Il y a au Luxembourg un OMT très connu, il s’agit de l’objectif budgétaire à moyen terme autour duquel s’articule le « budget » de l’Etat, et qui constitue la cible d’équilibre des finances publiques. Dans la même logique de « pilotage des politiques publiques », les politiques de l’emploi devraient avoir leur propre OMT (Objectif pour le marché du travail) avec comme perspective d’atteindre le plein emploi.
Le rythme de création d’emplois s’est accéléré au Luxembourg au deuxième trimestre 2015 et le nombre de chômeurs inscrits à l’ADEM a reculé de 2,4% sur un an au mois d’août. Mais le STATEC douche toute velléité triomphaliste en écrivant dans sa première note de conjoncture de l’année que « [d]ans un contexte de fortes pressions émanant aussi bien de la Grande Région que de pays plus lointains, avec un différentiel de salaires nets en faveur du Luxembourg toujours élevé, et d’un accroissement du taux d’activité féminin, le STATEC s’attend à un taux de chômage augmentant progressivement à partir de 2016 et proche de 7,5% en 2019 ». L’ « inversion de la courbe du chômage », dont le taux reste figé à 6,9% depuis le mois de mars 2015, ne serait donc pas pour tout de suite.
Les raisons du déséquilibre du marché du travail luxembourgeois (dont le chômage est la manifestation la plus visible) sont anciennes et bien documentées. Ainsi, entre 2001 et 2007, le nombre de chômeurs et le taux de chômage avaient déjà augmenté respectivement de 110% et 90%, des proportions comparables aux évolutions durant la crise (+100% pour le nombre de chômeurs entre 2008 et 2014, +70% pour le taux de chômage). Aussi en 1997 (et en réalité bien avant cela), l’OCDE conseillait (déjà) au Luxembourg de « réformer son système de formation des salaires afin de mieux aligner les rémunérations sur les niveaux de productivité, de réformer les systèmes de prestations de chômage et de revenu garanti afin de diminuer les salaires de réserve et de renforcer les incitations au travail, de modifier certaines possibilités de sortie du marché du travail afin d’augmenter le taux d’emploi des seniors, d’améliorer les qualifications et les compétences via la formation continue et l’enseignement ».
Si de nombreuses initiatives sont entreprises pour lutter contre le chômage (réforme de l’ADEM, réforme en cours (quoique très décriée) de la formation professionnelle, réforme de la procédure de reclassement, diversification économique, partenariats pour la formation des chômeurs, Garantie jeunesse, Projet « Entreprises partenaires pour l’emploi », modulation de l’indexation en période de crise, etc.), elles souffrent de ne pas viser un objectif clairement défini. Alors que le Gouvernement a ouvertement annoncé une cible de 30% du PIB que ne doit pas dépasser la dette publique et communique régulièrement sur sa détermination à ce que le Luxembourg respecte son objectif budgétaire à moyen terme (un solde structurel excédentaire de 0,5% du PIB), le seul objectif, (mé)connu, concernant le marché du travail est celui de porter le taux d’emploi à 73% à horizon 2020. Cet objectif, qui est avant tout symbolique, s’apparente davantage à une prévision compte tenu des tendances observées depuis quelques années (notamment la hausse de la participation des femmes au marché du travail). Les décideurs publics devraient envisager de l’accompagner d’un autre indicateur pour officiellement « marquer » que le retour au plein emploi est le modèle auquel le Luxembourg aspire.
Le plein emploi – cité 8 fois dans le Code du Travail – fait en réalité déjà partie de l’arsenal juridique luxembourgeois mais répond à une définition d’un autre temps (1977) qui l’empêche d’être un objectif crédible. Dans le Code du Travail, le chapitre traitant des « Mesures destinées à maintenir le plein emploi », considère deux seuils « de gravité » du chômage : « 1.500 et 2.500 demandeurs d’emploi, qu’ils soient sans emploi ou sous préavis de licenciement » pour évoquer le plein emploi. Si ces seuils (définis en 1977) faisaient sens jusqu’au milieu des années 1980, ils n’ont plus aucune pertinence alors que le nombre de chômeurs atteint désormais plus de 17.000. Il conviendrait donc de les redéfinir en instaurant un OMT (Objectif pour le marché du travail), qui ne serait plus une valeur absolue (nombre de chômeurs), mais un taux de chômage de plein emploi à atteindre à moyen terme.
Parce qu’il n’existe aucun modèle économique qui permette de déterminer pareil taux de chômage (pas plus qu’il n’existe de modèle permettant de déterminer le niveau de dette publique soutenable), il ne peut reposer que sur un travail collectif. A l’heure où le « dialogue » social est « en panne », un tel projet (celui de déterminer le taux de chômage vers lequel devrait tendre l’économie, avant d’articuler les politiques de l’emploi autour de cet objectif) pourrait réchauffer les relations entre les uns et les autres, et être la première pierre d’un futur accord tripartite, comparable à celui de Wassenaar en 1982 aux Pays-Bas, pour une nouvelle ère de félicité économique au Grand-Duché.
Nous vous invitons d’ailleurs à commencer la réflexion à ce sujet avec nous en répondant à deux questions :
- « Quel serait selon vous le taux de chômage au Luxembourg actuellement s’il n’y avait pas eu la crise ?»
- « Quel devrait être, selon vous un objectif à moyen terme de taux de chômage de plein emploi pour le Luxembourg? »
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