Trois propositions concrètes en matière de fiscalité foncière

Le Luxembourg est sorti plus rapidement de la récession pandémique que la plupart des pays de la zone euro et les mesures de stabilisation tout comme les dispositifs d’aide à la reprise semblent avoir pleinement joué leur rôle, limitant les pertes de revenus des entreprises et des ménages. Cette phase de reprise est néanmoins marquée par une accumulation d’incertitudes et de défis pour l’avenir. En complément des principales mesures annoncées dans le cadre de la présentation de la loi budgétaire pour 2022 visant à renforcer les investissements publics, accompagner la transition énergétique, rendre le logement plus abordable et soutenir la formation ainsi que la transition digitale, plusieurs mesures complémentaires pourraient être prises dans le but d’améliorer la protection des ménages les plus vulnérables, de soutenir les entreprises, de limiter la pression sur le marché de l’immobilier et de ne pas injurier l’avenir du pays. Ces propositions font l’objet de 9 amendements.

Centré sur la lutte contre la rétention immobilière et foncière dans le cadre d’une réforme globale de l’impôt foncier, cet amendement « tricéphale » (proposé dans le Document de Travail N°17 ) vise à réactiver l’impôt foncier dit « B6 » en introduisant un niveau plancher (« corridor »), à réfléchir à une « bedroom tax » à la luxembourgeoise et à mettre en place une évaluation plus objective de la valeur unitaire.

Trois propositions concrètes en matière de fiscalité foncière

Au Grand-Duché, l’impôt foncier ne pèse actuellement que 0,05% du PIB. Un montant infime, tant par rapport à son niveau enregistré au Grand-Duché en 1970 – soit 0,3% du PIB – qu’à l’aune du ratio de 1,2% du PIB observé en 2020 au sein de l’Union européenne. Cette défaillance de l’impôt foncier grand-ducal s’explique surtout par le fait que la valeur unitaire, soit la pierre angulaire de la détermination de cet impôt, n’a été révisée que de manière ponctuelle et parcellaire depuis 1941.

Les autorités ont certes pris conscience de la situation. Dans sa déclaration du 12 octobre sur la situation économique, sociale et financière du pays, le Premier Ministre s’est engagé à déposer dans les 12 mois un projet de loi portant réforme de l’impôt foncier. Il importe selon lui de taxer davantage les terrains constructibles vides et les logements non occupés et ce dans le contexte d’une « réforme générale de l’impôt foncier ».

Sans préjudice de l’aboutissement de la discussion en cours, trois « sous-propositions » pragmatiques sont avancées.

En premier lieu, une application plus homogène des outils existants mis à la disposition des communes s’impose, afin de lutter contre la rétention foncière. Ainsi, le levier de l’impôt foncier spécifique dit « B6 », portant sur les terrains à bâtir à des fins d’habitation et désignés comme tels depuis au moins trois ans, est ignoré par environ un quart des communes. De surcroît, les pouvoirs locaux osant recourir à cet instrument présentent des taux de taxation foncière pour le moins disparates.  Afin de pallier cette situation, il est proposé de définir un « corridor » de taux au titre de l’impôt foncier B6. Il ne s’agirait nullement d’une inqualifiable atteinte au principe de l’autonomie communale, puisqu’un corridor de ce type encadre le taux de l’impôt commercial communal depuis janvier 2017, date d’entrée en vigueur de la plus récente réforme des finances communales. La pénurie foncière n’est pas uniquement l’affaire d’un nombre restreint de communes. C’est à l’inverse et par essence un problème d’envergure nationale.

Il conviendrait en second lieu, dans une même perspective de lutte contre les espaces vides (ou du moins peu occupés), de réfléchir à l’adaptation au contexte luxembourgeois de la « bedroom tax » britannique[1]. Un tel prélèvement frapperait en clair les propriétaires en situation de sous-occupation de leur logement. Loin de tout « dirigisme » étatique, de toute ingérence « big-brotherienne » dans la vie intime des individus, il s’agirait de redresser (à la marge) la structure des incitants économiques. Cette « taxe » (ou « juste tarif » ?) pourrait « simplement » relever de la réforme générale de l’impôt foncier. Elle pourrait alternativement être défalquée d’aides existantes, comme la déductibilité des intérêts hypothécaires ou encore le « Bëllegen Akt ». Rappelons que les « dépenses fiscales » immobilières se montent actuellement à quelque 900 millions d’euros.

