Dans son dernier moniteur des finances publiques, le FMI a rappelé que la dette mondiale du secteur non financier (administrations publiques, ménages, et entreprises non financières) atteignait le niveau record de 225% du PIB. Le secteur privé pèse pour deux tiers du total (environ 100.000 milliards de dollars) ; quand on sait que la crise actuelle a fait suite à une situation de surendettement de ménages américains, et que la dette publique a en partie augmenté à cause du déplacement de créances douteuses du secteur privé vers le secteur public, ces montants n’ont rien de rassurant.

Selon les dernières estimations de l’OMC, la croissance du commerce mondial ne devrait atteindre que 1,7% en 2016. Alors qu’il progressait à un rythme près de deux fois supérieur au PIB mondial avant la crise, cela fera donc 5 ans que le commerce mondial augmente à un rythme inférieur ou égal au PIB. Cela ne serait d’ailleurs pas le résultat d’évolutions cycliques (faiblesse conjoncturelle de la demande), mais le fait d’un changement de tendance qui s’expliquerait largement par le nouveau modèle de croissance de la Chine, le ralentissement de l’expansion des chaînes de valeur mondiales (relocalisation des activités) et l’apparition du micro-protectionnisme (comme en témoigne la difficulté à conclure des négociations commerciales multilatérales). L’élasticité du commerce au PIB mondial devrait par conséquent rester à une valeur proche (voire inférieure) de l’unité, avec des effets négatifs « keynésien » (réduction des perspectives de croissance via le canal des exportations) et « smithien » (réduction des gains de productivité à cause d’une moindre diffusion des technologies), qui risquent d’alimenter la faiblesse des gains de productivité observée depuis la crise.

L’OCDE (et pas seulement elle) s’inquiète de ce que la concurrence entre les entreprises soit de moins en moins parfaite, et redoute une dynamique du « tout au gagnant » dans le monde numérique. On observe ainsi un écart de productivité grandissant entre les entreprises à la frontière technologique et les entreprises les moins performantes qui serait le résultat d’un ralentissement de la diffusion de l’innovation et d’une concentration grandissante des activités économiques dans un nombre limité d’entreprises. Les 100 premières entreprises exportatrices représentent une part significative des exportations dans tous les pays – allant d’environ un quart en Italie à plus de 80 % au Luxembourg, et 250 multinationales sont à l’origine de 70 % de la dépense globale de R‑D et détiennent 70 % des brevets au niveau mondial. Qui plus est, cette concentration de l’activité serait à l’origine d’inégalités de revenus – la dispersion des salaires observée résulterait davantage d’écarts entre entreprises plutôt qu’à l’intérieur de celles-ci (les salariés les plus productifs travaillent de plus en plus ensemble dans les entreprises les plus productives). La volonté chinoise affichée dans le cadre du 13ème plan quinquennal de fusionner 106 entreprises publiques pour les transformer en 40 leaders mondiaux risque pourtant d’accentuer cette concentration.

Les Banques centrales de nombreux pays semblent incapables de sortir de leur politique monétaire ultra-accommodante (la hausse des taux directeurs de la FED attendue en décembre est encore incertaine, et dans la zone euro le policy-mix est déséquilibré et semble reposer quasi-exclusivement sur la politique monétaire). La faiblesse des taux d’intérêt devrait donc se poursuivre ce qui à terme risque de favoriser la « survie » artificielle d’entreprises insolvables (entreprises zombies), et qui pèse déjà sur la rentabilité des banques (le problème pourrait même devenir « aigu » dans les pays où les emprunts sont en général à taux variable, car dans ces pays les banques seront confrontées à une diminution de leurs marges sur les nouveaux prêts et sur les encours existants).

Le Brexit aura vraisemblablement lieu et risque d’être hard voire carrément dirty, ce qui – alors que l’année 2017 sera une année électorale en France et en Allemagne – augure de houleuses discussions techniques et juridiques sur les modalités de sortie du Royaume-Uni de l’UE.

Malgré tout ceci, il y a pourtant une relative indifférence aux signaux négatifs ; les principales organisations internationales prévoient d’ailleurs une accélération de la croissance mondiale en 2017. Puisque l’excès de confiance comme l’abus d’alcool a généralement son lendemain inévitable, espérons qu’il ne s’agit pas de myopie au désastre

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