Le 12 avril dernier, IDEA présentait son Avis annuel 2016 dans lequel quelques doutes étaient formulés ou réitérés quant à l’évolution de la conjoncture mondiale. Le même jour, le Fonds monétaire international (FMI) annonçait que le PIB mondial passerait de 3,1% en 2015 à 3,2% en 2016 puis à 3,5 % en 2017[1], soit une nouvelle révision à la baisse par rapport à ses dernières Perspectives de l’économie mondiale (-0,2% pour 2016 et -0,1% pour 2017 par rapport à janvier 2016). Lentement mais sûrement ? Non, pour le Fonds, la croissance est “trop faible, depuis trop longtemps” et “se poursuit à un rythme de plus en plus décevant”, renforçant la possibilité d’un retournement brutal. Si cette annonce n’a pas vraiment surpris, elle a néanmoins avivé les inquiétudes et crédibilisé les risques pesant sur la santé de l’économie mondiale.
Les turbulences sur les marchés financiers mondiaux[2], notamment dues aux fuites de capitaux des pays émergents[3], que les redressements qui ont suivies ont permis de relativiser, pourraient toutefois finir par sévèrement affecter l’économie réelle si elles gagnaient en fréquence et en intensité (cf. le début de la earnings season et les déceptions suscitées par des ténors comme Alphabet). En outre, certains « eldorados » d’hier sur lesquels reposaient les espoirs d’expansion mondiale (économique, commerciale, financière), sont aujourd’hui empêtrés dans leurs problèmes internes à l’image du Brésil, dont la Chambre des députés a validé la procédure de destitution de la Présidente, Dilma Roussef, le 17 avril. De même, l’échec récent des négociations de Doha entre pays membres et non-membres[4] de l’OPEP, précipité par la défection « surprise » de l’Iran, risque d’enliser les cours du pétrole à des niveaux bas, aucun gel de la production n’ayant été décidé. Dans ce contexte, nombre de pays exportateurs de pétrole voient leurs termes de l’échange se dégrader et les conditions de financement extérieur se durcir, aggravant, in fine, les troubles socio-politiques en Angola, au Nigeria ou encore au Venezuela (inflation galopante, pénurie alimentaire due au renchérissement des importations, rationnement électrique, salaires impayés, etc.). L’impact économique global de ces embrasements nationaux est difficilement prévisible mais ils génèrent une troublante incertitude qui s’ajoute aux craintes diffuses à l’échelle mondiale. Ainsi, la menace terroriste, les tensions géopolitiques, les vagues migratoires et les drames humains qu’elles engendrent, nourrissent la peur et les querelles politiques, risquent d’ébranler les fragiles équilibres régionaux et de dissoudre des unions considérées comme acquises. Cela confine à un repli sur soi nuisible aux échanges de toute nature : ainsi, le 7 avril dernier, l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui tablait sur une hausse de 3,9% du commerce mondial en 2016, a, elle aussi, raboté ses perspectives à 2,8%. Or une activité en berne rend les économies, déjà éprouvées voire lessivées par la crise (sans fin ?), plus vulnérables aux difficultés présentes et, surtout, futures. Par ailleurs, les économies dites avancées ne sont pas plus épargnées, avec des révisions à la baisse des perspectives de croissance en zone euro (-0,2%), aux Etats-Unis (-0,2%) et au Japon (-0,5%). Si la conclusion du FMI est « claire » : la croissance doit être affermie, les moyens pour y parvenir sont loin de l’être[5].
Force est de constater que ces exercices de prévision de croissance n’ont de cesse de décevoir « l’opinion » (et surtout les décideurs politiques) mais les organisations internationales n’ont ni vocation ni prétention à être des “diseuses de bonne aventure” et une attention excessive est peut-être portée à la seule variable “taux de croissance”. Des projections n’ont rien d’absolu, conditionnées par les aléas économiques mais aussi institutionnels et politiques dont l’anticipation et la lecture demeurent complexes et floues[6]. En résumé, des doutes subsistent, d’autres se confirment et certains s’affermissent. Indubitablement.
[1] Voir : http://www.imf.org/external/french/pubs/ft/weo/2016/01/pdf/textf.pdf
[2] Voir pour une position optimiste : http://www.fondation-idea.lu/2016/02/24/turbulences-sur-les-marches-financiers-faut-il-commencer-a-avoir-peur/
Voir pour une position négative : http://www.fondation-idea.lu/2016/03/02/turbulences-sur-les-marches-financiers-faut-il-commencer-a-avoir-peur-22/
[3] Selon l’Institute of International Finance (IIF), les sorties nettes de capitaux des pays émergents se sont élevées à 735 milliards de dollars en 2015, soit 7 fois plus qu’en 2014. Ce mouvement devrait se poursuivre en 2016, quoiqu’à un niveau moindre (348 milliards).
[4] Oman, la Colombie, l’Azerbaïdjan et la Russie avaient été conviés.
[5] Au-delà des « sempiternelles » politiques monétaires accommodantes là où l’inflation est faible (dont l’issue est, elle aussi, incertaine) – cf annonce du maintien des taux bas de la BCE le 21 avril, budgétaires favorables à l’activité sans être nuisibles aux finances publiques et de politiques structurelles.
[6] Voir : http://www.oecd.org/fr/eco/perspectives/Pr%C3%A9visions-OCDE-note-politique.pdf