© photo : Paul Brennan, Pixabay

Sous la pression de l’opinion publique et de certains constructeurs automobiles européens, la Commission européenne propose un assouplissement de la règle prévoyant l’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs dans l’Union européenne à partir de 2035. Dans un contexte où la concurrence chinoise s’intensifie et où les droits de douane sont en hausse de l’autre côté de l’Atlantique. Cette dilution de la contrainte peut-elle offrir un ballon d’oxygène aux constructeurs européens ?

A en croire les producteurs européens, peut-être, mais seulement à court terme. Ils pourront continuer à écouler une technologie des moteurs thermiques désormais amortie et parfaitement maitrisée. Ils devront toutefois maintenir des chaines de production pour les véhicules thermiques qui, tôt au tard, devront s’adapter à de nouvelles technologies de propulsion. C’est précisément l’avantage de Tesla et des constructeurs chinois qui peuvent partir d’une feuille presque vierge pour la conception de leurs usines.

La Chine, de son côté, poursuit sa stratégie : l’argent public finance la production industrielle[1] et soutient les consommateurs dans leur transition vers l’électrification. Face à ce rouleau compresseur qui continue d’améliorer la qualité tout en réduisant les coûts de production des véhicules électriques, la seule dilution de la contrainte réglementaire apparait insuffisante. En effet, au-delà d’un soutien étatique, les constructeurs chinois bénéficient de plusieurs avantages comparatifs, dont leurs homologues européens ne disposent pas : un marché intérieur dynamique pour le véhicule électrique et une maitrise des technologies clés. Surtout, les entreprises chinoises contrôlent l’ensemble de la chaine de valeurs, de l’extraction des minerais nécessaires à leur raffinage jusqu’au produit fini, batterie et véhicule compris. Même en termes de technologies embarquées, les constructeurs chinois n’ont désormais plus à rougir face à la concurrence européenne.

Il ne s’agit plus que d’une question de temps avant que la voiture électrique ne devienne plus abordable que son équivalent thermique. Au-delà du frein financier, les autres obstacles, comme la facilité de recharge et l’autonomie, devraient progressivement être levés grâce aux avancées technologiques, aux économies d’échelle liées à la production de masse et au déploiement des infrastructures de recharge.

Outre-Atlantique, compte tenu de la préférence marquée pour la production nationale et les tensions commerciales actuelles, il semble peu probable que les Etats-Unis demeurent une destination privilégiée pour la production automobile européenne.

Un signal préoccupant pour la crédibilité de la transition

Du point de vue de la transition climatique, ce coup de canif dans les engagements pris donne l’impression que les objectifs deviennent difficilement atteignables et seraient surtout révisables en cours de route. Cette décision peut également nourrir le sentiment que la transition ne s’applique pas de manière équitable à l’ensemble de la population. Avec jusqu’à 10% de véhicules thermiques encore autorisés à la vente après 2035, il est probable que les constructeurs privilégient les segments offrant les marges le plus élevées, et donc les véhicules de luxe, inaccessibles pour la plupart des portefeuilles.

La crédibilité des objectifs climatiques est fragilisée par une telle décision. En 2032, 2033… si la conjoncture commerciale et financière ne convient toujours aux constructeurs européens, l’objectif sera-t-il encore dégonflé ? Et, au-delà du secteur automobile, qu’en sera-t-il des autres objectifs environnementaux ?

Le paquet proposé par la Commission comprend toutefois une réorientation stratégique, avec notamment le soutien au développement de véhicules électriques de plus petites tailles, plus adaptés à la demande des clients européens. Il est également question d’introduire une certaine « préférence européenne », via l’utilisation d’aciers bas carbone produits en Europe (produits notamment au Luxembourg), ainsi que de renforcer le développement de l’industrie des batteries. Pour aller plus loin et favoriser la production au sein de l’Union, le développement de partenariats avec des producteurs chinois implantés en Europe pourrait également constituer une piste pertinente. De même, la prise en compte de l’empreinte carbone pour l’octroi des éventuelles primes à l’achat (déjà en vigueur France) mériterait d’être généralisée.

Au Luxembourg, la question de la pertinence de la politique de prime actuellement en vigueur pourrait se poser. Toutefois, la proposition de la Commission ne modifie pas, à ce stade, les engagements en matière de réduction de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 et au-delà. Dans la mesure où l’augmentation de la part des véhicules électriques dans le parc automobile national demeure un pilier du PNEC, et compte tenu du surcoût à l’achat d’un véhicule électrique, il semble pertinent de poursuivre la politique actuelle, bien qu’elle reste coûteuse au regard des réductions d’émissions effectivement obtenues[2]. Enfin, un ralentissement de l’électrification du secteur du transport, aussi bien au Luxembourg que dans les pays limitrophes, pourraient avoir un impact, quoique limité par rapport à l’effet sur les prix, sur la diminution espérée du tanktourismus.


[1] La Commission européenne a mis en place des taxations pour l’importation des véhicules chinois dans l’Union. L’avantage tiré par les constructeurs chinois des aides étatiques ont un effet de distorsion allant jusqu’à 35% de la valeur du véhicule, d’où l’instauration de droits de douane jusqu’à cette hauteur.

[2] Voir IDEA, Frédéric Meys (2025), Document de Travail n°34 : « Objectifs et efficacité des incitations environnementales : le cas du marché de l’électromobilité au Luxembourg ».

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