Ce blog est issu de la série « Août of the box 2023  », réalisé en partenariat avec Paperjam  

© photo : Julien Mpia Massa

Chaque semaine de ce mois d’août, les économistes de la Fondation IDEA se penchent sur les grands défis auxquels le prochain gouvernement devra faire face. Deuxième sujet abordé, à travers l’exemple de l’allocation de fin d’année des pensionnés : la nécessité de bien cibler les prestations sociales, de pension en particulier.

Au Luxembourg, les pensionnés bénéficient en sus de leur pension mensuelle « régulière » d’une allocation de fin d’année (AFA par la suite) qui, depuis le 1er avril 2023, se monte pour une période d’assurance complète à 925 euros par an – de quoi financer une bonne partie des vacances d’été, par exemple. Or en vertu de la réforme des pensions de 2012 (ou plus précisément de la loi du 21 décembre 2012 portant réforme de l’assurance pension), cette allocation disparaîtra sans autre forme de procès dès que le taux global de cotisation de pension sera rehaussé au-delà de son niveau actuel de 24% de la base cotisable – ce sera normalement le cas si la réserve financière du régime général de pension devient inférieure à 1,5 fois le niveau des prestations annuelles).

Un tel scénario ne relève assurément pas de la plus invraisemblable « politique fiction ». Ainsi, le bilan technique de 2022 du régime général de pension renferme certains scénarios postulant une augmentation future du taux global de cotisation et une projection « Luxembourg à 1 million d’habitants » du même document laisse augurer des réserves inférieures à la limite légale (1,5 fois les prestations annuelles) vers 2043. Par ailleurs, une hausse future des cotisations a été évoquée dans le cadre de la présentation de la réforme de 2012.

Or l’éradication de l’AFA qui en résulterait inévitablement d’une telle hausse des cotisations dans le cadre légal actuel serait très dommageable aux « petites pensions ». L’AFA représente moins de 0,8% de la pension annuelle brute totale pour un bénéficiaire de la pension maximum (cette dernière se montant actuellement à 10 026 euros par mois dans le régime général). En revanche, la suppression de l’AFA induirait une perte de pouvoir d’achat substantielle, de 3,4%, pour un retraité devant se contenter de la pension minimum (2 166 euros par mois à l’heure actuelle ; voir les histogrammes oranges du graphique ci-dessous).

Graphique : Impact du mode de fixation de l’AFA sur le pouvoir d’achat des retraités (en %)

Source : Calculs IDEA.

Afin d’éviter une telle entorse à l’équité, IDEA propose de remplacer la disparition automatique et indifférenciée de l’AFA d’ores et déjà programmée dans la loi, certes à un horizon potentiellement lointain, par une réduction socialement ciblée de cette allocation. Ainsi et toujours pour une carrière d’assurance complète, l’AFA serait adaptée à la baisse en fonction de la différence entre la pension perçue par un retraité donné et la pension minimum. Concrètement, il en résulterait une AFA demeurant strictement inchangée, à 925 euros par an pour un titulaire de la pension minimum précitée (soit 925 euros d’AFA(en raison du ratio 2 166/2 166=1)), mais elle diminuerait linéairement pour l’ensemble des autres pensionnés. Ainsi, l’AFA s’établirait à 501 euros pour une pension effective de 4 000 euros par mois (=925 euros d’AFA x (2 166/4 000)) et à 200 euros pour le bénéficiaire de la pension maximum du régime général (=925 euros x (2 166/10 026)). Il en résulterait (comme l’attestent les histogrammes verts du graphique par rapport aux oranges) une réduction du pouvoir d’achat des retraités moindre que sous le mécanisme de la loi de 2012. La différence est particulièrement flagrante pour les pensionnés les moins favorisés.

Afin de ne pas alourdir les perspectives financières de l’assurance pension, cette mesure préconisée par IDEA serait mise en œuvre « dans l’immédiat » – dès 2024 par exemple et non (comme prévu dans la loi de 2012) à partir du moment où le taux de cotisation global de pension devrait être relevé. Les pensionnés actuels seraient dès lors appelés à contribuer dans l’immédiat, dans une optique de solidarité intergénérationnelle, sachant également que les générations suivantes devront vraisemblablement supporter un fardeau financier d’une toute autre ampleur.

Cette mesure serait en outre particulièrement transparente, puisque les pensionnés connaîtraient dès son adoption le sort de leur AFA, sans être exposés à l’épée de Damoclès d’une volatilisation de leur allocation particulièrement difficile à anticiper pour les pensionnés peu rompus aux subtilités de la loi de 2012. Sur le plan financier, la mesure rapporterait au total dès sa mise en œuvre de l’ordre de 50 millions d’euros par an. Cette économie serait certes inférieure au montant résultant d’une suppression pure et simple de l’AFA (soit 130 millions d’euros environ), mais ce dernier ne serait engrangé qu’à un horizon toujours relativement indéterminé au stade actuel alors que la présente proposition, certes moins incisive en termes de pouvoir d’achat, serait également nettement plus rapprochée dans le temps. Selon la projection « STATEC / 1 million d’habitants » figurant au bilan technique de l’IGSS, le niveau légal de la réserve de compensation ne serait plus respecté à partir de 2043 comme déjà indiqué, ce qui imposerait un relèvement des cotisations (donc une suppression de l’AFA dans le cadre de la législation actuelle). L’AFA ne serait donc dans ce cas d’espèce supprimée que dans quelques décennies, alors que la mesure (intrinsèquement moins radicale) proposée serait pour rappel introduite dans les meilleurs délais.

Cette mesure s’avérerait donc rentable sur le plan financier, avec en prime un incontestable apport en termes d’équité et de transparence par rapport à la législation actuelle. Cette proposition portant sur la seule AFA est emblématique de l’ensemble de la réforme des pensions proposée par IDEA, qui prétend justement respecter ces impératifs.

Pour une présentation générale de cette réforme et des autres propositions d’IDEA, voir Grands Défis – Propositions en vue des élections législatives, avril 2023.

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