Cette année, l’euro fête ses 20 ans et les Européens sont invités à élire leurs représentants au Parlement européen: quelles plus belles occasions pour parler d’intégration européenne ? La Représentation de la Commission européenne au Luxembourg et la Fondation IDEA asbl ont donc organisé une nouvelle Euromatinale autour de ce thème : « Intégration européenne: quels bénéfices économiques? Le cas du Luxembourg et des nouveaux Etats membre ».

Après une introduction de Muriel BOUCHET, Directeur de la Fondation IDEA asbl, et de Dagmar BYČÁNKOVÁ, Vincent HEIN, économiste chez IDEA, a présenté les premiers constats d’une étude à paraître prochainement sur les apports économiques de la construction européenne pour le Luxembourg qui a coïncidé avec une formidable période d’expansion. Ainsi, le PIB par habitant a été multiplié par 3 dans l’Europe des 15 et par 4 au Luxembourg entre 1960 et 2018. Europhile à juste titre ? Intitulée, non sans un brin de provocation, « 500 millions de consommateurs pour le Made in Luxembourg », la présentation a mis en lumière, au moyen de « l’archéologie statistique », la dynamique du commerce de biens au Luxembourg au gré des étapes de la construction européenne. Déjà dans les années 60, le Luxembourg apparaissait comme le pays le plus « ouvert » au commerce intracommunautaire avec 86% de ses échanges de biens réalisés avec d’autres pays membres, une dynamique qui n’a fait que se renforcer au fil du temps. Aujourd’hui, 38% de l’emploi total du Luxembourg est lié à la demande finale de biens et de services de ses partenaires européens (cette proportion atteint même 50% dans l’industrie). L’ouverture est donc une réalité mais aussi une nécessité pour le pays. Faute de débouchés suffisants sur son seul marché, le Luxembourg doit chercher à s’insérer dans les chaînes de valeur internationale à travers le développement de niches de compétences. Et si le marché unique n’avait pas existé ? En l’absence de véritable contrefactuel, difficile de « se projeter » !  Selon une récente étude d’impact[1], les effets de l’intégration européenne sur la croissance économique s’établiraient entre 8,2 et 10,4% de PIB supplémentaire selon les scénarios, contre une moyenne située entre 4,4% et 5,5% pour l’UE. L’intégration : une aubaine autant qu’un impératif pour le Luxembourg, donc.

Muriel Bouchet a poursuivi sur l’importance de la monnaie unique pour le Luxembourg qui a créé un contexte bien meilleur pour les entreprises à la faveur de la disparition du risque de change et d’une forte atténuation de la volatilité des taux d’intérêt et aurait même exercé une influence favorable sur la main-d’œuvre disponible, notamment les frontaliers allemands (avec la disparition du risque de perte de pouvoir d’achat sous le coup des fluctuations de change). Son exposé s’est poursuivi sur l’intégration du marché des services financiers, marquée par une augmentation fulgurante de l’actif net des Organismes de Placement Collectif (plus de 4000 milliards actuellement), surtout à partir de 1988. Dans cette perspective, deux directives européennes de 1985 (passeport européen pour les organismes de placement collectif) et 2001 (extension du passeport aux fonds monétaires et aux fonds de fonds notamment) se sont avérées déterminantes. En outre, l’emploi bancaire est passé de 1500 personnes en 1960 à 26000 en 2018. L’ensemble du secteur financier emploie, quant à lui, 48 800 personnes en 2018, voire 75 000 si l’on intègre les emplois indirects liés à la consommation intermédiaire du secteur financier. Si l’intégration du marché des services demeure « poussive » au niveau européen, c’est de toute évidence une réalité bien tangible au Luxembourg.

Plus généralement, selon plusieurs études citées par Vincent Hein, il apparaîtrait que les petits Etats et les nouveaux Etats-membres ont été les principaux bénéficiaires de l’intégration européenne. Une transition toute trouvée vers la présentation de Robert Kuenzel, Chef d’équipe auprès de la Direction générale des Affaires économiques et financières de la Commission européenne.

15 ans après une vague d’accession historique, ce dernier a fait le point sur l’impact de l’intégration sur les nouveaux Etats membres au regard de plusieurs indicateurs. Il a rappelé qu’intégrer l’UE était une aspiration forte pour de nombreux pays de l’Est. Ce processus, amorcé dès le début des années 90, a été un moteur de changements politiques, économiques et sociaux dans ces pays. Sur le plan économique, le PIB par tête a connu une forte progression entre 2000 et 2018, notamment en République tchèque et en Slovénie. Il en a été de même pour le salaire réel par tête, qui a bondi depuis 2000, en particulier en Bulgarie et dans les pays baltes avec des hausses de 119% en Lettonie et de 117% en Lituanie, contre 14% au niveau européen. Cette progression a été bien plus importante que ce qu’une croissance économique « normale » aurait permis. L’orateur a également souligné l’influence déterminante de l’intégration sur l’intensification du commerce, avec l’insertion réussie de certains Etats comme la République tchèque et la Slovaquie dans les chaînes de valeur mondiales du secteur automobile, l’investissement où les fonds européens ont joué un rôle majeur (infrastructures et formation), l’intégration financière, l’amélioration de la qualité des Institutions, l’innovation et l’ouverture du marché du travail. En conclusion, les « nouveaux » Etats membres semblent objectivement plus riches mais aussi plus ouverts et plus libres. Car l’identité européenne n’est pas seulement une question de PIB.

La parole a ensuite été donnée au public qui ne s’est pas montré avare d’interrogations sur des sujets aussi variés que la qualité des données statistiques dans les pays d’Europe de l’Est avant leur accession à l’UE (en effet, des doutes sont permis), la pénurie de main-d’œuvre dans certains pays de l’Est (meilleur niveau d’éducation, différentiel de salaires, mobilité facilitée…) ou encore la montée du populisme et des inégalités (que l’intégration européenne n’a pas endigués).

A l’approche des élections européennes, force est de constater que le chantier de la construction n’est pas encore achevé mais que les bénéfices de l’intégration sont nombreux. Le démontrer n’est pas le moindre des défis.

 


[1] Thierry Mayer, Vincent Vicard, Soledad Zignago, (Juin 2018), « The Cost of non-Europe », CEPII Working Paper N°2018-06, April 2018. Lien: http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2018/let389.pdf

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