Les enseignements contenus dans le premier rapport de l’observatoire social de Luxembourg-Ville, dont le propos est de « s’interroger sur les caractéristiques socio-économiques et socio-culturelles de la capitale », (me) semblent à la fois très beaux et très tristes.
Du beau
« 70% de la population de Luxembourg-ville est de nationalité étrangère ; la ville de Luxembourg comptait 126.790 habitants en janvier 2021, en hausse de 62,4% par rapport à 2001 ; le salaire moyen y est de 5.617 € ».
Tout cela est très beau car derrière ces froides statistiques il y a une chaleureuse réalité : Luxembourg-Ville, à l’instar du Grand-Duché en général d’ailleurs, est un territoire attractif qui permet de la mobilité sociale ascendante. Que l’on soit immigré ou expat, venir ici, et c’est pour cette raison que les gens viennent et continuent de venir, c’est en moyenne se retrouver dans une situation économico-financière bien meilleure que celle dans laquelle on se serait trouvé si on était resté dans son pays (européen, africain, américain, océanique, asiatique, caraïbéen) d’origine.
Pour les amoureux de la contradiction qui voudront (m’)opposer qu’il convient de nuancer tout cela à cause des prix du logement, sachez que (paradoxalement) l’immobilier aura été jusque-là plutôt un accélérateur – qu’un frein – de la mobilité sociale.
On n’y pense jamais mais un étranger arrivé au Luxembourg en 2008, devenu propriétaire en 2012 et reparti dans son pays natal en 2020 s’est constitué via sa résidence principale et grâce à des aides de l’État un sacré pactole de plus-value exonérée d’impôts. Au-delà de cette évidence anecdotique, puisque le taux de propriétaires parmi les étrangers est un peu au-dessus des 50%, la crise contemporaine de l’envolée des prix immobiliers n’invalide pas (encore) le beau sus-décrit ancré sur plusieurs décennies.
Du triste
« 11.243 personnes, (soit 22,3% de l’ensemble des salariés habitant la VDL, vivent sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec un salaire inférieur à 1.942 €/mois ; ces personnes ont en moyenne un salaire de 705 euros ».
Ces statistiques sont tristes pour des raisons évidentes : Luxembourg-ville, et le Grand-Duché en général d’ailleurs, connaît – hélas – son lot de travailleurs pauvres qui le sont non pas parce qu’ils sont sous-payés (le salaire minimum est élevé et la proportion de travailleurs à bas salaire faible) mais parce qu’ils ont une faible intensité de travail, souvent reflet d’un faible niveau de qualification qui ne permet pas de trouver des débouchés sur un marché du travail (niveau de richesse élevée oblige) hautement compétitif.
Les inégalités de revenus n’étant pas synonymes d’inégalités de besoins, ces travailleurs pauvres connaissent à n’en pas douter, malgré la généreuse protection sociale, des fins de mois difficiles dès le 12. C’est là un grand paradoxe de la richesse : l’attractivité qui en découle a tendance à aller de pair avec une « polarisation » salariale et une « démoyennisation » de la société qualifiées de « malheur urbain ».
Comment gérer optimalement le grand défi des inégalités causées par un haut degré d’attractivité nécessaire pour maintenir et améliorer le niveau de développement ? Poser la question est une preuve que la question se pose…
Mais y parvenir n’est pas chose aisée ; ni à l’échelle de la riche et attractive ville de Luxembourg (qui compte 40% des logements sociaux du pays qui en compte – certes – très peu) ; ni à l’échelle de l’attractif et riche Grand-Duché dont il est prévu que la population dépassera les 700.000 âmes (perspective 2050 très décriée au début des années 2000) dès 2026 !