Enfin, les autorités devraient réévaluer d’urgence les valeurs unitaires servant de base à l’établissement de l’impôt foncier, en s’étayant sur des modèles hédoniques des prix immobiliers. Un exemple concret est la « mass appraisal technique » ou calcul des prix automatisé, utilisée notamment au Canada et aux Etats-Unis. Il s’agit concrètement de déterminer la base taxable mathématiquement et sur la base des prix figurant dans les actes notariés (prix enregistrés), en fonction de diverses caractéristiques telles que la superficie du logement, le nombre de chambres, la disponibilité d’un parking, d’une cuisine équipée, l’étage, la localisation du logement, son année de construction, etc. Le modèle statistique sous-jacent serait transparent, objectif et il pourrait être recalibré périodiquement et de manière aisée – sans devoir chaque fois « réinventer la roue », tous les 5 ans par exemple. Il est d’ailleurs vraisemblable qu’un tel modèle (ou du moins un embryon) existe déjà, comme l’atteste l’établissement par l’Observatoire de l’Habitat d’un indice hédonique des prix immobiliers.

Un tel mécanisme « automatisé » de calcul des valeurs unitaires permettrait d’éviter 80 nouvelles années de « congélation » de la valeur unitaire. Une simple question d’efficacité économique et de cohérence, de transparence fiscale et de justice sociale élémentaire. Avec aussi à la clef d’importantes ressources additionnelles pour les communes.

 


[1] Pour plus de détails, voir la publication IDEA https://www.fondation-idea.lu/2018/04/26/cahier-thematique-n1-5-logement-idea-apporte-pierre-a-ledifice/.

Réembarquer dans la lutte contre la vacance

Le Luxembourg est sorti plus rapidement de la récession pandémique que la plupart des pays de la zone euro et les mesures de stabilisation tout comme les dispositifs d’aide à la reprise semblent avoir pleinement joué leur rôle, limitant les pertes de revenus des entreprises et des ménages. Cette phase de reprise est néanmoins marquée par une accumulation d’incertitudes et de défis pour l’avenir. En complément des principales mesures annoncées dans le cadre de la présentation de la loi budgétaire pour 2022 visant à renforcer les investissements publics, accompagner la transition énergétique, rendre le logement plus abordable et soutenir la formation ainsi que la transition digitale, plusieurs mesures complémentaires pourraient être prises dans le but d’améliorer la protection des ménages les plus vulnérables, de soutenir les entreprises, de limiter la pression sur le marché de l’immobilier et de ne pas injurier l’avenir du pays. Ces propositions font l’objet de 9 amendements.

Le quatrième amendement proposé dans le Document de Travail N°17 vise à augmenter l’offre de logements locatifs et à lutter contre la vacance résidentielle.

Réembarquer dans la lutte contre la vacance

Le logement est une priorité du Gouvernement qui doit composer avec une hausse des prix immobiliers de plus de 60% depuis 2014. Dans l’optique d’aider les ménages à faire face aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer en la matière, il a été décidé de lancer un nouveau pacte logement (pacte logement 2.0), d’inscrire le droit au logement dans la constitution (dans le cadre de la révision constitutionnelle[1]), de réformer l’impôt foncier afin de lutter contre la rétention et la spéculation foncière (annonce faite lors du discours sur l’état de la Nation), de réformer la loi sur le bail à usage d’habitation et de faire du Fonds de soutien et de développement au logement un acteur central du marché immobilier à même d’augmenter l’offre de logements à loyer modéré et vendus à prix abordable.

Si ces mesures forment un tout cohérent qui sert utilement la politique du logement, leurs premiers effets ne devraient toutefois pas se matérialiser avant plusieurs années.

D’ici là, une mesure à impact immédiat et destiné à (tenter d’) augmenter l’offre de logements à destination des locataires, qui sont ceux qui ont le plus de difficultés en termes d’accessibilité au logement, serait de « réactiver » la lutte contre la vacance.

Actuellement, en vertu de l’article 27 de la loi modifiée du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation « le conseil communal peut, par règlement communal, obliger les propriétaires des immeubles et parties d’immeubles non occupés destinés à servir de logement sis sur le territoire de la commune à les déclarer à l’administration communale dans le délai fixé par ledit conseil. Les infractions aux dispositions de l’alinéa précédent sont punies d’une peine d’amende comprise entre 1 et 250 euros ». Le montant de la peine en cas d’infraction de non-déclaration, qui dans sa version initiale était entre 251 et 25.000 euros, avait été réduit en 2015 ; il pourrait, compte tenu de la tension sur le marché immobilier qui justifie de connaître la réalité de la vacance et de lutter contre elle, être réadapté à la hausse comme premier étage de la fusée « Mobilisation des logements vacants et des terrains non construits » appelée à décoller avec la future réforme globale de la fiscalité immobilière.


[1] « L’Etat veille à ce que toute personne puisse vivre dignement et disposer d’un logement approprié. »