Le triptyque « budget 2015 – budget pluriannuel – paquet d’avenir» a été particulièrement commenté, voire décrié. Mais au-delà des postures et des intérêts particuliers, deux questions se posent alors qu’on s’achemine vers leur vote à la Chambre des Députés : le milliard d’euros de consolidation envisagé entre 2015 et 2018 sera-t-il suffisant ? Les efforts de consolidation budgétaire envisagés sont-ils « équitablement » répartis ? La Fondation IDEA avance des éléments de réponse.
Le milliard de consolidation envisagé sera-t-il suffisant?
Les efforts de consolidation décrits dans le projet de budget 2015 et le paquet d’avenir – un peu plus d’un milliard d’euros – sont une réelle avancée et relèvent en réalité du bon sens ; l’inaction était-elle vraiment une alternative au vu des déficits de l’Administration centrale engrangés année après année et des coûts futurs du « vieillissement » ? Néanmoins, les efforts de consolidation annoncés paraissent toujours quelque peu insuffisants – l’Administration centrale restant déficitaire à l’horizon 2018 malgré l’effort prévu – même s’ils ont le mérite d’exister.
D’une part, et il y a unanimité sur le sujet, le budget pluriannuel repose sur des hypothèses de croissance assez favorables. Des taux de croissance plus faibles que ceux retenus, synonyme de bases fiscales moins abondantes,, se traduiraient par un solde budgétaire effectif moins favorable qu’actuellement escompté et induirait des besoins de consolidation supplémentaires.
D’autre part, les documents budgétaires déposés à la Chambre des Députés en octobre sont déjà partiellement dépassés, puisqu’ils ont été « complétés » par des amendements introduits début décembre, dans la foulée des discussions du 28 novembre 2014 entre le Gouvernement et les trois principaux syndicats. D’après le récent rapport de la Commission des finances et du budget, l’incidence budgétaire négative de ces amendements serait de l’ordre de 50 millions, un manque à gagner qu’il faudra combler. Plus inquiétant encore (du point de vue budgétaire), une disposition à première vue assez sibylline de l’accord entre le Gouvernement et les syndicats, portant sur l’indexation des prestations familiales au salaire médian,[1] peut représenter, suivant la transposition qui sera retenue, jusqu’à 90 millions[2] d’euros de dépenses publiques supplémentaires ; un montant qu’il faudra là aussi dégager (en baisse de dépenses ou hausse des impôts) ailleurs.
Ainsi, le coût total du « paquet » concédé suite aux négociations du 28 novembre dernier pourrait atteindre jusqu’à 140 millions d’euros (hors incidence budgétaire de la transcription de la réforme des carrières de la fonction publique dans le secteur hospitalier et le secteur des aides et de soins), amoindrissant d’un septième à horizon 2018 la consolidation totale de l’ordre de 1 milliard d’euros évoquée en octobre 2014.
Pour toutes ces raisons, il est fort probable qu’il faudra compléter ce premier pas vers un assainissement budgétaire durable que constitue le « Paquet d’avenir » de quelques autres…
Les efforts de consolidation sont-ils équitablement répartis?
Prendre des mesures afin d’éviter que les finances publiques ne soient dans le rouge suppose d’augmenter les recettes et/ou de réduire les dépenses publiques. Il y a donc toujours des groupes (ménages, entreprises, associations, Instituts publics, etc.) qui seront touchés par de telles mesures. Dans le cas de la consolidation luxembourgeoise (premier pas insuffisant, cf supra), il semble dans une première lecture que la volonté affichée par le Gouvernement de « faire feu de tout bois » ait été respectée. En effet, tous les Ministères sont mis à contribution, et les plus de 250 mesures annoncées concernent à la fois les ménages, les entreprises, les associations, etc. Le fait que des levées de boucliers contre certaines mesures soient venues de différents bords (organisations syndicales, organisations patronales, associations, enseignants, etc.) tendent d’ailleurs à démontrer que le Gouvernement a effectivement « ratissé » large. Cette impression d’ensemble est corroborée par le fait que la hausse de TVA et la nouvelle contribution de 0,5% (rabotée depuis en « impôt d’équilibre budgétaire temporaire »), qui sont les deux mesures phares de cette consolidation, soient assises sur des assiettes fiscales relativement larges, le confirment d’ailleurs.
Néanmoins, en observant plus en détail, on remarque une discrimination en faveur de charges fiscales ou parafiscales (près de 70% du total des mesures de consolidation en 2015, toujours plus de la moitié à l’horizon 2018) au détriment des baisses de dépenses. De même, il semblerait que certains Ministères (Famille, Travail) – et donc certains groupes – aient été plus mis à contribution que d’autres. S’agissant de la répartition de la consolidation entre ménages et entreprises, très logiquement les ménages (plus nombreux et bénéficiant d’importants transferts sociaux) sont davantage sollicités que les entreprises (délocalisables et soumises à des impératifs de compétitivité). A cet égard, il sera important d’observer les effets de second tour de certaines mesures assises sur les ménages…sur la demande adressée aux entreprises. Notons d’ailleurs que l’opposition souvent faite entre les ménages et les entreprises est assez artificielle, les intérêts de ces deux groupes se chevauchant dans une très large mesure (importance de la demande des ménages pour les entreprises, importance d’entreprises dynamiques pour l’emploi et les revenus des ménages,…).
En définitive et à première vue, les efforts de consolidation semblent équitablement partagés, même si seule une analyse par catégories d’individus (déciles, impact sur le coefficient de Gini, etc.) permettrait d’étayer définitivement une telle conclusion. Plus généralement, les « anomalies » encore existantes (exemptions fiscales non économiquement pertinentes, sélectivité non optimale de certaines dépenses, etc.) pourront, pour certaines, faire l’objet de correction dans le cadre de la réforme fiscale à venir.
[1] « A partir de la mise en vigueur des nouvelles dispositions légales les montants des prestations familiales seront périodiquement adaptés en tenant compte de l’évolution de la valeur relative des prestations familiales en nature et en espèces par rapport à l’évolution du salaire médian. Dès lors qu’un écart à définir est constaté, une adaptation de la valeur de ces prestations est déclenchée au premier janvier de l’année qui suit celle au cours de laquelle l’écart a été constaté ».
[2] Ce montant (maximal possible) est calculé par rapport à la situation à « politique inchangée » où les prestations familiales ne seraient ni indexées sur les prix ni liées aux salaires – situation qui prévaut depuis les négociations tripartites de 2006.