Ce blog est une contribution à une série estivale du magazine Paperjam.
Tout observateur de la vie politico-économique doit, avant de formuler de pompeuses « recommandations » à « Bruxelles », s’interroger sur ce qui a été accompli. Pour ce faire, la nouvelle manière de « communiquer l’UE » établie par cette Commission, qui n’est pas le moindre de ses mérites[1], s’avère bien utile[2].
Premier constat : durant cette mandature, la croissance a été ininterrompue, l’emploi a connu un « nouvel élan », tandis que le chômage refluait pour atteindre « le record de ce siècle ». Aussi, le tiers des députés européens luxembourgeois qui ont choisi de siéger à la commission Emploi et affaires sociales (EMPL) semble bien avisé… Le Commissaire grand-ducal pourrait l’être tout autant en reprenant ce même portefeuille (DG EMPL).
De plus, si l’UE a (peut-être) perdu l’un de ses membres et doit faire face à de nombreuses mutations politico-économiques, une majorité historique d’Européens estime qu’appartenir à l’Union est une bonne chose. Les accomplissements de ces dernières années, dont certains très concrets comme la fin du roaming ou la protection accrue des données, n’y sont sans doute pas étrangers. Aussi, continuer à unir les Européens dans la diversité, voire dans l’adversité, est une attente forte vis-à-vis de la nouvelle Commission. Cette dernière devra, pour ce faire, poursuivre les efforts bien entamés par sa prédécesseure pour dynamiser l’investissement (responsable), la croissance (soutenable) et l’emploi (de qualité).
Il lui incombera notamment de donner corps au pilier européen des droits sociaux, qui invite les pays membres à améliorer les conditions de vie et de travail des salariés, à travers des propositions ciblées. A ce titre, une mesure nous semble cruciale dans une Europe vieillissante[3] : la garantie senior. Sauf cure de jouvence express (choc migratoire, boom des naissances…), l’Europe devra, de plus en plus, composer avec une population d’âge mûr et ses implications sur le marché du travail, les systèmes de formation, le financement de la sécurité sociale, l’adaptation des logements, etc. Une attention particulière devrait donc être portée à l’emploi des plus de 45 ans : sur le modèle de la garantie pour la jeunesse, la garantie senior allie un bilan de compétences et une formation continue sur mesure avec un suivi d’insertion sur le marché du travail. Car le vieillissement de l’Europe n’est pas “a small thing”…
Face aux difficultés internes (montée des populismes, atteintes à l’Etat de droit, intégration insuffisante de la zone euro, etc.) comme aux mutations internationales (crise écologique, flux migratoires, guerre commerciale, etc.), cette Commission devra résolument rester “big on big things”. Voire le devenir.
Source: Parlemètres 2017 et 2018
[1] Dans son bilan (positif !) de la Commission Juncker, la Fondation Robert Schuman conclut, quant à elle, que « le véritable élément négatif demeure […] celui de la Communication » mais estime que l’apport personnel de Jean-Claude Juncker ne doit pas être sous-estimé, (vision d’une Union européenne plus politique, plus proche des citoyens, mais aussi plus efficace et plus réactive à des changements de l’environnement géopolitique).Voir : https://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0520-juncker-ou-la-plus-value-europeenne-le-bilan-positif-de-la-commission-europeenne-2014-2019
[2] Voir : https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/euco_sibiu_communication_en.pdf
[3] L’Europe serait le continent le plus âgé d’ici 2030 avec une moyenne d’âge de 45 ans (Rand Europe).
Le Pilier Européen des droits sociaux est bien perfectible. La nouvelle Commission devra s’atteler au fonctionnement des systèmes sociaux inter-étatiques. Le nombre de travailleurs transfrontaliers ne cesse d’augmenter, les systèmes de sécurité sociale, le droit au chômage et à la retraite-qui devra prendre en compte les années de travail exécutées dans plusieurs pays- sont laissés à l’appréciation des administrations nationales, aller voire si elles communiquent bien, très bien, voire très mal! L’ayant droit au chômage se voit laissé pour compte, et ce n’est -je l’espère- pas la question de grandes décisions politiques, mais plutôt d’engrenages administratifs. Bien noté pour les législateurs, laissant toutefois le citoyen, confronté à la bureaucratie, à la merci de réponses tardives et de maintes complications internes. Quelle est l’administration à laquelle doit s’adresser un “ayant droit” à l’indemnité de chômage si son dossier traîne entre une capitale européenne et la Commission. Un Pilier Européen bien penchant à l’image de la Tour de Pise!
Madame Hennicot Schoepges,
Je vous remercie pour votre commentaire très constructif.
Le socle européen des droits sociaux a une portée très générale, établissant ou rappelant des principes et des droits. Leur mise en oeuvre, elle, pourra être scrupuleusement observée grâce au Social Scoreboard qui a été établi à cette fin: https://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=en&catId=1196&furtherNews=yes&newsId=9163
Quant au sujet de la coordination des systèmes de sécurité sociale (qui devrait bien aider les quelque 3% d’Européens qui vivent dans un “autre” pays de l’Union, sans parler du cas “extrême” du Luxembourg), la Commission, appuyée par le Parlement, a présenté une révision de la réglementation européenne pour répondre aux problématiques que vous soulevez. Malgré un accord provisoire entre le Parlement et le Conseil de l’UE en mars 2019, certains pays y seraient toujours hostiles et le Parlement a finalement voté pour un report du texte à la prochaine législature… Le train législatif de ce projet peut être suivi ici:
Voir: https://www.europarl.europa.eu/legislative-train/theme-deeper-and-fairer-internal-market-with-a-strengthened-industrial-base-labour/file-jd-revision-of-regulation-on-social-security-labour-mobility-package
Bien à vous,
Sarah