1. Je ne comprends pas la critique acerbe qui frappe l’étude collaborative commanditée à Jeremy Rifkin, encouragée et financée à parité par le gouvernement et la chambre de commerce, même si l’auteur tente de se rattraper dans une note en bas de page. Il y a maintenant de nombreuses études académiques sur le sujet, souvent d’excellente facture, des rapports commandités par les pouvoirs publics… Chacune apporte un éclairage souvent complémentaire.
2. Ordoliberalisme: le néolibéralisme ayant été précipité de son piédestal par les études du FMI, exit dont la doctrine maîtresse des dernières décennies pour laisser la place à une doctrine plus traditionnelle chérie par une frange des économistes allemands, l’ordolibéralisme. Or dans l’histoire des idées politiques, au chapitre de l’évolution de la doctrine “libérale” sensu lato on distingue une palette très riche d’économistes et de penseurs défendant des thèses contrastées (voir Serge Audier in Alternatives économiques, 1/10/2013) tels Alexander Rüstow, Wilhelm Röpke, Walter Eucken, ….. On a le sentiment que cette branche particulière de la philosophie politique, si elle devait servir de référence à l’auteur du document, mériterait d’être précisée et approfondie.
3. Il y a à mon avis deux questions fondamentales. Premièrement, la question fondamentale est de savoir si l’emploi total va se contracter substantiellement suite à la robotisation accélérée ou bien augmenter temporairement comme le prétend RIFKIN. Deuxièmement, la question de la transformation du poste de travail et de son statut en termes de qualifications, de contrat, de rémunération. Le document les effleure en diagonale, il ne les discute pas sur le fond.
4. L’auteur, dans les épilogues, semble se placer dans le contexte de l’ubérisation du travail – sans préciser ce que cela comprend – et remet en question le substrat juridique du travail salarié tel que nous le connaissons ainsi que les dispositifs de protection sociale.
C’est là qu’on assiste à un florilège assez amusant de propositions bizarres, ou osées comme la suppression des Chambres professionnelles et organisations syndicales et patronales au bénéfice une “maison de l’activité”, la revendication d’une réduction du temps de travail (bien vu!), un contrôle d’immigration (au sein du marché intérieur?), mais aussi l’introduction “la monnaie fondante, contrôle des naissances, règles strictes encadrant la constitution de groupes d’entreprises, élimination de la propriété intellectuelle, financement de logements sociaux par les entreprises” etc. Ces mesures seraient indispensables pour contrer l’ubérisation du travail et le danger du précariat.
Le document lance un débat en s’attaquant frontalement à des institutions et à un imaginaire bien ancrés dans le paysage politique luxembourgeois. L’auteur n’a pas livré l’articulation argumentée entre les tendances supputées de la technologie et la liste de remèdes disparates envisagés.