Gratuité des transports en commun, projets de coopération transfrontalière, outils de promotion du covoiturage et hausse du salaire social minimum… autant de sujets sur lesquels certains partis, voire tous, émettent des recommandations dans leurs programmes électoraux. Trop ou trop peu au regard des objectifs affichés ? C’est la question à laquelle les collaborateurs d’IDEA proposent d’apporter des éléments de réponse d’ici au 14 octobre.
Vu qu’elle est citée dans quasiment tous les programmes électoraux, l’idée que les transports publics devraient être « gratuits » au Luxembourg semble faire l’unanimité … sans qu’il ne soit vraiment possible d’affirmer qu’il s’agisse là d’une véritable demande de la population. Mais puisque rien n’est plus puissant qu’une idée qui fait consensus parmi les décideurs politiques, il est fort probable que le prochain gouvernement décidera que les transports publics seront « gratuits ». Le Luxembourg deviendrait alors le deuxième pays européen dans ce cas après l’Estonie. Au risque de passer pour un rabat-joie (que je suis sans doute un peu), il me semble qu’il s’agit là d’une idée louche. Tout d’abord, il ne faut jamais oublier que la « gratuité » des services publics est un concept tout relatif. Actuellement, les recettes d’exploitation des transports en commun représentent 65 millions d’euros (et non pas 30 millions d’euros comme il est souvent évoqué). Avec la « gratuité », c’est donc 65 millions d’euros qui seront pris en charge non plus par les usagers, mais par l’Etat… et donc le contribuable via les impôts et taxes. On peut trouver que ce n’est pas beaucoup puisque cela ne pèse que 3.6% des dépenses publiques totales consacrées aux transports (1,8 milliard d’euros en 2016). Mais 65 millions d’euros représentent 32 fois le montant annuel consacré à la subvention de loyer, plus de 32% du montant versé annuellement au titre du Revenu d’inclusion sociale, 15 millions de plus que la dotation annuelle du fonds souverain intergénérationnel du Luxembourg, l’achat de 140 appartements de 80 m2, et 6 fois le montant qui sera déboursé par le Luxembourg pour le programme des parkings de regroupement et des parcs relais dans le cadre du renforcement de la coopération dans les transports transfrontaliers signé avec la France. Les 65 millions d’euros pourraient donc être utilisés à meilleur escient. Aussi, la « gratuité » est présentée comme une manière d’inciter la population à utiliser davantage les transports en commun au détriment de la voiture. Cela relève, à n’en pas douter, de la pensée magique. Actuellement, il existe la carte M-Pass, abonnement annuel destiné aux salariés et commercialisé directement auprès des entreprises et des administrations. Certains en bénéficient – gratuitement puisque ce sont les employeurs qui la payent – mais nombreux sont ceux qui préfèrent disposer d’une voiture de fonction ou d’une place de parking. Croire que la « gratuité » des transports en commun changera la donne, c’est mettre trop de foi dans l’espérance. D’ailleurs, ceux qui bénéficiaient de la carte M-Pass ne risquent-ils pas avec la « gratuité » du transport financé par l’Etat de demander une augmentation à leur employeur d’un montant équivalent au prix de la carte qui leur était offerte auparavant (440€ par an), ce qui pourrait tendre les rapports sociaux dans certaines entreprises ! Aussi, la gratuité pour les résidents ne va-t-elle pas déboucher sur une revendication des frontaliers pour que l’Etat luxembourgeois finance la gratuité des cartes Flex Pass ? Enfin, en instaurant la « gratuité » des transports en commun, n’y a-t-il pas un risque de report de la marche à pied sur les courtes distances vers les transports en commun avec des effets indésirables sur la santé (moindre exercice) ?
Pour toutes ces raisons (et tellement d’autres encore), il me semble que la gratuité des transports, au Luxembourg, n’est qu’une fausse bonne idée !