous nous adressons, pour rappel, à plus de 45% de la population. Il s’agit de consolider un niveau élevé de cohésion dans notre société par une politique d’intégration volontariste, visant notamment à réduire les barrières linguistiques, à faciliter l’accès aux droits politiques et à la nationalité luxembourgeoise, à donner lieu à système éducatif plus inclusif, ou encore à créer des lieux de rencontre entre Luxembourgeois et non-Luxembourgeois à travers les clubs et associations. A contrario, nous devons veiller à éviter la création de sociétés parallèles au sein de notre société multiculturelle. Il faudrait plutôt que les différentes composantes culturelles finissent par se fondre dans le projet de construction permanente d’une « communauté de vie luxembourgeoise ».
Pensons aussi aux enfants des résidents étrangers. L’éducation est un facteur essentiel dans le processus d’intégration des enfants étrangers et de leurs familles : le premier contact avec les valeurs et les règles de la vie sociale se fait à l’école. Elle prépare aussi les jeunes à accéder à la vie professionnelle et d’une façon plus générale, à l’intégration et à l’autonomie économique et sociale. Or, des défis persistent au niveau de l’intégration des enfants étrangers dans les écoles. Ainsi, la dernière étude PISA, mais aussi les études menées au niveau national, montrent que les divergences sociales et culturelles des élèves constituent l’un des principaux défis dans les écoles luxembourgeoises. Selon une étude du CEFIS[2], presqu’un enfant immigré sur trois accuse un retard d’au moins un an, avant même d’accéder à l’enseignement secondaire. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire l’autruche face à ces constats inquiétants.
Plus globalement, je pense que nous devons déployer de grands efforts pour faire comprendre à tous que l’immigration est devenue un élément fondamental et indissociable de l’identité luxembourgeoise et en quelque sorte dépoussiérer le « Mir wëlle bleiwe wat mir sinn». L’immigration doit sortir de son « coin tabou » car elle se confond avec la réalité luxembourgeoise et n’existe pas en parallèle à cette réalité. La diversité doit être comprise comme étant une de nos principales forces et une vraie opportunité dans un monde de plus en plus globalisé.
C’est le bon moment de s’engager dans ces travaux. La Présidence européenne est à nos portes – profitons de cette occasion pour transmettre les grands messages de la politique d’intégration et de diversité – à rebrousse-poil du discours de repli identitaire en vogue dans certains pays – et intégrons ces éléments dans notre stratégie de marque-pays ou de « nation branding ». Ce faisant, nous réussirons sans doute à améliorer aussi l’image de notre pays à l’étranger, qui n’est pas souvent la meilleure alors que tous les ingrédients sont là pour faire du Luxembourg le laboratoire mondial de l’ouverture, de la diversité et de l’intégration.
[1] Aujourd’hui, 3 salariés et entrepreneurs sur 4, qui créent la richesse au Grand-Duché, ne sont pas Luxembourgeois. Relevons à cet égard également que seulement 38,8% des résidents au Luxembourg n’ont pas d’arrière-plan migratoire. Cela veut dire que les « Luxembourgeois pure souche », nés au Grand-Duché et de parents tous les deux également nés au Luxembourg sont encore moins nombreux que l’on ne croit.
[2] Centre d’étude et de formation interculturelles et sociales.
Pas tout à fait d’accord.
Il faudrait ralentir la croissance économique et surtout l’immigration. 10.000 personnes immigrée sen plus chaque année ainsi que 3000 par le solde naturel positif. En 2030 on aura 740.000 habitants et en 2050 presque 1.100.000 habitants? Vous vous imaginez les problèmes? et qui payera les infrastructures nécessaires??
pour le dire en luxembourgeois, la langue que je compte encore parler au Luxembourg en 2050:
Ëmmer méi Aarbechtsplaazen, ëmmer méi Geld, ëmmer ,méi Awunner, emmer méi Haiser, ëmmer méi Autoen, ëmmer méi Stroossen, ëmmer méi Stau, ëmmer méi Dreck, ëmmer méi Kläranlagen, ëmmer méi schaffen, ëmmer méi Drock, ëmmer méi Kontroll, ëmmer méi Klinniken, ëmmer méi Schoulen, ëmmer méi Polizisten, ëmmer méi Prisongen, ëmmer méi international, ëmmer méi Stress……….
Quo vadis Lëtzebuerg?
Mon cher Marc,
Voilà un texte bien intéressant, qui va entraîner d’autres passions que la Culture.
Ici, l’Education tient un rôle essentiel, mais le recrutement et la formation des “maîtres” vont-ils dans cette voie de constituer une identité pour le Pays? Il suffit d’examiner les origines des personnels, à plus de 90% de souche luxembourgo/luxembougeoise, souvent bien plus germanophone** que romanophone, pour s’inquiéter de la distance manifeste entre les intentions légitimes (économiques, ulturelles, sociétales..). que tu rappelles, et un réel très éloigné. Alors que faire? Il existe des pistes, mais la politique politicienne faite de “coups”, de vues court-termistes, n’incite guère à l’optimisme. J’vais, il ya quelques années, indiqué à la ministre DELVAUX-STEHRES que toute réforme doit être précédée de moments de dialogue dans chaqué école du Pays, quitte à y passer deux ou trois ans. En 2008/9, elle a engagé une réforme du fondamental, sur laquelle il a fallu revenir pare étapes. Y a-t-il eu le changement espéré? C’est à voir.
Pour les lycées, la réforme qu’elle voulait faire, a amené une fameuse manifestation en 2012; Les nouveaux textes en préparation, dont j’ai une connaissance partielle, textes qui là-aussi vont être publiés sans la préparation psychologique indispensable, à quoi donc peuvent-ils mener?
Or, et je suis totalement d’accord avec toi, l’Ecole a un rôle CAPITAL à jouer EN CE MOMENT surtout, qui? quel groupe, sont prêts à réfléchir dans la sérénité sur ces évolutions essenitelles?
Je déjeune le 10 décembre avec Carlo THELEN, Sabrina SAGRAMOLA, et Roger CAYZELLE, peut-être aborderons-nous ces sujets?
Bien à toi Jean-Paul Guilianelli
** ce n’est qu’un détail, car d’autres éléments entrent en compte…j’ai enseigné quelques centaines de maîtres à lISERP de WALFERDANGE DE 1989 à 2002, et ai pu faire d’autres constats. Les résistances au changement sont aussi colossales que dansles pays voisins. Or, quand on veut changer auprès de 850000 enseignants en France, 150000 en Belgique, c’e trè très difficle, j’en sais quelque chose. Il est impensable que 12000 enseignants ne se prêtent pas à des évolutions nécessaires, indispensables…
Une vraie stratégie s’impose, avec un plan d’attaque, des objectifs, des délais, et quelques femmes et hommes pour mener un “combat” qui ne sera pas facile. Les quelques réformettes lancées par Claude MEISCH depuis son intronisation n’ont pas vu un accueil très positif…