© photo : Julien Mpia Massa

Bombe D ?[1]

Cette question (Bombe D. ?) vise les défis posés par la croissance démographique persistante de notre pays qui voit chaque année sa population augmenter de plus de 10.000 habitants. Comme le solde naturel (différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès) n’est que de l’ordre de 2.000 par an, cet accroissement est avant tout dû à l’immigration nette.

Les problèmes ainsi créés, tels la frustration des chercheurs de logements, le malaise des frontaliers et des résidents pris dans les bouchons routiers, les difficultés du système éducatif face à une population croissante de jeunes élèves nouvellement arrivés dans le pays, restent irrésolus et leurs conséquences négatives renforcées :

  • Malgré des efforts financiers importants, les infrastructures du pays, ses routes, ses moyens de transport, son équipement en écoles et en hôpitaux, son administration publique, sont souvent dépassés ; la lenteur de la justice devient préoccupante, la sûreté est en berne, le scellement du sol augmente, la surface réservée à la nature diminue : l’aspect du pays change ;
  • Le pourcentage des résidents parlant le luxembourgeois diminue, le caractère de la population change, peu à peu le pays perd de son identité nationale au profit d’une identité multiculturelle remarquablement dépourvue de tensions sociales ou raciales, inédite dans l’Union Européenne : la nature du pays change.

Ces considérations font que le soussigné se méfie d’une politique de croissance déterminée. Mais si on peut souhaiter infléchir la croissance démographique, il faudra tout de même permettre aux entreprises, à la place financière, aux institutions européennes, de grandir, de participer au progrès technique, d’embaucher, bref de se développer : dès lors, une politique de modération de la croissance s’avère en réalité particulièrement délicate à mettre en œuvre.

Il se trouve un autre problème (difficilement soluble lui aussi) qu’il faut mentionner lorsqu’on examine l’avenir du pays : le système d’assurance pension du secteur privé qui est malade et doit être réformé.

Du point de vue actuariel, si on veut rendre un système de pension « autoporteur », indépendant d’une béquille étatique, il n’y a que deux méthodes : ou bien celui du « fixed contribution and variable benefit » ou bien celui du « fixed benefit and variable contribution ».

Ou bien on sert une pension mensuelle basée sur une cotisation fixée d’avance et la pension est alors adaptée périodiquement aux réserves ainsi constituées, ou bien le montant de la pension est fixe et la cotisation est périodiquement adaptée en conséquence.

Or le régime général d’assurance pension s’apparente à bien des égards à un système à cotisations et prestations définies. Le risque que les réserves ne suffisent pas à financer le service des pensions est ainsi implicitement couvert par la garantie de l’État.

L’augmentation de la durée de vie moyenne fait que la durée pendant laquelle une pension est servie a considérablement augmenté. L’augmentation constante du coût des pensions qui en résulte implique que non seulement la contribution annuelle de l’État est, per se, en augmentation constante, mais qu’en plus les pensions servies durant la période de retraite sont de plus en plus déconnectées des cotisations versées : une situation devenant à la longue insoutenable.

Chez nous, (résoudre) le problème est particulièrement délicat : les cotisants et pensionnaires de la Caisse de Pension sont de plus en plus de nationalité étrangère (résidents et frontaliers) alors que les fonctionnaires, qui touchent – du régime spécial transitoire et du régime spécial – des pensions relativement importantes, sont presqu’exclusivement des Luxembourgeois. Le régime général du secteur privé doit être réformé, mais celui des fonctionnaires devra l’être aussi.

Ce double impératif a lieu dans un pays où les citoyens luxembourgeois, en passe de devenir minoritaires, sont ceux qui votent lors des élections législatives qui décident des réformes à conduire, peuvent devenir députés ou ministres, monopolisent les rangs des fonctionnaires, dirigent le pays et ne sont pas particulièrement demandeurs d’une baisse du pouvoir d’achat des pensions qui leur sont servies.

J’arrête-là la description d’une situation – à plus d’un titre – inquiétante.

 


[1] Référence à La bombe P de Paul R. Ehrlich.

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